Le président sud-coréen Yoon Suk Yeol a présenté samedi ses «excuses sincères» pour avoir brièvement imposé la loi martiale mais n'a pas démissionné, à quelques heures d'un vote du Parlement sur sa destitution et de manifestations massives à Séoul.
Dans une courte adresse télévisée à la nation, Yoon Suk Yeol a annoncé qu'il confiera à sa formation, le Parti du pouvoir au peuple (PPP), le soin de prendre «des mesures visant à stabiliser la situation politique, y compris concernant mon mandat».
A 8 votes d'une destitution
«Je ne fuirai pas mes responsabilités légales et politiques concernant la déclaration de la loi martiale», a-t-il dit. Le chef du PPP, Han Dong-hoon, a aussitôt affirmé qu'«une démission anticipée du président est inévitable», l'exercice normal de ses fonctions étant selon lui «impossible dans ces circonstances».
L'Assemblée nationale doit se prononcer à 17H00 locales (08H00 GMT) sur la motion de destitution. Une majorité qualifiée de 200 députés sur 300 est nécessaire pour démettre le président. Le PPP de Yoon Suk Yeol dispose de 108 députés et l'opposition de 192. Celle-ci a donc besoin de rallier à sa cause au moins huit députés du camp présidentiel pour l'emporter.
A l'issue d'une réunion dans la nuit de vendredi à samedi, une majorité de députés du parti ont réaffirmé la ligne officielle selon laquelle ils feront échec à la destitution, contre l'avis de Han Dong-Hoon. Ce dernier était visé par un des ordres d'arrestation lancés par Yoon Suk Yeol contre des dirigeants politiques la nuit du coup de force, et les soldats qui avaient fait irruption dans le Parlement avaient cherché à s'emparer de lui, a affirmé vendredi un député d'opposition, Jo Seung-lae, en disant se baser sur les images des caméras de surveillance.
«Démission immédiate»
«Actuellement, le plus gros risque en Corée du Sud est l'existence même du président. Les seules solutions sont une démission immédiate (...) ou un départ anticipé par destitution», a déclaré samedi le chef du Parti démocrate, la principale force d'opposition, Lee Jae-myung.
La déclaration du président est «très décevante» et «ne fait qu'exacerber le sentiment de trahison et de colère parmi les citoyens», a-t-il ajouté devant la presse. Vendredi soir, environ 15.000 manifestants se sont massés devant l'Assemblée nationale pour réclamer le départ de Yoon Suk Yeol et son arrestation. Certains sont restés toute la nuit.
De nouvelles manifestations anti-Yoon sont prévues samedi après-midi devant le Parlement et dans le centre-ville de Séoul. Les organisateurs ont dit prévoir 200'000 participants et la police «des dizaines de milliers».
L'impopulaire président conservateur est accusé par l'opposition et par une partie de son propre camp d'avoir ébranlé la jeune démocratie sud-coréenne en imposant par surprise la loi martiale, avant de faire marche arrière six heures plus tard sous la pression des députés et de la rue.
Campement à l'Assemblée
Craignant un nouveau coup de force nocturne de Yoon Suk Yeol, qui avait disparu de la scène publique depuis mercredi, les députés de l'opposition ont campé toute la nuit à l'intérieur de l'Assemblée nationale. Des autobus et d'autres véhicules ont été garés sur les esplanades autour du bâtiment pour empêcher les éventuels hélicoptères des forces spéciales d'atterrir.
Dans son allocution samedi matin, le président a cependant assuré qu'«il n'y aura jamais de deuxième loi martiale». «Je présente mes excuses pour avoir causé des craintes au peuple», a conclu le président avant de s'incliner.
Dans la nuit de mardi à mercredi, environ 280 soldats avaient fait irruption dans le Parlement, où l'opposition avait convoqué une séance d'urgence après l'instauration de la loi martiale par Yoon Suk Yeol. Les assistants parlementaires les avaient empêché de pénétrer dans l'hémicycle en bloquant les portes à l'aide de meubles, pendant que les 190 députés qui avaient réussi à se faufiler dans le bâtiment adoptaient à l'unanimité une motion réclamant la levée de la mesure d'exception.
Menacé de peine de mort
Yoon Suk Yeol avait obtempéré peu après, comme la Constitution l'y oblige, abrogé la loi martiale et renvoyé les soldats dans leurs casernes. Si la destitution est votée, Yoon Suk Yeol sera suspendu de ses fonctions jusqu'à ce que la Cour constitutionnelle valide ou non la décision des députés.
Dans l'affirmative, une élection présidentielle anticipée devra avoir lieu sous 60 jours. Outre la procédure de destitution, Yoon Suk Yeol est visé par une enquête policière pour «rébellion», un crime théoriquement passible de la peine de mort (qui n'a plus été appliquée dans le pays depuis 1997).