L'ironie est désolante… Alors que la saison automnale devrait nous encourager à imiter la nature hibernante, elle semble prendre un malin plaisir à fragmenter et détériorer nos précieuses nuits de sommeil. D'autant plus que le fameux blues automnal décuple la fatigue et inspire l'envie de s'enrouler dans une couverture moelleuse jusqu'à Pâques.
À quelques jours du passage à l'heure d'hiver (qui tombe dans la nuit du 27 octobre 2024), de nombreuses personnes peinent à s'endormir et grognent de frustration au moment de devoir quitter leur oreiller.
Ce décalage désagréable vient évidemment de la baisse de luminosité, dont l'impact va s'accroître jusqu'au solstice d'hiver: «Le changement de saison occasionne une baisse de l’exposition à la lumière du jour, qui impacte notre rythme veille-sommeil biologique», souligne la Dre Tifenn Raffray, psychiatre et psychothérapeute FMH au Centre du Sommeil de Florimont.
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D'où vient cette intense fatigue au réveil?
En d'autres termes, si vous avez constamment la sensation qu'il est trois heures du matin alors que le réveil en affiche sept, c'est parce que votre cerveau a perdu ses repères: «La lumière, en agissant sur notre horloge interne, indique au corps si c’est le moment de se réveiller ou d’aller se coucher, poursuit la spécialiste. Le matin, c’est elle qui enclenche les signaux d’éveil et endigue la production de mélatonine, l’hormone favorisant le sommeil. En fin de journée, le déclin de la lumière provoque l’effet inverse, en préparant le corps à s’endormir.»
Hélas, cette horloge est plutôt facile à perturber. Quelques minutes de scrolling nocturne sur un écran lumineux suffisent par exemple à flouter nos repères et retarder le sommeil. Il en va de même pour le changement de saison: «L’exposition à la lumière matinale est primordiale pour envoyer un signal d’éveil à l’organisme, ce qui peut expliquer les difficultés à se lever, en automne et en hiver», résume la Dre Raffray.
Et le changement d'heure pourrait encore aggraver la situation, puisqu'il implique une perturbation supplémentaire, qui risque d'accabler davantage l'horloge interne. Or, notre experte se montre rassurante, rappelant que cet impact n'est que temporaire: «On peut l’assimiler à une simple heure de décalage horaire, qui se gère souvent en une journée, bien que de nombreuses personnes aient besoin de quelques semaines pour s’y habituer. Tout dépend de notre chronotype [si on est du matin ou du soir, ndlr].»
40 minutes de sommeil profond en moins
Hormis les réveils douloureux, l'automne tend également à réduire la qualité du sommeil: une étude américaine publiée en 2023 a ainsi démontré que nous obtenons, en moyenne, 40 minutes de sommeil profond en moins, durant l'automne. La faute, entre autres, au détestable blues saisonnier, «qui peut causer une certaine baisse du moral et des taux d’énergie», rappelle notre experte.
En effet, la Dre Raffray observe que les personnes souffrant de dépression saisonnière ressentent une augmentation de leur besoin de sommeil, mais que celui-ci s'avère bien moins réparateur: «Cela peut notamment venir de l’impact du blues automnal sur nos habitudes de vie. Durant la saison froide, surtout lorsque le moral est en berne, on a plus envie de manger des choses grasses et sucrées. Par ailleurs, lorsqu’on se sent triste, on est plus tenté de passer la soirée dans le canapé, à enchaîner les épisodes de série.»
Résultat: on s'alimente à des horaires irréguliers, tout en décalant l'heure du coucher en bingeant profusément, ce qui retarde la production naturelle de mélatonine: «Ainsi commence un cercle vicieux, note la spécialiste. On se couche plus tard, le rythme se décale et on a encore plus de mal à se lever».
Si Morphée a décidé de vous ghoster durant toute la saison, voici quelques recommandations pour mieux dormir cet automne:
Booster votre horloge interne
Bien que la lumière du jour représente le plus puissant allié du rythme circadien, il existe d'autres synchroniseurs sur lesquels on peut miser, pour compenser l'obscurité automnale. Parmi ceux-ci, la Dre Raffray cite par exemple la lumière artificielle de haute intensité, dispensée par des lampes de luminothérapie auxquelles on peut s'exposer 30 minutes par jour.
L'activité physique matinale peut aussi avoir un impact non négligeable: «Le fait de se mettre en mouvement, ne serait-ce qu’en marchant quelques minutes, peut aussi compenser le déficit en lumière du jour. En effet, l’activité physique dissipe le manque d’énergie et de motivation, tout en améliorant l’humeur et en régulant les émotions.»
La spécialiste conseille toutefois d'éviter les activités trop intenses avant le coucher: «Celles-ci augmentent la température interne du corps, ce qui retarde l’endormissement, alors que les activités plus calmes comme le yoga ou les étirements ne posent généralement pas de problème».
Ne pas regarder l'heure au milieu de la nuit
Pour éviter qu'un bref réveil nocturne ne provoque une demi-nuit blanche, passée les yeux rivés au plafond, à implorer Morphée de revenir au galop sur son cheval de sable, notre intervenante conseille d'éviter de regarder l'heure sur un écran: «Ce flash de lumière survenant alors que l’œil est habitué à l’obscurité réduit immédiatement la production de mélatonine, indispensable pour se rendormir, souligne-t-elle. Cela peut donc prolonger le réveil nocturne.»
Plutôt que de céder à l'appel du smartphone (qui s'ennuie sur la table de nuit) ou de ruminer durant deux heures dans l'obscurité, il est donc préférable de quitter la pièce pendant quelques minutes ou de feuilleter un livre, afin d'interrompre le cours de nos pensées et retrouver un peu de calme.
Viser des horaires réguliers
Souvent associée à des définitions péjoratives, la routine prend tout son sens dans le cas du rythme circadien: «La régularité des horaires est très importante, notamment le weekend, pointe notre experte. Hormis les cas de déficit de sommeil, qui nécessitent davantage de repos en fin de semaine, il faudrait essayer de se réveiller environ à la même heure tous les jours.»
Si cette idée vous semble insupportable, sachez qu'une variation d'une heure ou deux ne devrait pas avoir de conséquences catastrophiques, selon votre sensibilité personnelle.
À noter que cette règle vaut surtout pour le réveil et la prise des repas, sachant que la routine du soir peut s'avérer un brin plus variable: «Le soir, il faudrait se coucher uniquement lorsqu’on est fatigué, au risque de rester réveillé longtemps, à s’inquiéter parce qu’on n’arrive pas à dormir, prévient la Dre Raffray. Il vaut mieux se coucher un peu plus tard, mais s’endormir facilement, que de s’obliger à rejoindre son lit plus tôt. Même si ce réflexe part d’une intention d’améliorer la quantité de sommeil, on obtient souvent le résultat inverse.» Par contre, si vous sentez les premiers signes de fatigue durant votre soirée Netflix, il convient d'interrompre la série que vous dévorez avec passion en ce moment... C'est pour la bonne cause!
Se méfier des compléments en mélatonine
Face à la fatigue et aux nuits fragmentées, on peut être tenté de plonger tête la première dans la panoplie de tendances vantées par les réseaux sociaux pour mieux dormir. Parmi celles-ci, on trouve évidemment les fameux bonbons (ou gummies) enrichis en mélatonines, censés favoriser un sommeil paisible.
Ainsi que le rappelle la Dre Raffray, ce type de complément doit absolument être discuté et, au besoin, prescrit par un médecin: «Il ne faudrait pas se fier aux bonbons disponibles sur Internet, car on ne connaît pas la qualité, le dosage réel et les effets. Ces produits ne sont pas dénués d’effets et, pris au mauvais moment, peuvent faire plus de mal que de bien. Si on a besoin d’aide pour améliorer notre sommeil, il vaut mieux aller voir un médecin.»
Et qu'en est-il des tisanes à base de plantes? Aucun problème, rassure l'experte, puisque ces breuvages n'ont aucun effet démontré sur l'horloge interne: «C’est plutôt le côté ritualisé de la tisane qui peut s’avérer intéressante pour favoriser l’endormissement», conclut-elle.