«Allah, délivre-moi»
Dans la prison de Saidnaya, des proches désespérées tentent de retrouver les leurs

Dans la prison syrienne de Saidnaya, 45'000 personnes seraient mortes en seulement deux ans. Ces derniers jours, 3000 prisonniers ont été libérés, mais des milliers sont toujours portés disparus. Des familles sont sur place pour chercher leurs proches. Reportage.
Publié: 14.12.2024 à 06:00 heures
La prison de Saidnaya est connue pour être un centre de torture.
Photo: dia images via Getty Images
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Helena Graf

La prison de Saidnaya trône sur une colline, barricadée d'un mur de plusieurs mètres de haut et de fils barbelés. Elle sent le béton défoncé, les égouts et le brûlé. Deux douzaines de voitures sont garées devant l'entrée principale. Des hommes et des femmes parcourent scrupuleusement des feuilles et des cahiers, éparpillés sur un mur. «Je cherche mon fils, Abdul. Il a été arrêté en 2014. Il est enfermé ici», confie Aboud Abdullah Zef, en tenant une photo du jeune homme. 

Blick s'est rendu à l'intérieur de la prison de l'horreur de Bachar al-Assad. Nous avons rencontré des personnes désespérées, des appareils de torture, et une dernière lueur d'espoir.

La femme d'Aboud Abdullah Zef a rendu visite à Abdul en prison en 2017. «Notre fils lui a dit de ne plus venir. Parce que les prisonniers qui reçoivent des visites sont ensuite battus et punis», raconte l'homme. «Plus tard, le gouvernement nous a dit qu'Abdul était déjà mort en 2014. C'est comme ça qu'Assad joue avec les gens, c'est comme ça qu'il les torture.»

Des conditions atroces

Les secouristes ont percé les murs de la prison à plusieurs endroits. Des couloirs interminables où les cellules se succèdent les unes après les autres. Des pièces sans fenêtres, parfois avec un trou dans le sol, en guise de toilettes. Des vêtements éparpillés un peu partout. Sur les murs, des slogans comme «Allah, délivre-moi». 

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La prison de Saydnaya est connue pour être un centre de torture.
Photo: dia images via Getty Images

Un agent de sécurité raconte qu'en l'espace de deux ans, 45'000 personnes sont mortes ici. Beaucoup ont été tuées, d'autres sont mortes à cause des conditions catastrophiques. 

Au sous-sol, l'odeur d'excréments est si intense qu'il est difficile de la supporter. Les cellules ressemblent à des cabines de douche avec un petit vestibule. Elles font peut-être six mètres carrés. Sept personnes auraient partagé une telle cellule, poursuit le fonctionnaire.

Des milliers de détenus libérés, des milliers toujours disparus

La semaine dernière, les rebelles ont libéré les prisonniers de Saidnaya. Environ 3000 hommes, femmes et enfants ont retrouvé la liberté. Mais on est sans nouvelles de milliers d'autres détenus. Les gens devant l'entrée principale cherchent désespérément des noms et des informations dans les documents qui sont restés, après le départ de l'armée syrienne. 

Une rumeur dit qu'il y aurait un deuxième accès sous la prison, où il pourrait encore y avoir des survivants. Pendant des jours, les secouristes ont cherché à les retrouver. Ils n'ont pas trouvé de tunnels, de conduites ou d'autres indices qui pourraient étayer la rumeur.

Aboud Abdullah Zen y croit malgré tout. Il supplie: «S'il vous plaît, nous avons besoin de l'aide d'experts de l'étranger et de meilleures machines. Nous pourrons alors peut-être sauver ces gens.» Pour lui, cette rumeur est une dernière lueur d'espoir.

45'000 morts en deux ans

En attendant, tout porte à croire que des dizaines de milliers de personnes ont été tuées et brûlées ici. Dans une pièce se trouve une énorme presse métallique. Les gardiens de prison s'en servaient pour aplatir les corps afin de pouvoir les brûler plus facilement.

Yaser Al-Haj est venu spécialement de Raqqa, à 6h de route, pour chercher son frère. «Il a été arrêté en 2017 à un checkpoint», raconte-t-il. Sa mère aurait rendu visite à son frère à deux reprises. Il aurait tout de même été en bonne santé. «Depuis deux ans, nous n'avons plus de nouvelles de lui.»

La plupart des équipes de secours syriennes ont quitté Saidnaya. Le nouveau gouvernement du Hayat Tahrir al-Cham (HTS) a annoncé vouloir transformer la prison en musée.

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