Un mythe s’effondre pour les défenseurs des dix mille pas quotidiens. Désormais, quand le podomètre félicite notre exploit à coups de vibrations passionnées, il ne suscite plus la même satisfaction. Car le nombre d’or imaginaire n’est pas aussi symbolique que nous le pensions, ainsi que le démontre une étude parue en août 2023 dans le «European journal of preventive cardiology». Réalisée auprès de 227’000 personnes sur une durée de sept ans, la recherche affirme qu’il n’est pas indispensable d’atteindre 10’000 pas chaque jour pour améliorer notre santé: 3967 suffisent à réduire considérablement les risques de mortalité, tandis que 2337 permettent de diminuer nos chances de contracter une maladie cardiovasculaire.
Facile à retenir et suffisamment ambitieux pour nous motiver, le nombre de 10'000 était souvent perçu comme un objectif incontournable pour préserver la santé. Or, le site de l’Université d’Harvard confirme qu'il tire son origine d’une stratégie de marketing (réussie) élaborée en 1965 par une marque de podomètres japonaise.
Continuez à marcher
Dans ce cas, nos efforts pour marcher davantage sont-ils complètement futiles? Pas du tout, ainsi que le précise le Dr. Maciej Banach, l’un des responsables de l’étude, auprès de CNN: «Plus vous faites de pas, meilleurs seront les effets sur votre santé. Chaque augmentation de 500 à 1000 pas par jour peut réduire votre mortalité de manière significative.» En d’autres termes, atteindre les 4000 pas, c'est bien, mais il est encore mieux de les dépasser: qu’il s’agisse de 5’000, 10’000 ou 13’000 pas, les bienfaits seront exponentiels.
Pas évident d'établir des résolutions concrètes face à de telles consignes. Afin de clarifier la définition d’une journée suffisamment active, voici 4 recommandations d’expert:
Se lever durant la journée
«L’objectif des 10’000 pas par jour pouvait sembler un peu ambitieux pour de nombreuses personnes, affirme le Dr. Jérôme Spring, chef de projet au département promotion de la santé et prévention d’Unisanté. L’une des premières choses qu’on peut faire pour être plus actif est de réduire le temps sédentaire, également associé au risque de mortalité prématurée.» Pour y parvenir, il convient notamment de réduire le temps que nous passons en position assise. Passer l’aspirateur, porter ses sacs de course, marcher en téléphonant, jouer avec notre chien… il faut saisir chaque occasion de se lever.
«Ce n’est pas si simple, surtout quand on travaille dans un bureau, reconnaît Victoria Sardain, coach de vie et enseignante au studio BEAT de Lausanne. Mais le fait de se lever peut faire une énorme différence, ne serait-ce que sur notre forme et notre humeur.» Elle s’appuie alors sur une technique intitulée «pomodoros», inspirés d’une méthode de révision italienne: «Il s’agit de fractionner son temps en plages de 25 minutes de concentration intense, entrecoupées de 5 minutes de pause durant lesquelles on peut se lever, faire quelques pas, boire un verre d’eau... Cela semble contre-productif, mais j’ai constaté que je passe rarement plus d'une demi-heure sans regarder mon téléphone ou penser à autre chose.»
Compter nos efforts en minutes
Par ailleurs, les lignes directrices du réseau HEPA Suisse, basées sur les recommandations mondiales de l’OMS, évoquent des minutes actives, plutôt qu'un nombre de pas: «Un adulte devrait pratiquer entre 150 à 300 minutes d’activité physique d’intensité modérée par semaine, ou 75 à 150 minutes d’activité physique d’intensité soutenue, ou encore une combinaison des deux, rappelle le Dr. Spring. Une activité physique d’intensité modérée devrait provoquer un léger essoufflement, comme lorsqu’on marche d’un bon pas.» Sans oublier que la mesure de nos efforts en minutes plutôt qu’en pas permet de mieux s’organiser et de bloquer des plages horaires dédiées à un cours de danse ou une balade en forêt.
Dans cette optique, Victoria Sardain conseille de tester différentes routines sportives, afin de découvrir celle qui nous convient: «Je remarque qu’on se focalise beaucoup sur l’objectif de maintenir une seule routine ou un seul rythme, alors que nous sommes des êtres cycliques - particulièrement les femmes, note-t-elle. La même routine ne conviendra pas forcément à chaque journée, même si on cherche une certaine régularité.» Inutile, donc, de s’enfermer dans un schéma figé, tel qu’un éternel objectif de pas.
Renforcer nos muscles deux fois par semaine
Hormis la marche, le jogging ou d’autres sports d’endurance, le spécialiste souligne l’importance de pratiquer deux fois par semaine une activité pouvant renforcer les os et les muscles. «Le fitness serait un exemple évident, mais prendre les escaliers, faire du renforcement avec des élastiques ou faire du vélo en montée comptent également.» Sans le savoir, vous atteignez peut-être déjà cette cible.
Augmenter nos mouvements, même de manière infime
D’après l’étude d’«European journal of preventive cardiology» une journée à moins de 5000 pas peut être considérée comme sédentaire. Or, quand on démarre à une moyenne 2500 pas quotidiens, chaque augmentation, même la plus minime, suscite des effets positifs: «D’un point de vue santé, une majorité des bénéfices peut être obtenue par le passage d’un mode de vie sédentaire à un peu d’activité physique, constate le Dr. Spring. Dit autrement, une personne très sédentaire qui décide de marcher activement deux heures par semaine peut s’attendre à des bénéfices supplémentaires plus importants, comparativement à une personne déjà active qui ajoute deux heures de marche à ses trois séances de sport.»
Voilà qui est susceptible de nous motiver davantage que les félicitations du podomètre! Maintenant qu’il n’est plus obligatoire d’atteindre 10’000 pas, on se surprendra peut-être à en faire davantage - par pur esprit de contradiction.