Vous le faites certainement aussi: alors qu'un épisode de série tourne à plein volume sur la télévision, vous attrapez machinalement votre téléphone pour scroller. Parce qu'il semble bien longuet, ce fragment de divertissement d'à peine dix-neuf minutes...
En parallèle, alors que vos oreilles n'écoutent qu'à moitié la série, vos yeux parcourent les centaines de contenus TikTok vomies par la plateforme. Une vidéo de plus d'une minute? Torture! Votre cerveau exige déjà la prochaine. Ça ne s'arrête jamais, il y en a suffisamment pour combler l'éternité... Et c'est quoi, au fait, l'éternité? Pas le temps de vous poser la question, un chat porteur de chaussettes tricotées a happé votre attention durant trois secondes chrono. Et c'est déjà un bon score.
Un cerveau «pop-corn»
Pour le psychologue américain David Levy, chercheur à l'Université de Washington, ce phénomène fort reconnaissable s'apparente au popcorn brain (ou «cerveau pop-corn»), que le média «Forbes» définit comme «un état mental caractérisé par des pensées éparpillées, une attention fragmentée et une tendance à transitionner très rapidement d'un thème à l'autre, à l'instar du crépitement des grains de maïs qui se transforment en pop-corn dans la casserole.»
On y associe malheureusement (et sans surprise) une concentration diminuée, un stress plus élevé, une grande fatigue et un surplus d'informations, avec un effet négatif sur les relations sociales en général. Vous vous reconnaissez? On va essayer de vous rassurer un peu... Car bien que l'impact soit réel, il n'est pas forcément permanent.
Notre attention nous est volée
Commençons par rappeler que ce n'est pas entièrement notre faute! Notre attention est un mécanisme complexe, que certains outils modernes tendent à manipuler de manière flagrante.
Ainsi que le rappelle Julie Leros-Fuchs, psychologe spécialisée en neuropsychologue FSP, notre attention peut être sollicitée de manière exogène, lorsqu'elle est simplement attirée par des stimuli externes, ou de manière endogène, lorsqu’on décide consciemment de l’orienter sur une activité, telle que lire un livre en étant concentré: «La première option ne requiert pas beaucoup d’effort, c’est d’ailleurs celle qui s’active lorsqu’on scrolle sur les réseaux sociaux: on n’engage pas volontairement notre attention, mais on a quand même l’impression de faire beaucoup de choses», précise-t-elle. Une illusion que nous sommes nombreuses et nombreux à connaître par cœur...
La seconde option est bien plus difficile, constate l'experte, car nous devons consciemment maintenir notre attention sans qu’il y ait forcément de stimulation externe, ni de récompense extérieure. En effet, scroller sur Instagram semble beaucoup plus simple que d'ouvrir le deuxième tome de «Dune» pour essayer de s'y plonger, alors qu'on pourrait regarder des influenceurs goûter des chips piquantes... pendant vingt minutes d'affilée.
Ainsi que le rappelle Julie Leros-Fuchs, psychologe spécialisée en neuropsychologue FSP, on identifie différents types d'attention utilisées au quotidien:
- «Il y a l’attention sélective, soit la capacité à porter son attention sur les choses pertinentes sans se laisser déconcentrer par des distracteurs auditifs ou visuels, explique-t-elle. Par exemple, lorsqu’on est assis autour d’une table qui accueille différentes conversations en même temps, on arrive à se focaliser sur les propos de notre interlocuteur. Ce type d’attention requiert une intention consciente de l’utiliser.»
- Ensuite, la spécialiste évoque l'attention soutenue, soit la capacité à maintenir un niveau d’attention et de vigilance sur la durée, même s’il n’y a rien de passionnant ni de stimulant, mais qu’on risque de manquer une information importante si on décroche.
- «Enfin, on a l’attention divisée, qui consiste à partager notre attention pour faire deux choses en même temps, poursuit Julie Leros-Fuchs. Il ne s’agit pas d’être multitâche, mais de réaliser deux actions différentes centrées sur une même activité. Par exemple, lorsqu’on écoute tout en prenant des notes.»
Ainsi que le rappelle Julie Leros-Fuchs, psychologe spécialisée en neuropsychologue FSP, on identifie différents types d'attention utilisées au quotidien:
- «Il y a l’attention sélective, soit la capacité à porter son attention sur les choses pertinentes sans se laisser déconcentrer par des distracteurs auditifs ou visuels, explique-t-elle. Par exemple, lorsqu’on est assis autour d’une table qui accueille différentes conversations en même temps, on arrive à se focaliser sur les propos de notre interlocuteur. Ce type d’attention requiert une intention consciente de l’utiliser.»
- Ensuite, la spécialiste évoque l'attention soutenue, soit la capacité à maintenir un niveau d’attention et de vigilance sur la durée, même s’il n’y a rien de passionnant ni de stimulant, mais qu’on risque de manquer une information importante si on décroche.
- «Enfin, on a l’attention divisée, qui consiste à partager notre attention pour faire deux choses en même temps, poursuit Julie Leros-Fuchs. Il ne s’agit pas d’être multitâche, mais de réaliser deux actions différentes centrées sur une même activité. Par exemple, lorsqu’on écoute tout en prenant des notes.»
Une addiction à la dopamine
Et puisque scroller est plus facile, notre cerveau en redemande, encore et encore, dans sa quête perpétuelle de confort et de plaisir. «La stimulation exogène comprend des gratifications constantes, pointe Julie Leros-Fuchs. L’algorithme des réseaux sociaux sélectionne ce qui nous plait, on reçoit des likes ou des commentaires… Cela active des circuits qui sécrètent de la dopamine et ce mécanisme est très addictif: le cerveau s’habitue à ce seuil d’activation de dopamine et en veut toujours plus, tout en s’accoutumant à être stimulé sans efforts.»
Voilà pourquoi il est si difficile de se détacher de l'écran pour s'investir dans des activités plus longues qui n'offrent pas de gratification immédiate, telles que le tricot ou le coloriage. Le problème, ainsi que nous prévient la neuropsychologue, est que cette recherche de facilité crée un déséquilibre entre les activités qui nous apportent de petites satisfactions rapides et celles qui peuvent nourrir une satisfaction plus grande, à plus long terme.
Des conséquences sur nos capacités attentionnelles
Avec le temps, cette habitude semble avoir des impacts concrets sur notre comportement, bien qu'on ne puisse pas encore mesurer précisément de potentielles modifications de la structure cérébrale: «J’observe notamment que les jeunes possèdent une très bonne attention sélective visuelle, ils voient tout immédiatement, constate notre experte. En revanche, ils sont moins bons lorsqu’il s’agit de maintenir le focus attentionnel dans la durée. Ils en sont capables, évidemment, mais ce sera pénible pour eux, car ils seront confrontés à une barrière mentale plus importante.»
On peut se demander s'il s'agit vraiment d'un problème, au fond... Mais d'après Julie Leros-Fuchs, la réponse est plutôt oui: «L’activité endogène est essentielle, dans la mesure où la confiance en soi se construit d’abord avec soi-même, prévient-elle. Le jour où on est coupé des réseaux sociaux, on se retrouve seul, avec une sorte de vide intérieur. Il faudrait régulièrement prendre le temps de faire les choses en conscience, en étant pleinement présent.»
Or, pour la spécialiste, il ne s’agit évidemment pas de bannir ou de diaboliser le smartphone et les réseaux, mais simplement de retrouver un meilleur équilibre.
Troubles du sommeil et anxiété
Car les raisons de lutter contre ces mécanismes pernicieux sont nombreuses! Ils peuvent en outre impacter notre santé physique comme mentale et réduire le bien-être général. «Le côté addictif et chronophage de ces habitudes numériques tend à nous couper de la réalité et peut engendrer des troubles du sommeil, en perturbant nos rythmes naturels, déplore Julie Leros-Fuchs. Cette sur-stimulation constante du cerveau ne favorise absolument pas le repos et peut provoquer de l'anxiété, un épuisement ou même des états dépressifs.»
Pour rappel, les enfants et les adolescents y sont plus vulnérables, car ils ne possèdent pas encore des circuits cérébraux assez matures pour résister à ces mécanismes, en particulier entre 12 et 18 ans, lorsque les réseaux sociaux prennent une part importante de leurs préoccupations.
Comment récupérer notre attention?
Heureusement, le phénomène est totalement réversible. Au prix de certains efforts, même les plus grands spécimens de popcorn brain peuvent ainsi retrouver la sérénité et le calme, en engloutissant quatre romans par mois, si tel est leur fantasme.
«On peut reprendre l’habitude de focaliser notre attention sur la durée et de manière intentionnelle, car le cerveau est très malléable et adaptable, encourage Julie Leros-Fuchs. Il n’est jamais trop tard pour se lancer dans une nouvelle pratique, modifier nos habitudes ou apprendre de nouvelles choses.»
Or, pour y parvenir, l'experte recommande de s'imposer un véritable cadre et de se montrer très strict avec soi-même: «Si on décide de lire une heure, sans écran, il faut s’y tenir, sans céder à la tentation. Au fil du temps, en fournissant ces efforts, on prend conscience du plaisir et de la satisfaction qu’on tire de ces activités de plus longue haleine et exigeant un plein investissement.»
Parmi les résolutions de rentrée, on pourrait donc commencer par lire un chapitre par jour ou, au minimum, regarder un épisode de série jusqu'au bout sans toucher au téléphone. Yes we can.