Arrestations «arbitraires», manifestations annoncées de l'opposition et des pro-pouvoir, déploiement massif de troupes, plan sécuritaire inédit: le Venezuela est sur les dents mercredi à 48 heures de l'investiture du président Nicolas Maduro, dont la victoire est entachée de fraude selon l'opposition.
«Je suis ici par la volonté de Dieu tout-puissant, par la volonté de notre peuple», assure Nicolas Maduro, qui s'apprête à débuter un troisième mandat consécutif. Le Parlement, où le pouvoir dispose d'une majorité absolue, a invité Nicolas Maduro à midi vendredi (16h GMT) pour la cérémonie d'investiture.
Appel à manifester
Mais l'opposition, qui revendique la victoire aux élections du 28 juillet, a appelé à des manifestations nationales jeudi en faveur du «président élu» Edmundo Gonzalez Urrutia pour tenter de faire dérailler le processus de prestation de serment. Le pouvoir a répondu à cet appel en convoquant lui aussi ses partisans.
Armée, police, milice, agents des services renseignement, colectivos (paramilitaires) circulent en ville parfois cagoulés, et la télévision publique diffuse régulièrement des images des forces de l'ordre.
Nicolas Maduro a activé dans la nuit un plan militaro-policier national comprenant «toutes les forces armées, la milice et toutes les forces de police».
Il a aussi annoncé sans donner de noms ni de précisions qu'un «haut fonctionnaire du FBI» et un «haut fonctionnaire militaire» faisaient partie des 125 personnes arrêtées ces derniers jours dans le cadre de la neutralisation d'une agression mercenaire étrangère financée par les Etats-Unis.
Complots contre Maduro
Le gouvernement vénézuélien dénonce fréquemment des complots ou attaques visant à évincer Nicolas Maduro. Deux personnalités ont été arrêtées, a-t-on appris mercredi. Enrique Marquez, ex-candidat à la présidentielle, 61 ans, «a été détenu arbitrairement» mardi, selon la coalition auquel appartient son parti.
Enrique Marquez a notamment mené une croisade judiciaire demandant l'annulation de l'élection. Son épouse Sonia Lugo estime que le pouvoir tente ainsi «de réduire au silence et d'intimider ceux qui veulent un pays meilleur et qui ont une vision différente».
Arrestation également de Carlos Correa, directeur d'Espacio Publico, une ONG réputée dans la défense des droits humains. «Il a été intercepté dans le centre de Caracas par de prétendus fonctionnaires cagoulés», selon l'ONG. Les autorités n'ont confirmé aucune des deux arrestations.
Plus de 2 millions de migrants
Le président colombien, Gustavo Petro, premier chef d'Etat de gauche du pays, s'est insurgé contre ces arrestations annonçant qu'il n'assistera pas à la prestation de serment de Nicolas Maduro.
«Ceci, et d'autres faits, empêchent ma présence personnelle», a déclaré Gustavo Petro sur X. Avec deux millions de migrants, selon les chiffres officiels, la Colombie est le principal pays d'accueil des 8 millions de Vénézuéliens qui ont fui la crise politique et économique.
Le Secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres s'est lui dit «profondément préoccupé» par ces «nouvelles détentions arbitraires».
La France en soutien
Pour sa part, le président français Emmanuel Macron s'est entretenu au téléphone avec la cheffe de l'opposition Maria Corina Machado et avec Edmundo Gonzalez Urrutia, qui revendique la victoire à la présidentielle du 28 juillet, et leur a dit que «la volonté du peuple vénézuélien (...) doit être respectée».
«Lors de ces échanges, le président de la République a réitéré le soutien de la France au peuple vénézuélien», a ajouté l'Elysée dans un communiqué.
Le président socialiste Maduro a été proclamé vainqueur du scrutin avec 52% des voix par le Conseil national électoral (CNE) qui n'a pas rendu publics les procès-verbaux des bureaux de vote, disant avoir été victime d'un piratage informatique jugé peu crédible par de nombreux observateurs.
L'opposition a publié les procès-verbaux fournis par ses scrutateurs et assure que Edmundo Gonzalez Urrutia a obtenu plus de 67% des voix.
L'opposition en fuite?
Edmundo Gonzalez Urrutia, dont la tête est mise à prix à 100'000 dollars au Venezuela, poursuit quant à lui sa tournée internationale. Il est arrivé mercredi à Panama avec dans ses valises les procès verbaux de l'opposition pour les déposer dans un coffre-fort à la Banque nationale.
«C'est la véritable écharpe (présidentielle)» a lancé Edmundo Gonzalez Urrutia, revendiquant une nouvelle fois la présidence. Le pouvoir vénézuélien taxe ces documents de «faux».
Auparavant, il s'est entretenu avec le président panaméen José Raul Mulino ainsi qu'un groupe d'anciens dirigeants latino-américains avec lesquels Edmundo Gonzalez Urrutia envisagerait de prendre un avion pour se rendre Caracas dans le but de prendre le pouvoir. «Cet avion (...) doit être traité comme une force étrangère qui tente une invasion», a averti le président du Parlement, Jorge Rodriguez.
De nombreux morts
La répression des manifestations post-électorales a fait 28 morts, 200 blessés et a vu l'arrestation de 2400 personnes accusées de terrorisme (1500 environ ont été libérés sur parole).
Dans ce contexte, de nombreux observateurs se demandent si l'opposition est capable de mobiliser ses partisans jeudi et de «surmonter la peur», selon l'expression de Maria Corina Machado.
La dirigeante, qui vit dans la clandestinité depuis cinq mois, a promis de sortir pour ne pas «manquer ce jour historique», assurant que «les jours» de Maduro et de la «tyrannie» sont «comptés».