Tout existe dans la littérature scientifique. Même une revue exclusivement dédiée à la chirurgie cranio-faciale. C’est précisément dans ce «Journal of Craniofacial surgery» que l’on trouve une statistique intéressante: entre 2013 et 2022, aux États-Unis, les blessures à la tête et au visage provoquées par la pratique sportive, et notamment la musculation, ont augmenté de 33%. Dans la plupart des cas, rien de grave. Seuls 8,5% des sportifs meurtris ont besoin d’une hospitalisation. Les lésions interviennent le plus souvent au niveau de la tête (45%), du visage (26%) et du cou (21%).
Mais les chercheurs qui ont mené cette étude notent aussi que les hommes sont plus concernés que les femmes. Ils représentent près de 56% des blessés qui arrivent aux urgences, la donnée utilisée par les scientifiques (et qui laisse supposer que les blessures sont en réalité bien plus nombreuses, puisque tout le monde ne se déplace pas pour les faire soigner). Si on s’intéresse à l’âge, ce sont les adolescents qui ont le taux de blessure le plus élevé, à quasiment 10%.
Une «pression sociale» pour les hommes à la salle
Pour expliquer cette différence, les auteurs de l’étude mentionnent la pratique de l’ego lifting (un jeu de mot que l’on pourrait traduire par «le soulevé d’égo»). Cela consiste à porter des charges beaucoup trop lourdes lors d’exercices de musculation, notamment pour épater la galerie. Les hommes «subissent souvent une pression sociale qui les pousse à s’entraîner et à soulever des poids bien au-delà de leurs capacités», notent les chercheurs.
On «sacrifie la technique pour se focaliser sur des chiffres et des mesures, ce qui se révèle dangereux, particulièrement pour les plus inexpérimentés». L’ego lifting est pointé du doigt par les coachs sportifs professionnels, qui soulignent que plus que le poids soulevé, c’est surtout la technique, la posture, l’amplitude du mouvement et la capacité à répéter celui-ci qui permettent de développer ses muscles. À l’inverse, des charges trop lourdes provoquent des accidents et des blessures parfois irréversibles.
Les «ego lifteurs» moqués
Sur les réseaux sociaux, le terme ego lifting est d’ailleurs surtout associé à du contenu moqueur… ou affligé. Le bodybuildeur professionnel et youtubeur américain Greg Doucette a récemment suscité un vif débat en postant la vidéo d’un jeune homme plutôt frêle qui tombe sous le poids d’haltères beaucoup trop lourds. Et la moitié de ses contenus sur Instagram encouragent à abandonner l’ego lifting séance tenante.
Sur TikTok, des influenceurs fitness tentent aussi d’alerter sur les dangers de ces pratiques extrêmes en faisant plus ou moins de pédagogie… et en abusant de vidéos atroces où l’on voit des chutes, des genoux qui se bloquent, des nuques à deux doigts de se briser et des muscles pectoraux qui se déchirent (oui oui). «Ego lifting accident» est même devenu une catégorie à part entière sur l’application. Bref, tout le monde s’accorde sur une chose: porter des dizaines de kilos n’importe comment ne fait qu’augmenter le risque de finir aux urgences et d’alimenter les études du «Journal of Craniofacial surgery».