Quand Ivan T.* est rentré chez lui à Berne ce 11 septembre 2021, il a retrouvé sa fille Kate T.*, 16 ans, inanimée dans son lit. «Je ne pouvais plus rien faire pour elle, elle était déjà partie», raconte le père à Blick. Les larmes lui montent aux yeux alors qu’il se remémore ce tragique épisode. «Depuis, je survis à peine. Je n’arrive toujours pas à y croire.»
L’autopsie qui a suivi a révélé que l’adolescente était décédée des suites d’une overdose. Selon le rapport, les médecins légistes ont décelé chez elle une concentration toxique de Sevre-Long, un médicament délivré uniquement sur ordonnance. Cet analgésique contenant de la morphine est normalement prescrit par des spécialistes comme substitut aux personnes dépendantes aux opioïdes, au même titre que la méthadone. Des traces de Xanax, un psychotrope, ont également été retrouvées dans le sang de la jeune fille.
Une jeune fille talentueuse
«Je n’aurais jamais imaginé que Kate puisse prendre de la drogue», confie sa mère Tiffany Williams, 41 ans. En racontant leur histoire publiquement, les parents veulent sensibiliser la population à la consommation de substances. «Je m’en veux beaucoup. Je me sens coupable, confesse-t-elle. Nous aurions dû nous rendre compte que quelque chose n’allait pas chez Kate. C’est tout simplement injuste que je sois encore en vie alors qu’elle est morte.»
Le plus grand défi du couple fut l’éducation de leur fille. Après leur séparation, Ivan a quitté Rome pour la Suisse. Ce professeur de sport d’origine bulgare a trouvé un emploi dans une école internationale à Berne. Leur fille vivait avec lui et fréquentait l’école où son père enseignait. En parallèle, la mère de Kate avait refait sa vie en France, d’abord sur le continent, puis en Corse. Mais à cause de la pandémie de Covid-19, l’adolescente n’a pu rendre visite à sa mère que rarement durant la période précédant son décès.
«Nous avons toujours beaucoup voyagé avec Kate», se souvient la quadragénaire, qui élève la demi-sœur de Kate, 7 ans, avec un nouveau partenaire. «Elle parlait couramment cinq langues: anglais, français, bulgare, allemand et italien.» Sa fille était très talentueuse. Elle a fait de la danse classique et de la gymnastique rythmique de haut niveau jusqu’à l’adolescence. «Mais elle y a renoncé parce que les nombreux entraînements ne lui laissaient pas assez de temps pour l’école», poursuit sa mère. Elle avait aussi de la facilité au niveau scolaire et voulait devenir chirurgienne. Selon elle, Kate était «pétillante, joyeuse et bien dans sa peau». L’adolescente voulait toujours venir en aide à tout le monde. «Elle s’est toujours opposée au racisme et au sexisme et s’était prononcée pour les droits des femmes et des homosexuels», poursuit la mère endeuillée.
Pression des amis?
Ce fut donc un choc terrible lorsqu’elle a reçu le téléphone lui annonçant le décès de Kate. «J’ai crié. Je me suis effondrée», raconte Tiffany Williams. Elle s’est immédiatement rendue en Suisse. Les deux parents ne se doutaient pas que leur enfant s’était engagée sur un chemin dangereux. «Je m’en veux beaucoup de ne pas avoir remarqué qu’elle se droguait», livre son père. Il avait remarqué que le cercle d’amis de sa fille avait changé – mais on lui avait toujours assuré que ceux-ci étaient des «jeunes respectables». Les deux parents excluent catégoriquement la thèse du suicide. Pour eux, il s’agit d’un accident.
Après la mort de Kate, une camarade de classe a contacté les parents. Celle-ci a rapporté qu’elle s’était adressée à une psychologue de l’école environ une semaine avant la tragédie. Dans une copie du courriel, que Blick s'est procuré, on peut lire: «Je m’inquiète pour mon amie Kate. Elle ne mange pas assez et je pense qu’elle a besoin d’aide.» Elle et ses camarades auraient observé des changements chez l’adolescente.
«Cela ne doit plus jamais arriver!»
«Pourquoi n’ai-je pas été contacté par l’école?, assène le père en colère. J’ai du mal à croire que cette psychologue ne soit pas venue me voir et ne m’ait pas informé de la situation. J’ai quand même travaillé dans cette école!» Après la mort de Kate, l’enseignante en question aurait nié avoir été informée de la détresse de la jeune fille.
Le père de Kate n’a pas supporté de continuer à travailler dans cet établissement. Il a démissionné et est parti s’installer aux États-Unis. «A Berne, tout le monde savait ce qu’il s’était passé. J’ai infiniment honte que nous ne soyons pas parvenus à l’aider – c’est pourquoi je suis parti.» Contactée, l’institution n’a pas souhaité prendre position.
Mais les parents ne s’en prennent pas seulement à eux-mêmes et à l’école. Le fait que l’adolescente ait pu se procurer des médicaments sur ordonnance les laisse sans voix. «Ces produits sont délivrés dans les centres de distribution contrôlée de drogue, mais, d'après ce que j'ai entendu dire, les toxicomanes les revendent, rapporte la mère, abasourdie. Je suppose que Kate a reçu les comprimés de ses nouveaux 'amis' et qu’elle ne savait pas vraiment ce qu’elle prenait.» Elle exige que la police bernoise effectue des contrôles de drogue plus stricts. Elle demande en outre des peines plus sévères et des lois plus strictes pour le trafic de stupéfiants. Elle enjoint les parents de veiller de près à leurs enfants: «Cela ne doit plus jamais arriver!»
Enquête en cours
L’enquête sur cette affaire est toujours en cours, indique la police cantonale bernoise. «Ils ont toujours son téléphone», confirme Tiffany Williams. L’enterrement de Kate n’a pas encore eu lieu, conclut tristement la mère. «Tout s’est passé très vite et de manière si inattendue. Nous l’avons fait incinérer et nous disperserons ses cendres un jour en Corse, au bord de la mer. Elle adorait cet endroit.»
(Adaptation par Jessica Chautems)
*Noms d’emprunt