Sur les réseaux sociaux sont apparus les mots-clés #BoycottMcDonalds ou #BoycottPepsi.
Le responsable du fonds de pension de l'Etat de New York a envoyé des lettres aux patrons de ces multinationales ainsi qu'au fabricant de biscuits Mondelez, des groupes de cosmétiques Estée Lauder et Coty, ou encore de la maison de courtage Bunge.
Ces sociétés «doivent se demander si faire des affaires en Russie vaut le risque en cette période extraordinairement volatile», justifie-t-il.
Une équipe de l'université de Yale tient à jour une liste des entreprises ayant encore une présence significative en Russie. Elle met en avant le rôle qu'avait eu le départ volontaire de 200 grands groupes de l'Afrique du Sud dans les années 1980 dans la chute de l'apartheid.
Nombre d'entreprises américaines toujours en Russie restent silencieuses, à l'instar de McDonald's, Bunge, Mondelez, Estée Lauder, Kimberly-Clark ou Coty, qui n'ont pas répondu à une sollicitation de l'AFP.
Starbucks fait valoir que ses quelque 130 cafés en Russie appartiennent à un conglomérat koweïtien et s'est engagé à reverser toute contribution de son activité dans le pays à l'effort humanitaire en Ukraine.
Yum! Brands souligne aussi que ses quelque 1000 restaurants KFC et 50 établissements Pizza Hut sont presque tous gérés par des propriétaires indépendants sous licence ou franchise. Lundi soir, le groupe a par ailleurs indiqué suspendre ses investissements dans le pays tout en «évaluant toutes les options supplémentaires», et s'est engagé à reverser tous les profits venant de Russie à des opérations humanitaires.
Certains groupes peuvent avoir des raisons légitimes de rester, remarquent plusieurs experts en éthique et stratégie de communication interrogés par l'AFP.
«Il existe des risques sérieux à l'encontre des Occidentaux actuellement en Russie et ces entreprises doivent faire tout ce qu'elles peuvent pour rapatrier ces gens», indique Richard Painter, professeur à l'Université du Minnesota et ancien juriste en charge de l'éthique à la Maison Blanche.
Certaines entreprises peuvent être hésitantes car elles pensent pouvoir jouer un rôle d'intermédiaire entre les parties ou car elles produisent dans le pays des produits essentiels comme des ingrédients pharmaceutiques, remarque de son côté Tim Fort, professeur en éthique des affaires à l'Université d'Indiana.
Toutefois, ajoute-t-il, «c'est sans doute le bon moment pour choisir un camp et cela ne me semble pas très difficile de le faire» au vu des violations des droits humains et des lois sur les conflits commises par la Russie.
La décision d'une seule entreprise «ne va pas faire pencher la balance, mais il y a un effet d'accumulation», avance M. Fort.
Et une société aussi connue que McDonald's peut avoir une réelle influence en Russie au moment où le discours officiel minimise l'ampleur du conflit et que la population n'a presque plus accès à d'autres canaux d'information.
«Les Russes pourront survivre sans Big Mac mais ils vont surtout se demander pourquoi McDonald's ferme, se demander ce qui se passe vraiment», dit l'expert.
Pour M. Painter, les entreprises doivent penser au message à faire passer, à savoir que «la Russie ne peut pas engager une guerre en Ukraine tout en participant à l'économie mondiale».
Avec les sanctions économiques sévères imposées avec un large consensus par les gouvernements occidentaux, «c'est le meilleur moyen de traiter avec la Russie» affirme-t-il: le risque de l'utilisation de l'arme nucléaire dans le cadre d'un conflit armé ouvert est trop grand.
Peut-être certains groupes font-ils le pari que les critiques vont pleuvoir à court terme avant de retomber, avance Brian Berkey, spécialisé dans l'éthique des entreprises à l'Université de Pennsylvanie.
D'autres situations de crise, comme le conflit israélo-palestinien, ont déjà donné lieu à des appels au boycott contre certaines entreprises sans forcément beaucoup d'effets.
Le soutien à ce genre d'initiatives n'est toutefois pas toujours unanime tandis que «la grande majorité de la population dans les pays européens ou aux Etats-Unis sont d'accord pour dire que ce que fait la Russie est clairement inacceptable», remarque M. Berkey.
Pour Mark Hass, spécialiste de communication à l'Université d'Etat d'Arizona, les intérêts économiques des entreprises qui ont choisi jusqu'à présent de ne pas quitter la Russie «dépassent encore sans doute les risques pour leur réputation».
McDonald's par exemple tire 9% de son chiffre d'affaires et 3% de ses bénéfices opérationnels du pays.
Mais «si les réseaux sociaux commencent à vous identifier comme l'entreprise prête à faire du business avec un agresseur autocrate qui tue des milliers de personnes en Ukraine, alors le problème prend une autre ampleur et peut affecter votre activité bien au-delà de la Russie», dit M. Hass.
(ATS)