0 pourparler, mais 34 morts
En massacrant des civils à Soumy, la Russie a aussi humilié Donald Trump

L'attaque russe sur la ville ukrainienne de Soumy n'avait rien d'une frappe accidentelle. Les experts sont unanimes sur ce point. Ils expliquent pourquoi ce carnage, qui a fait 34 morts, est également un camouflet pour Donald Trump.
Publié: 15.04.2025 à 12:01 heures
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Dernière mise à jour: 15.04.2025 à 15:29 heures
Les missiles russes ont frappé Sumy dimanche matin.
Photo: imago/UPI Photo
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Guido Felder

C’est l’une des frappes les plus meurtrières de ces derniers mois. Dimanche 15 avril, soit le jour des Rameaux, la Russie a lancé deux missiles sur la ville de Soumy, dans le nord-est de l’Ukraine, tuant au moins 34 personnes et en blessant 117 autres.

Selon des experts militaires ukrainiens, Moscou a utilisé des missiles à fragmentation de type Iskander-M, capables de transporter des ogives nucléaires. Une attaque massive qui survient alors que les discussions entre la Russie et les Etats-Unis de Donald Trump sont au point mort. Comment le président américain va-t-il réagir à cette provocation? 

Pourquoi les Russes ont-ils frappé si fort à ce moment?

Pour Ralph D. Thiele, président de la Société politico-militaire allemande et de l'organisation EuroDefense Allemagne, le lieu et le moment choisis ne doivent rien au hasard : «Il s’agissait d’une attaque ciblée, avec en ligne de mire une cérémonie durant laquelle l’Ukraine décorait ses 'héros de Koursk'.»

Le gouverneur de la région de Soumy, Volodymyr Artiukh, est vivement critiqué pour avoir organisé cette cérémonie militaire à seulement 30 kilomètres de la frontière russe. «A ma connaissance, il avait été prévenu que ce serait une erreur», a déclaré un maire d’une autre ville. L'attaque n'aurait fait aucun blessé parmi les militaires, lesquels auraient tous eu le temps de se réfugier dans un abri.

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Poutine brandit-il à nouveau la menace nucléaire?

Les missiles Iskander peuvent certes être équipés d’ogives nucléaires. Ralph D. Thiele estime toutefois qu'un recours à l'arme nucléaire n'aurait aucun sens dans le cas présent. «Le Kremlin a déjà été à deux ou trois reprises proche d’un recours à l’arme nucléaire, mais c’était toujours dans des situations critiques pour la Russie. Ce n’était pas le cas à Soumy », explique l'expert. L’utilisation des Iskander permet cependant aux Russes de montrer «qu'ils en ont suffisamment».

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Les frappes sur Soumy ont pris au dépourvu nombreux Ukrainiens allant à l'église.
Photo: AFP

Ces missiles sont généralement utilisés lorsque Moscou veut frapper fort, avec l'assurance de réussir son coup. Selon Marcel Berni, directeur des études stratégiques à l’Académie militaire de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurirch, la Russie a recouru à ces missiles «parce qu’ils sont très difficiles à intercepter, en raison de leur grande vitesse», contrairement aux drones, qui sont moins précis et donc plus faciles à neutraliser.

Que dit le Kremlin?

Le ministère russe de la Défense a confirmé l'attaque ainsi que le recours à deux missiles Iskander. Le Kremlin affirme que les frappes auraient tué plus de 60 soldats ukrainiens. Plus tôt, la chaîne publique Russia 1 avait avancé une tout autre version en prétendant que les Ukrainiens s'étaient bombardés eux-mêmes à l’aide d’un missile anti-aérien, dans le but de faire échouer les négociations de paix.

Cette attaque marque-t-elle un tournantt?

Pas nécessairement, estime Marcel Berni. «Il ne s’agit pas d’un tournant à proprement parler, mais on constate que la Russie intensifie à nouveau ses frappes sur des cibles ukrainiennes depuis la reprise des discussions sur le plan diplomatique», observe le chercheur.

Pour Ralph D. Thiele, ce bombardement laisse tout de même à penser que la Russie pourrait mener une offensive de printemps. «En perspectives d'éventuelles négociations de paix, chaque camp cherche à se renforcer sur le front pour arriver en position de force autour de la table», analyse-t-il.

Quelle est la réaction de Donald Trump?

Il y a quelques semaines, face au refus de Vladimir Poutine de s’engager sur un plan de paix, Donald Trump avait brandi la menace de lourdes sanctions économiques et de droits de douane punitifs. Mais après la frappe meurtrière sur Soumy, le président américain a adopté un ton bien plus mesuré. «Je pense que c’était terrible, et on m’a dit qu’ils avaient commis une erreur», a-t-il déclaré à propos des Russes, sans directement les incriminer.

Le président américain a également assuré que les récents échanges entre les délégations américaine et russe s’étaient bien déroulés. L’un de ses émissaires, Steve Witkoff, a lui répété lundi que Vladimir Poutine, qu'il a rencontré vendredi, «souhaite une paix durable.»

Pour Marcel Berni, Donald Trump ne semble clairement pas prêt à couper les ponts avec Moscou. «Il s’en tient à une solution négociée, pour laquelle il a besoin de Poutine», analyse le chercheur.

Comment les Occidentaux vont-ils réagir?

Les pays occidentaux ont fermement condamné l’attaque contre la ville de Soumy. Sur X, le président français Emmanuel Macron a exprimé son indignation, déclarant que la Russie poursuit la guerre «au mépris des vies humaines, du droit international et des offres diplomatiques du Président Trump». 

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Selon Marcel Berni, «l’Occident devrait réagir de manière unie et rappeler sans relâche l’illégalité des frappes contre des cibles civile». Il déplore toutefois une posture encore trop timide de la part de Washington depuis le retour milliardaire républicain à la Maison Blanche.

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