Pour l'activiste ukrainienne Olena Halushka, une chose est sûre: la Suisse doit utiliser les fonds gelés de la banque centrale russe pour la reconstruction de l'Ukraine. «L'Assemblée générale de l'ONU a décidé en 2022 que la Russie devait mettre fin à la guerre d'agression et payer des réparations à l'Ukraine», explique la militante. Elle dirige le «Center for Ukrainian Victory» et fait du lobbying dans le monde entier pour que les avoirs en roubles soient libérés.
Son appel a été entendu à Bruxelles. Tous les capitaux russes bloqués ne pourront certes pas être transférés à Kiev, mais au moins toutes les recettes qu'ils génèrent. Si l'on en croit Josep Borrell, chargé des affaires étrangères de l'UE, une grande partie des intérêts perçus devra être reversée à l'armée ukrainienne.
En Suisse, en revanche, Olena Halushka se heurte à un mur. En automne déjà, le Conseil fédéral a rejeté une proposition de la conseillère nationale des Vert-e-s Franziska Ryser visant à utiliser les avoirs russes pour reconstruire les infrastructures détruites en Ukraine. Le conseiller fédéral Guy Parmelin estimait que cela était contraire à l'ordre juridique en vigueur.
Les avoirs sont en fait protégés
Le Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco) s'est penché plus en détail sur les fonds russes. En vertu de la loi sur la transparence, Blick a pu consulter une analyse interne de la secrétaire d'État Helene Budliger Artieda. La cheffe du Seco y écrit: «Les avoirs d'une banque centrale déposés en Suisse sont protégés par l'immunité d'exécution de la fortune de l'Etat.» Il n'est pas clair «si la confiscation de tels avoirs» serait compatible avec le droit international.
Environ 7,4 milliards de francs de la banque centrale russe se trouvent sur des comptes suisses, ainsi qu'un montant similaire lié à des personnes, entreprises ou organisations faisant l'objet de sanctions. Pour ces avoirs, la confiscation est encore plus difficile, estime la cheffe du Seco: «Les mesures de sanctions ne sont pas des mesures pénales; elles ne signifient pas qu'une personne ou une organisation a commis un délit.»
La cheffe du Seco est en outre convaincue que la confiscation des valeurs patrimoniales pourrait avoir un effet contre-productif: «Les sanctions sont avant tout des mesures de contrainte limitées dans le temps, qui doivent inciter un Etat à revenir à un comportement compatible avec le droit international. Mais en confisquant leurs avoirs, les personnes et les entreprises concernées n'auraient plus aucune raison de changer de comportement et, au final, la mesure pourrait même avoir un effet contre-productif.»
La cheffe du Seco observe de près le débat au sein des pays du G7 et de l'UE. Elle ne s'attend pas à une solution rapide, car la Russie fait usage de son droit de veto au Conseil de sécurité de l'ONU, qui pourrait ordonner des réparations. Alternativement, la Cour pénale internationale pourrait juger les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. «La Suisse s'est déjà engagée en ce sens», fait savoir Helene Budliger Artieda. Toutefois, la Cour ne pourrait juger «que des individus et non des Etats».