Après la Géorgie et la Moldavie
«Les stratégies agressives de la Russie visent les États membres de l'UE et de l'OTAN»

La Géorgie, candidate à l'adhésion à l'UE, s'est engagée en faveur de la Russie. Les observateurs parlent toutefois de manipulation. Mais quoi qu'il en soit, le résultat des élections nous envoie un signal menaçant. Les experts expliquent pourquoi.
Publié: 30.10.2024 à 09:04 heures
Les partisans du parti prorusse «Rêve géorgien» se réjouissent du résultat des élections, qui rapproche le pays de la Russie.
Photo: IMAGO/SNA
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Guido Felder

Un nouveau danger se dessine à l'est de l'Europe. Un de plus. Après l'invasion de l'Ukraine, Moscou tente, selon les observateurs, de manipuler les élections dans les États post-soviétiques. Dimanche, les forces prorusses ont remporté les élections en Géorgie. Comme en Moldavie la semaine précédente, les observateurs électoraux y voient une manipulation massive orchestrée par le Kremlin.

Mais les anciens pays soviétiques ne sont pas les seuls concernés par l'ingérence de la Russie. Certains experts sont convaincus que les pays de l'UE et de l'OTAN seront, eux aussi, de plus en plus dans le collimateur du Kremlin. Mais de quelle manière Moscou compte réellement viser l'Europe?

Pourquoi la Géorgie a-t-elle voté pour les forces prorusses?

En principe, la Géorgie et la Moldavie avaient choisi une trajectoire vers l'Union européenne. Elles ont reçu en 2023 le statut de candidats à l'adhésion. Toutefois, les récentes élections en Géorgie ont pris un tournant prorusse, et en Moldavie, la question de l'UE a également divisé l’opinion avec une très faible majorité sur la question de l'UE, ce qui était inattendu. 

Dans les deux pays, on soupçonne une manipulation massive de la Russie et un résultat «truqué». On parle d'achat de voix, d'intimidation des électeurs, de menaces d'invasion, de votes multiples et de violence contre les observateurs électoraux.

Pourquoi ces élections sont-elles si importantes pour nous?

Les mots d'Ulrich Schmid, expert de la Russie à l'université de Saint-Gall, sont sans équivoque: «La guerre en Ukraine nous l'a montré, nous ne pouvons pas rester indifférents aux conditions qui règnent dans ces pays. Ils ont une influence directe sur notre sécurité!» En effet, le succès du Kremlin lors des élections dans deux pays candidats à l'UE devrait continuer d'attiser l'appétit de Poutine.

Pour les observateurs de l'Europe de l'Est, il est clair que Poutine ne vise pas seulement les anciens pays soviétiques. Fabian Burkhardt, politologue à l'Institut Leibniz de recherche sur l'Europe de l'Est et du Sud-Est à Regensburg, précise: «Les stratégies et les moyens de plus en plus agressifs de la Russie ne se limitent pas, loin s'en faut, aux élections dans le voisinage oriental de l'UE, mais visent aussi de plus en plus les États membres de l'UE et de l'OTAN.»

Le Kremlin opère de plus en plus en Europe avec des campagnes de désinformation sur les réseaux sociaux, des cyberattaques, l'achat de voix et de politiciens, voire le sabotage. Les principaux objectifs de la Russie sont de stopper le soutien financier et militaire à l'Ukraine, d'empêcher les sanctions occidentales et, plus généralement, de saper la valeur de la démocratie et de la liberté.

Dans quels autres pays européens l'influence de Poutine s'accroît-elle?

Deux pays, la Hongrie et la Serbie, entretiennent des liens étroits avec le Kremlin, avec à leur tête respectivement le Premier ministre Viktor Orban et le président Aleksandar Vucic. Les deux pays sont dépendants du pétrole et du gaz russes.

Ulf Brunnbauer, historien et directeur scientifique de l'Institut Leibniz pour la recherche sur l'Europe de l'Est et du Sud-Est: «Le plus gros problème réside dans le fait qu'en Serbie, la population est très prorusse et donc vulnérable à la propagande russe, tandis qu'en Hongrie, le chef du gouvernement lui-même nourrit une sympathie idéologique pour Poutine et a réussi à faire passer l'Ukraine pour un agresseur.»

Ulf Brunnbauer relativise toutefois en disant que l'influence de la Russie n'est jusqu'à présent pas aussi grande que le Kremlin le prétend toujours. Et Ulrich Schmid ajoute: «Orban sait parfaitement que la Hongrie profite de l'UE, c'est pourquoi une sortie n'est pas à l'ordre du jour. Vucic sait également que le commerce serbe avec l'UE est incomparablement plus important que le commerce avec la Russie.»

Pourquoi l'UE fait-elle un mauvais coup?

Fabian Burkhardt est critique sur la manière dont l'UE traite les candidats à l'adhésion que sont la Géorgie et la Moldavie: «L'UE reste molle.» Ses longues négociations d'adhésion avec une perspective temporelle indéterminée se heurtent à des problèmes brûlants de politique intérieure comme la sécurité, l'économie et l'évolution démographique. «Bien que l'UE veuille également être un acteur géopolitique dans la région, elle ne peut et ne veut manifestement pas mener une politique de sécurité dure. Cela rend la menace de la Russie d'autant plus concrète.»

Après des revers initiaux dans la guerre en Ukraine, la Russie a rattrapé son retard et veut même ramener certains anciens Etats soviétiques dans son orbite, comme éventuellement la Géorgie, explique Fabian Burkhardt. Il met en garde: «Cette situation pourrait évoluer très rapidement au détriment de l'UE dans les mois et les années à venir.»

Comment se défendre contre Poutine?

Les experts plaident pour que des sanctions soient prises contre la violation de valeurs fondamentales comme la démocratie. Et Ulf Brunnbauer de rassurer: «Les ressources russes sont limitées. Et plus nos sociétés seront résistantes et démocratiques, moins les tentatives d'influence russes seront efficaces, que ce soit lors des élections ou de manière plus générale.»

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