Katie Pears fait l’amour sur la scène du Schauspielhaus à Zurich. Focalisée sur son travail, elle se rend à peine compte de la façon dont le public réagit. «Certains observent attentivement, d’autres détournent rapidement le regard. Mais je ne peux que l’entrevoir.» Sa performance live de dix minutes avec la star du porno Conny Dachs se situe au début de la production «Short Interviews with Nasty Men – 22 Types of Loneliness», une pièce basée sur l’œuvre de l’auteur américain David Foster Wallace.
Plus que du sexe
Blick a rencontré l’actrice érotique dans le célèbre théâtre zurichois. Elle est heureuse d’avoir été engagée non seulement pour le sexe dans la pièce, mais aussi pour un vrai rôle, grâce à l’ouverture d’esprit de la directrice Yana Ross. «Ce qui est cool, c’est que j’ai pu apporter mes propres expériences et idées, et pas seulement réciter ce que j’ai appris par cœur.»
Sur scène, avec l'assurance et la voix bien posée d’une institutrice, elle donne des leçons de plaisir féminin: elle enseigne par exemple l'art du baiser parfait ou des préliminaires. Mais ce rôle est aussi pour l'actrice porno l’occasion de faire tomber les préjugés sur son métier. Katie Pears a commencé sa carrière il y a environ 15 ans en tournant dans des vidéos amateurs. Aujourd’hui, elle gère sa propre webcam et se produit comme strip-teaseuse dans des foires et des événements.
Vie privée et amoureuse strictement séparées
Dans le cadre de sa fonction, il est très important pour elle de pouvoir mettre ses limites: «Je décide moi-même de ce que je fais et de ce que je ne fais pas. Et surtout avec qui.» Par exemple, elle n’a jamais fait l’amour devant la caméra qu’avec son partenaire. Le rôle sur la scène du Schauspielhaus avec l’acteur porno Conny Dachs est donc une exception: elle ne le ferait pas avec n'importe qui. «Nous nous connaissons depuis longtemps, que nous sommes tous deux des professionnels et que je lui fais confiance», explique-t-elle.
L’action se déroule dans une boîte en verre, au début de la pièce. Le public passe devant celle-ci pour entrer dans la salle et prendre place. Qu’est-ce que ça fait d’être si exposé au moment le plus intime? Katie Pears s’en moque et rit: «C’est juste un travail, ça ne me fait rien. Je pourrais même tricoter en le faisant!» Vous ne pouvez pas comparer une performance à votre vie intime, raconte-t-elle: «Heureusement, même après toutes ces années, je parviens encore à bien séparer les choses.»
D’ailleurs, dans la pièce de théâtre, cette scène n’est de loin pas la plus fulgurante, estime Katie Pears: «Les textes de Wallace sont beaucoup plus choquants.» Elle ne connaissait pas l’auteur David Foster Wallace auparavant et avoue ne pas être allée jusqu’au bout de son livre audio, qui est «lourd et parfois difficile à comprendre».
Il s’agit d’une collection de voix masculines, d’hommes frustrés, impuissants et craintifs, qui finissent par basculer dans l’agressivité et le sexisme. Connaît-elle cela dans son travail? «Il faut avoir la peau dure. Parfois, 40 à 50 hommes regardent ma webcam et je vois des commentaires effrayants. Mais je me contente d’écouter et, surtout, je ne fais rien que je ne veuille pas faire. Fixer ses propres limites est capital dans ce métier.»
Sa belle-mère lance sa carrière
Comment s’est-elle lancée dans le commerce de l’érotisme? A cause de sa belle-mère, indirectement. «Nous avons été invités chez elle et elle nous a parlé d’une connaissance qui faisait du sexe par téléphone.» Ce qui a piqué la curiosité de Katie Pears: peu de temps après, elle et son partenaire tournent leur premier film et le publient sur un site. Le couple a été étonné de la facilité avec laquelle il pouvait gagner de l’argent et a continué.
«Nous avons pu nous permettre des choses qui nous faisaient rêver: une super voiture, une grande maison, de l’argent pour les études de mes enfants.» Ses deux fils étaient adolescents à l’époque. «C’était un défi. En général, le plus difficile est d'en parler à sa famille. Mon père ne m’a pas adressé la parole pendant toute une année à l’époque.»
Aujourd’hui, dit-elle, le métier est devenu bien plus difficile à cause de tous les portails gratuits. Elle ne touche que 10% pour ses apparitions sur la webcam, alors que l’opérateur récupère le gros du reste. «Une fois que vous êtes entré dans le métier, il n’y a pas de retour en arrière possible. C'est quelque chose qu'on ne peut pas le mettre sur un CV.» En outre, ses vidéos peuvent être dénichées sur internet à tout moment. «Il faut pouvoir vivre avec ça. Je n’en étais pas consciente à l’époque. C’est pourquoi je conseille aux nouveaux arrivants de bien y réfléchir.» Néanmoins, elle ne regrette rien.
Plus de sexe en public
Cependant, après cette représentation au Schauspielhaus, l'actrice porno ne souhaite plus travailler dans le milieu. Elle a d'autres projets sur le feu: son salon de beauté a ouvert ses portes et une collègue y travaille déjà. Lorsque le rideau final tombera, Katie Pears rangera son pseudo pour travailler à nouveau sous son vrai nom. Mais elle souhaite garder quelque chose de cette expérience: elle veut continuer à transmettre ce qu'elle a appris sous forme de conseil sexuel, pour les hommes mais aussi les femmes: «C'est exactement ce que je fais sur scène maintenant. Cela semble bien se passer, et j’aime ça.»