Il suffit de passer devant une pharmacie, dès l’aube du printemps, pour se retrouver nez-à-nez avec des affiches affolantes de tiques, leurs longues pattes voraces tendues vers leur proie (vous). L’image a de quoi pousser le plus enthousiaste des randonneurs à glisser ses chaussettes par-dessus l’ourlet de son pantalon, avant même d’avoir posé une basket dans l’herbe.
Bien que la belle saison témoigne toujours de pics d’activité, les hivers doux permettent désormais aux tiques de rester actives toute l’année. La totalité des cantons suisses (sauf le Tessin) sont considérés comme des zones à risque, tandis que 10’000 personnes sont touchées par la borréliose (ou maladie de Lyme) chaque année, d’après l’Office fédéral de la santé publique. Pour éviter l’impact potentiellement sévère d’une morsure de tique, passons en revue les réflexes de sécurité les plus importants, surtout si vous aimez vous promener parmi les hautes herbes, dans la forêt ou dans les clairières.
Se vacciner contre l’encéphalite à tiques
Touchant 300 à 400 personnes par an, la méningo-encéphalite verno-estivale (MEVE) peut causer, dans certains cas, une inflammation des méninges et du cerveau pouvant s’avérer dangereuse. Il n’existe pas encore de traitement à ce jour, certains patients devant parfois être placés en soins intensifs, en attendant que l’infection passe.
Puisqu’il est impossible de déterminer par avance si une personne touchée développera une forme sévère ou légère d’encéphalite, le Professeur Gilbert Greub, directeur de l'Institut de microbiologie et médecin-chef des laboratoires de microbiologie diagnostique de l’Université de Lausanne, rappelle l’importance de la vaccination: «Il s’agit de la seule manière efficace de prévenir l’encéphalite des tiques, insiste-t-il. Ce vaccin ne concerne pas uniquement les personnes immunosupprimées, mais toutes celles qui aiment se promener dans la forêt.»
Les recommandations fédérales ont récemment été élargies aux enfants dès 3 ans, dans tous les cantons suisses à l’exception du Tessin: «C’est une bonne nouvelle, sachant que les plus jeunes s’exposent davantage aux tiques en s’éloignant des sentiers, en jouant à cache-cache dans les hautes herbes», commente le spécialiste. La vaccination contre la MEVE se fait en trois doses, proposées dans de nombreuses pharmacies ou encore chez le médecin traitant.
Bien connaître les signes de la maladie de Lyme
Si vous cherchez «Lyme» sur un moteur de recherche, vous tomberez probablement sur une photo très caractéristique d’une éruption cutanée en forme d’œil-de-bœuf, avec des cercles rouges très distincts autour de la lésion centrale. Or, ces images peuvent semer la confusion, puisqu’il ne s’agit pas de la réaction que provoquent typiquement les acariens suisses: «Ce phénomène est plutôt associé aux tiques américaines, prévient le professeur Greub. Nos tiques suisses produisent un érythème migrant, sous la forme d’une tâche couleur ‘rouille’, soit du rouge foncé tirant sur le brun, avec une zone centrale décolorée et une périphérie plus rouge. Cette lésion n’est pas douloureuse, ne démange pas, et est tellement caractéristique qu’un médecin n’aura aucun mal à la reconnaître. Il ne faut donc pas attendre de voir apparaître de multiples cercles rouges autour de la morsure pour consulter!»
Le spécialiste précise par ailleurs que cette lésion n’apparaît pas forcément à l’endroit de la morsure, mais parfois des dizaines de centimètres plus loin: «On peut aussi constater plusieurs zones d’érythème, pour une seule morsure.»
Ce genre de phénomène, ainsi que des symptômes grippaux (fièvre, maux de tête) survenant quelques jours ou semaines après une morsure de tiques, nécessitent rapidement un rendez-vous chez un médecin, qui pourra administrer l’un des antibiotiques généralement prescrits pour traiter efficacement la maladie de Lyme. Si vos symptômes sont sévères, le professeur Greub recommande de se rendre aux urgences.
Se protéger pendant les balades
Soulignons avant tout que, malgré les (horribles) idées reçues, les tiques présentes en Suisse ne tombent pas des arbres et ne sont pas capables de sauter sur votre tête. Ainsi que le précise la page «Prévention et maladies» de l’Etat de Vaud, l’acarien est habituellement posté au niveau du sol, dodelinant sur une herbe haute ou cachée dans un buisson, où il attend de pouvoir entrer en contact avec un hôte, pour s’y agripper et grimper jusqu’à un endroit qu’il jugera idéal pour son festin. Pour cette raison, il est conseillé de porter des vêtements clairs durant vos randonnées, afin de repérer plus facilement une tique déterminée à grimper le long de votre manche.
Notre expert conseille néanmoins de ne pas s’alarmer, ni de s’empêcher de profiter de belles randonnées, bénéfiques pour la santé mentale comme physique. En effet, quelques précautions de base permettent déjà de réduire largement le risque: «Vous pouvez mettre votre pantalon dans vos chaussettes si vous sortez des sentiers et éventuellement utiliser des produits anti-tiques.»
S’examiner après les balades
Après une belle journée passée en nature, notre spécialiste recommande de bien examiner votre peau, ainsi que celle des enfants, afin de repérer une potentielle suceuse de sang. Puisque celles-ci sont sournoises et friandes de lieux humides et discrets, tels que l’arrière des genoux, il convient d’être vigilant.
«Je conseille d’examiner la peau des enfants à la fin de la journée, après chaque balade, à la lumière du jour ou à l’aide d’une bonne lampe, propose le professeur Greub. Il ne faudrait toutefois pas paniquer, au risque de les dégoûter les plus jeunes des jeux à l’extérieur ou de les terrifier à l’idée d’aller dehors. Si vous êtes vacciné contre l’encéphalite à tiques, le risque est minime de laisser une tique quelques heures sur notre peau, vu que la maladie de Lyme, elle, ne se transmet avec un bon rendement qu’après un repas de plus de 18 à 24 heures.»