Personne ne peut empêcher la «réunification» de la Chine avec Taïwan, a déclaré le président chinois Xi Jinping dans son discours du Nouvel An. Il a ainsi lancé un avertissement clair à l'Etat insulaire démocratique de 23 millions d'habitants, et à tous ceux qui soutiennent son indépendance. «Les habitants des deux côtés du détroit de Taïwan forment une seule et même famille. Personne ne peut déchirer nos liens familiaux», a lancé Xi Jinping.
Un conflit couve depuis des décennies entre les deux Etats. La Chine considère Taïwan comme une province sécessionniste et cherche à la réunifier, et par la force s'il le faut. Taïwan se considère en revanche comme un Etat démocratique doté de son propre gouvernement et bénéficie d'un soutien particulier des Etats-Unis.
Le conflit pourrait devenir un grand danger pour le deuxième mandat de Donald Trump. Car selon Xi Jinping, son armée doit être prête pour une invasion d'ici 2027. «Taïwan est le défi le plus urgent pour la politique étrangère américaine», explique Simona A. Grano, spécialiste de la Chine à l'université de Zurich. Pour Blick, elle explique les risques.
Une invasion prévue?
Le directeur de la CIA William Burns avait déjà déclaré en 2023 que l'armée chinoise serait prête pour envahir Taïwan d'ici 2027. Xi Jinping pourrait-il parvenir à ses fins sans recourir à la force? «Non, je ne pense pas», répond Simona Grano. Selon elle, Xi Jinping ne compte pas sur une solution «pacifique», car le nombre de Taïwanais favorables à une réunification ne cesse de diminuer.
Dans le cadre de leur vielle politique d'«ambiguïté stratégique», les Etats-Unis ne se sont jamais engagés à défendre Taïwan en cas d'attaque chinoise. Ils soutiennent toutefois l'Etat insulaire par des ventes d'armes et une coopération stratégique.
Malgré tout, les Etats-Unis souhaitent éviter une annexion, notamment parce que Taïwan – état démocratique – joue un rôle prépondérant dans la production de puces informatiques. Pour l'économie mondiale, une guerre autour de l'île pourrait avoir des conséquences catastrophiques – une étude de Bloomberg Economics prévoit une baisse de 10% du PIB mondial.
Dans une interview accordée au «Washington Post» en juin dernier, l'amiral Samuel Paparo, membre du Commandement indo-pacifique des Etats-Unis, a expliqué comment les Etats-Unis comptaient empêcher la Chine d'envahir l'Etat insulaire: par la dissuasion.
Les Etats-Unis prévoient un paysage infernal
Cette stratégie américaine porte le nom de «Hellscape» (paysage infernal). Selon Samuel Paparo, l'armée américaine pourrait déployer des milliers de sous-marins et de navires sans pilote ainsi que des drones aériens afin de contenir les Chinois. «Je veux transformer le détroit de Taïwan en un paysage infernal sans pilote, en utilisant une série de capacités secrètes», a annoncé Samuel Paparo. «Je pourrai ainsi leur faire vivre l'enfer pendant un mois, ce qui me laissera le temps de poursuivre mes préparatifs.»
Une chose est sûre, Samuel Paparo a délibérément parlé de «Hellscape» pour également informer les Chinois. L'experte Simona Grano pense que les Etats-Unis ont clairement la possibilité de garantir l'indépendance de Taïwan en rendant un affrontement militaire plus difficile. «Compte tenu de la situation politique intérieure de la Chine, avec son économie chancelante et son taux de chômage élevé chez les jeunes, l'ouverture d'une guerre est une entreprise très risquée pour le Parti communiste, explique Simona Grano. Si la situation tournait mal, cela pourrait signifier la fin de l'hégémonie du parti.»
Elon Musk apporte de l'incertitude
Le président démocrate sortant Joe Biden s'était ouvertement engagé à plusieurs reprises à défendre Taïwan en cas d'agression chinoise. Donald Trump, en revanche, ne s'est guère laissé aller à ce genre de confidences. Début décembre, la présentatrice de NBC Kristen Welker lui a demandé s'il défendrait l'Etat insulaire en cas d'attaque. Trump a répondu: «Je ne dis rien. Mais je préférerais qu'ils ne le fassent pas.» Il a ajouté qu'il avait de très bonnes relations avec le président Xi Jinping.
La manière dont le républicain traitera ce sujet brûlant dépendra également de son équipe, selon l'experte Simona Grano. Son candidat au poste de secrétaire d'État, Marco Rubio, est un sympathisant de Taïwan. «Mais à côté de cela, Elon Musk apporte de l'incertitude avec ses intérêts chinois», estime Simona Grano.
En cas d'attaque chinoise, les pays occidentaux imposeraient probablement des sanctions à Xi Jinping, explique Simona Grano. «Une stratégie de dissuasion peut donc contribuer à ce que la Chine se rende compte que les dangers ne l'emportent pas sur les avantages.»