Vous n'aviez encore jamais entendu parler du syndrome de May-Thurner (ou syndrome de Cockett)? Si la réponse est non, sachez que même certaines patientes ne connaissaient absolument pas son existence avant d'apprendre, pleines de désarroi, qu'elles en souffraient.
Il est également possible que vous ayez découvert la maladie sur le profil Instagram de la prof de yoga et autrice Alexandra Rosenfeld, épouse du journaliste français Hugo Clément, qui partageait son expérience durant l'été, après avoir souffert de complications liées à ce syndrome veineux.
Très rarement évoqué, il touche pourtant 1 personne sur 5, soit entre 22 et 24% de la population, d'après une recherche américaine réalisée en 2018. Il ne s'agit que d'une estimation, sachant que cette maladie est extrêmement difficile à identifier pour les professionnels de la santé. Le nombre de personnes réellement concernées pourrait donc être beaucoup plus élevé. Au sein du Centre hospitalier universitaire vaudois, une consultation coordonnée par le Service d’angiologie et conjointe avec le Service de gynécologie tente de lever le voile sur cette maladie.
«Ce syndrome est tellement sous-estimé et sous-diagnostiqué qu’on ne connait pas sa réelle prévalence, souligne le Dr Marco Fresa, médecin cadre associé au Service d'angiologie du CHUV. De nombreuses patientes en souffrent sans qu’un diagnostic ne soit posé. On identifie la maladie souvent après une longue errance médicale, ou en urgence, quand les patientes présentent une complication liée à une thrombose veineuse».
Quels sont les symptômes?
En effet, l'expert précise que les principales conséquences sont d’intenses douleurs dans la région pelvienne ou dans les jambes, lesquelles peuvent avoir tendance à gonfler facilement (notamment du côté gauche, selon la même étude américaine).
«Cela peut impacter fortement la qualité de vie et les relations intimes, ajoute le médecin. Le syndrome touche majoritairement des jeunes femmes, qui se plaignent alors de douleurs ne répondant à aucun critère, ne relevant d’aucun problème gynécologique, urologique ou gastroentérologie. Elles s’entendent souvent répondre que la souffrance est psychologique, se voient administrer des examens ou même des opérations, sans que la réelle cause de leur douleur ne soit identifiée.»
Si le diagnostic est complexe, c'est parce que les fortes douleurs pelviennes évoquent automatiquement d'autres troubles de la santé beaucoup plus fréquents: «On pense en premier lieu à l’endométriose ou les infections urinaires, et les examens réalisés dans ce contexte passent souvent à côté des signes caractéristiques du syndrome de May-Thurner», déplore notre intervenant.
Risque de varices et de thromboses
Dans le cadre de cette maladie, les douleurs viennent en réalité une compression de la veine iliaque, qui draine le sang des jambes et du pelvis: «En réaction, la circulation est bloquée, le sang ne peut pas remonter dans la veine et les patientes peuvent développer des varices pelviennes, sur les veines qui entourent plusieurs organes dont l’utérus, les ovaires, le vagin, la vessie», explique le Dr Fresa.
Une autre conséquence possible, ainsi que l'a douloureusement réalisé Alexandra Rosenfeld, est le développement d’une thrombose veineuse, soit un caillot de sang dans la jambe: «Ce phénomène est bien connu et doit être traité, généralement en administrant des anticoagulants, prévient l'expert. Dans certains cas sévères, une intervention peut aussi être réalisée pour retirer le caillot.»
Rappelons toutefois que toutes les thromboses ne sont pas forcément liées au syndrome de May-Thurner: elles peuvent également être favorisées par une immobilisation prolongée (notamment durant un voyage en avion), une récente chirurgie des membres inférieurs, le tabac ou encore certains contraceptifs hormonaux comme la pilule. «Mais quand une jeune patiente présente ce type de symptôme, en l’absence d’autres facteurs de risque importants, on réalise des examens complémentaires pour infirmer cette maladie», pointe le médecin.
Douleurs pelviennes, avec ou sans thromboses
Notre intervenant souligne par ailleurs que toutes les femmes concernées par ce syndrome ne développement pas systématiquement des thromboses. Ainsi observe-t-il deux présentations différentes de la maladie: «D'un côté, on a les patientes qui souffrent de douleurs chroniques dues aux varices pelviennes, ce qu'on appelle la congestion pelvienne, mais ne présentent pas de thromboses. Et de l'autre, les patientes qui consultent pour une thrombose aiguë, alors qu’elles n’avaient pas forcément ressenti de symptômes typiques du syndrome auparavant.»
Si les patientes sont très gênées dans leur quotidien, soit par la congestion pelvienne, soit après une thrombose, les spécialistes peuvent leur proposer un traitement ciblé, consistant à poser un stent dans la veine compressée, afin de permettre une meilleure circulation: «Celui-ci peut être gardé toute la vie», souligne le médecin.
La douleur n'est pas dans votre tête!
Pour le Dr Fresa, il est indispensable d'insister sur le fait qu'il n'est pas forcément normal de souffrir de douleurs importantes sans pouvoir établir de diagnostic: «Il ne faut pas s’arrêter aux premières investigations, recommande-t-il. En présence de ces symptômes, n’hésitez jamais à demander à ce qu’un spécialiste vasculaire vérifie la présence éventuelle de ce syndrome. De plus en plus de gynécologues et de généralistes sont également sensibilisés à l’existence de cette maladie.»
L'une des principales difficultés, pour les femmes concernées, est effectivement l'absence de diagnostic, l'incertitude et les doutes, à chaque fois qu'une cause potentielle est écartée, sans réponse claire: «Beaucoup de femmes éclatent en sanglots, au moment du diagnostic, constate notre expert. Elles arrivent après un exténuant parcours médical et décrivent des douleurs parfois estimées à sept ou huit sur dix… Après avoir entendu tant de fois que leur souffrance est psychologique, elles finissent par se croire folles. Mais ces femmes ont juste mal, et sont tellement soulagées d’apprendre qu’une intervention pourra leur permettre de mener une vie normale!»