Par Michel Jeanneret
Cher Monsieur Venizelos, sans morale, la politique n’est rien

Accueillir 61 enfants orphelins en terres vaudoises pour les soustraire à l'horreur de la guerre en Ukraine ne va pas sans quelques responsabilités. Notre rédacteur en chef, Michel Jeanneret, estime que les autorités n'ont pas été à la hauteur.
Publié: 14.04.2025 à 16:32 heures
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Dernière mise à jour: 15.04.2025 à 11:08 heures
Le Département de la jeunesse de Vassilis Venizelos considère qu’il n’a plus à se soucier de ces enfants, une fois en Ukraine.
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Michel JeanneretRédacteur en chef

L’enquête que nous publions aujourd’hui tient en trois mots: exfiltrés, éduqués… puis oubliés. Tout avait pourtant commencé dans un bel élan de panache. En 2022, soutenues par les autorités vaudoises, une entrepreneuse suisse et sa partenaire ukrainienne débarquent en Suisse avec un groupe d’orphelins ukrainiens, arrachés à l’horreur de la guerre.

Tout semble alors se dérouler au mieux. Soixante-et-un enfants sont installés à Pompaples (VD), petite commune entre Morges et Orbe. Les médias saluent cette opération de sauvetage (savamment mise en scène), censée offrir un répit à ces enfants âgés de 9 mois à 6 ans. Peu à peu, ils réapprennent à jouer, retrouvent un semblant d’insouciance.

Injustice et indifférence

Mais trois ans plus tard, que reste-t-il de cette belle histoire? De l’injustice et une indifférence glaçante. De l’injustice, car certains enfants ont été renvoyés en Ukraine sans tambours ni trompettes (un contraste avec leur arrivée en fanfare), en dépit de toute considération pour leur sécurité. Il convient de rappeler que le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) reconnaît lui-même ne pas être en mesure de déterminer s'il existe une zone sûre dans ce pays qui vient de subir son énième massacre aveugle à Soumy

De l’indifférence, parce que ni les entrepreneuses, ni les autorités vaudoises ne semblent savoir vraiment ce qu’il est advenu de ces gamins, les secondes ne daignant vaguement nous répondre par le biais de leur service (de rétention) d'information que lorsque notre enquête fut publiée.

Pour justifier cette incurie, chacun se renvoie la balle. Le canton, à juste titre, rappelle que seul l’Etat ukrainien est légalement responsable de ces enfants. Traduction: le Département de la jeunesse, dirigé par le Vert Vassilis Venizelos — dont des représentants étaient pourtant à bord de l’avion de sauvetage, prompts à incarner l’humanisme vaudois devant les caméras — considère qu’il n’a plus à se soucier du sort de ces enfants, une fois retournés en territoire ukrainien.

Légal, mais pas moral

Néanmoins, gouverner, ce n’est pas se cacher derrière des considérations d'ordre légal. Rappelons à nos autorités qu’en politique, la légalité constitue le socle, mais que c’est la morale qui en donne le sens. Que la curiosité, loin d’être un vilain défaut comme l'affirme le dicton, est la première qualité de celles et ceux qui gouvernent avec cœur – surtout lorsqu’il s’agit de vies d’enfants.

Accueillir des orphelins, c’est prendre une responsabilité morale. C’est s’engager à veiller sur eux, à s’informer de leur sort, à garantir leur protection — même, et surtout, après que les projecteurs se sont éteints, après la fin du mandat. Le canton de Vaud, auquel nous avons dû arracher une prise de position aux forceps, ne l’a manifestement pas fait.

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