Choc, angoisse, incompréhension… Autant de sentiments violents qui vous ont peut-être déjà traversé au vu des actualités qui agitent les médias en ce moment. La guerre en Ukraine, le conflit israélo-palestinien, les attentats et la menace sanitaire toujours présente constituent autant d’images stressantes qui s’enchaînent et ne laissent aucun répit aux citoyens sensibles, pris en otage par ces news glauques qui s’accumulent.
Si ce stress a toujours existé dans une certaine mesure chez les personnes qui s’intéressent à l’actualité, notre exposition à ces images, parfois presque en live, est nouvelle. «À une époque, les actualités arrivaient bien après l’événement choquant, avec un certain recul et un narratif déjà réfléchi par le média qui les transmettait, explique Katia Schenkel, docteure et psychologue d'urgence FSP, responsable de la commission psychologie d’urgence AGPsy à Genève. Aujourd’hui, il arrive qu’elles soient livrées brutes, en pleine face des spectateurs. Cette réalité crue peut avoir un énorme impact sur ceux qui la reçoivent.»
Alors, comment s’informer de façon à préserver notre santé mentale et quels signaux surveiller pour détecter si les actualités nous pèsent trop? Réponses et conseils d'expertes.
Comprendre les effets de l’actualité sur notre système
Chez les individus les plus sensibles, les mauvaises nouvelles les plus choquantes peuvent déclencher le système de réaction au stress et mettre le corps en alerte, comme s’il se trouvait face à un danger imminent. «Certaines personnes peuvent se mettre en état de vigilance et avoir des réactions anxieuses, alimentées par des scénarios qu’elles se font et qui dérivent des images qu’elles voient sur leurs écrans, explique Katia Schenkel. Ces événements bousculent nos croyances fondamentales sur le monde qui nous entoure et introduisent un élément d’incertitude, de rupture, voir de danger permanent. On est susceptible de s’identifier à ceux qui souffrent en partageant leur douleur et cela peut entraîner des ressentis violents.»
Certaines personnes peuvent aller jusqu’à développer de faux souvenirs à force d’être exposées: «Certaines thérapies, dites d’exposition, sont pleines d’espoir pour certains patients traumatisés, car elles peuvent atteindre des souvenirs profondément ancrés. Mais en dehors d'un cadre thérapeutique contrôlé, la surexposition à une information pourrait induire le développement de faux souvenirs, interférer avec la vraie mémoire et la transformer en créant des expériences qui ne nous appartiennent pas», ajoute Delphine Preissman, docteure en neurosciences et chargée de cours à l’Université de Lausanne.
Et quid de ceux qui ont l'air moins touchés par ce qui se passe dans le monde? Loin d’être plus égoïstes que les autres, ils sont en fait protégés par un mécanisme complètement différent, appelé la distanciation émotionnelle. Selon la psychologue Katia Schenkel, «la distanciation peut faire partie des réactions qui visent à réduire l’impact du choc émotionnel et ses conséquences sur notre fonctionnement.» À cela s’ajoute la notion d’habitude: les images de la guerre en Ukraine peuvent avoir un impact moindre, car l’effet de surprise et de nouveauté n’est malheureusement plus aussi présent qu’au début du conflit.
Les signes à surveiller
Alors, comment savoir si vous atteignez vos limites avant de franchir la ligne rouge? Selon la psychologue d’urgence, le plus important est de prendre du recul sur soi-même et de s’observer. Si vous vous sentez constamment en alerte, que les images qui vous ont choqué vous restent en tête sans que vous puissiez les oublier, il est peut-être temps de chercher des outils ou des personnes qui puissent vous aider par rapport à ces ruminations qui semblent s’installer.
N’oubliez pas de jauger vos capacités émotionnelles: si vous vous sentez fatigué, stressé et que votre situation personnelle n’est pas au beau fixe, vous n’avez peut-être pas l’équilibre intérieur nécessaire pour encaisser les mauvaises nouvelles.
«Se préoccuper de soi ne veut pas dire qu’on est insensible, rappelle Katia Schenkel. Mais pour être en capacité de s’intéresser aux autres, il faut d’abord prendre soin de soi, pour moduler l'impact émotionnel et éviter d’être surexposé.»
Comment se protéger?
Et pour prendre soin de vous, vous pouvez adopter quelques réflexes bienfaisants. Le premier, le plus radical, est de limiter votre exposition aux informations. Plus facile à évoquer qu’à mettre en place, cette limite peut être instaurée dans le temps que vous passez devant les news, dans le type d’actualités auxquelles vous vous exposez, ou dans la sélection des médias que vous consommez.
Si vous ne pouvez pas vous empêcher de vous informer, essayez de le faire via des contenus qui diffèrent de ceux qui vous angoissent: «Se diriger plutôt vers des décryptages qui vont mettre en perspective certains aspects politiques ou historiques des conflits sans les minimiser, activera plutôt la partie réflexive et non émotionnelle du cerveau, argumente Katia Schenkel. Le fait de prendre du recul et de mettre du contexte va aider à former une grille de lecture qui peut aider à comprendre ce qui se passe.»
D’autres astuces peuvent vous aider à prendre de la distance: «Pour éviter que des images ne se consolident dans la mémoire, plusieurs études suggèrent l’importance de s’occuper l’esprit après avoir été exposé à des informations choquantes, ajoute la neuroscientifique Delphine Preissman. Entreprendre une tâche visuelle, comme un Tetris ou un autre jeu, entraverait l’enregistrement des souvenirs dans le cerveau.»
Le sommeil serait également très important pour l’assimilation des informations: «Il faut éviter de s’exposer aux informations et de dormir immédiatement après. La nuit consolide la mémoire et inscrit les choses plus profondément», complète la spécialiste.
Attention par ailleurs aux plus fragiles: les enfants, qui n’ont pas encore cette capacité à mettre en perspective les informations choquantes et à les relativiser. «Il faut essayer de répondre aux questions de son enfant, dans un langage qui lui est adapté, sans mentir, en le rassurant et en lui donnant des outils nécessaires pour comprendre. Il peut être inquiet sur les conséquences possibles sur lui ou ses proches» précise Katia Schenkel.
À quel moment demander de l’aide professionnelle?
Si vous constatez des troubles du sommeil, que vous avez des problèmes de concentration ou que vous êtes en état d’hypervigilance, il est peut-être temps de vous diriger vers des professionnels. À partir du moment où votre fonctionnement habituel est impacté ou que vous ressentez une souffrance importante que vous ne savez comment gérer, n’hésitez pas à en parler à votre médecin traitant, qui vous aidera à trouver des clés personnalisées pour réguler votre exposition et vous redirigera vers un spécialiste si besoin.
Si vos ruminations ou votre angoisse impactent votre qualité de vie, n’hésitez jamais à demander de l’aide. Vous n’êtes pas seul, de nombreuses personnes traversent la même situation que vous, et des ressources existent pour trouver du soutien. Vous pouvez notamment faire appel au service 24h sur 24 de la Main tendue (143), dédiée à l’aide aux personnes en détresse. Les plateformes Pro Juventute (147) ou On t’écoute proposent des conseils et du soutien aux jeunes ou aux parents. Si vous broyez du noir ou si une personne de votre entourage présente des signes d'alarme, vous pouvez vous tourner vers l'association Stop-Suicide, active dans tous les cantons romands.
D’autres dispositifs cantonaux sont également disponibles, comme le réseau fribourgeois de santé mentale, le réseau d’entraide Valais ou encore le centre neuchâtelois de psychiatrie. En cas d'urgence médicale, contactez le 144, ou la police au 117.
Si vos ruminations ou votre angoisse impactent votre qualité de vie, n’hésitez jamais à demander de l’aide. Vous n’êtes pas seul, de nombreuses personnes traversent la même situation que vous, et des ressources existent pour trouver du soutien. Vous pouvez notamment faire appel au service 24h sur 24 de la Main tendue (143), dédiée à l’aide aux personnes en détresse. Les plateformes Pro Juventute (147) ou On t’écoute proposent des conseils et du soutien aux jeunes ou aux parents. Si vous broyez du noir ou si une personne de votre entourage présente des signes d'alarme, vous pouvez vous tourner vers l'association Stop-Suicide, active dans tous les cantons romands.
D’autres dispositifs cantonaux sont également disponibles, comme le réseau fribourgeois de santé mentale, le réseau d’entraide Valais ou encore le centre neuchâtelois de psychiatrie. En cas d'urgence médicale, contactez le 144, ou la police au 117.