Après les Allemands et les Suédois, les Britanniques mettent en garde contre une guerre en Europe. Le chef de l'armée Patrick Sanders a même demandé aux Britanniques de se préparer à un conflit armé d'une ampleur comparable à celle des deux précédentes guerres mondiales. Rien que ça!
Lors d'une exposition de chars à Londres, le gradé britannique a conjuré ses compatriotes de prendre toute la mesure de la gravité de la situation en Ukraine: «L'enjeu de cette guerre n'est pas seulement de récupérer les terres fertiles du Donbass ou de réinstaller une forme d'empire russe. Ce qu'ils veulent, c'est la défaite politique, psychologique et symbolique de notre mode de vie et tout de notre système.»
Sur la guerre en Ukraine
Doit-on prendre au sérieux tous ces avertissements? Dan Smith, directeur de l'Institut international de recherche sur la paix à Stockholm (Sipri), fait le point sur la situation.
Dan Smith, les ministres et les chefs d'armée de plusieurs pays mettent en garde contre une possible extension de la guerre en Ukraine dans le monde. Qu'en pensez-vous?
Beaucoup de choses relèvent de la rhétorique. Les gouvernements essaient plutôt d'encourager les gens à prendre toute la mesure de la situation. Nous sommes dans un endroit où étions relativement en sécurité. Là, les choses sont en train de changer. Mais je pense que toute cette rhétorique est un peu exagérée.
Quel est selon vous le risque de guerre en Europe occidentale?
Le risque que l'Europe occidentale s'implique dans une guerre de grande ampleur est faible. Il faudrait d'abord que beaucoup de choses tournent mal.
On dit que la Russie pourrait attaquer les États baltes.
Ce serait risqué pour le gouvernement russe d'attaquer militairement ces pays, qui sont membres de l'OTAN. Si les hostilités devaient vraiment s'intensifier, je m'attendrais d'abord à des opérations de sabotage et de désinformation.
Pourquoi tant de conflits et de guerres éclatent-ils actuellement dans le monde?
Plusieurs facteurs se conjuguent. Depuis que la politique russe a changé en 2008, le Kremlin se montre beaucoup plus sûr de lui et s'impose davantage sur la scène internationale. La crise économique de 2007 et les conséquences économiques de la pandémie jouent également un rôle. À cela s'ajoute les changements environnementaux, notamment le changement climatique. Nous sommes confrontés à une sorte de tempête politique, socio-économique et écologique. C'est plutôt un chaos global.
Quel conflit est, selon vous, le plus dangereux?
Je dirais celui de la Chine et les États-Unis autour Taïwan, car c'est un conflit local qui pourrait avoir des conséquences au niveau mondial.
Qu'en est-il de l'Ukraine et du Proche-Orient?
La guerre en Ukraine, dont l'un des protagonistes – en l'occurrence, la Russie – dispose d'un arsenal nucléaire, représente évidemment un énorme danger pour le monde. Le conflit peut vite dégénérer et entraîner des dommages massifs. Mais la guerre de Gaza est aussi extrêmement dangereuse, car elle pourrait avoir des répercussions importantes sur le commerce mondial. Il faut bien comprendre qu'un conflit local peut rapidement dégénérer en guerre mondiale.
Vous vous occupez depuis des années de recherches sur la paix. Comment se sortir d'une situation comme celle que l'on rencontre actuellement en Ukraine?
Il n'y a pas de solution miracle. Il n'y a que la possibilité de s'attaquer à l'origine du problème. Souvent, quand les deux parties font face à une impasse, il est plus facile de s'asseoir à la table des négociations. Un changement profond dans l'un – ou dans les deux – pays en conflit pourrait également conduire à un résultat.
Que doit-on faire, alors? Attendre?
Le temps est en effet un facteur très important. Et de manière générale, il faut être pragmatique et mesuré, évoquer des combats communs, comme la lutte contre la criminalité et le changement climatique. En clair, il faut tout faire pour éviter une déstabilisation des régions frontalières entre l'Europe et la Russie.
Comment maintenir une paix durable sur cette planète?
Nous étions sur la bonne voie entre 1990 et 2010. Selon nos calculs, les dépenses militaires mondiales sont passées de 1,5 billion de dollars à environ 1 billion en 2000. Depuis, elles ont bondi à plus de 2,2 billions de dollars, quand plusieurs accords de paix ont été conclus à un rythme sans précédent par l'ONU et son Conseil de sécurité des Nations après la guerre froide.
Et aujourd'hui?
Avec les nombreuses organisations de l'ONU, nous avons pris un bon départ. Maintenant, nous devons encore trouver un moyen pour ramener l'Occident, la Russie et la Chine sur une voie pragmatique. Pas besoin de devenir amis: simplement développer une autre forme de relation. Le monde changera.
La Suisse est-elle également en danger?
La Suisse se trouve certes dans une position géostratégique assez sûre. Mais si une guerre conventionnelle ou nucléaire éclatait en Europe, le pays serait touché d'une manière beaucoup, beaucoup plus problématique que lors de la Seconde Guerre mondiale.
La Suède, pourtant considérée comme un pays neutre, rejoint désormais l'OTAN. Qu'est-ce que cela signifie la neutralité de la Suisse?
Il existe différents types de neutralité: soit on se retire, soit on prend ses distances, soit on ne s'occupe de rien. Mais cela peut aussi signifier que l'on défend le droit international. Et en la matière, je perçois la Suisse comme un arbitre impliqué, engagé et qui respecterait les règles.
Comment peut-on personnellement contribuer à davantage de paix?
Les échanges sont devenus plus agressifs, notamment sur les réseaux sociaux, qui attisent cette colère avec leur algorithme. C'est peut-être le moment de réfléchir à la manière dont on peut construire des ponts entre des gens qui ne partagent pas le même point de vue. A titre personnel, je ne peux certes pas sauver le monde, mais je peux apporter ma contribution.