«Je suis tellement stressé, je ne sais plus où me mettre!», «Ma to-liste déborde, j'ai envie de me cacher sous mon bureau», «Vivement ce soir, je vais m'écrouler»... Ce genre de phrase a forcément déjà traversé notre esprit en ébullition, durant une journée de travail interminable. Et ce n'est pas surprenant, puisqu'un Suisse sur quatre se sent stressé au travail, d'après les chiffres de l'Office fédéral de la statistique (OFS).
Hélas, pour ne rien arranger, une étude américaine stipule désormais que ces mots peuvent avoir un effet délétère sur notre réputation professionnelle. Publiée durant le printemps 2024 dans la revue «Personnel Psychology», la recherche souligne en effet que l'habitude d'exprimer trop fréquemment son stress durant les heures de bureau peut réduire notre popularité au sein de l'équipe, ou encore donner l'impression qu'on manque de compétences.
Or, cela ne vaut que dans certains contextes bien précis, qui ne concernent pas le simple besoin de partager ses difficultés: l'analyse concerne plutôt les individus exprimant ouvertement une fierté d'être débordés.
Pratiquez-vous le «stress bragging»?
Menée par Jessica Rodell, chercheuse au département de management de l'Université de Géorgie, l'étude théorise le concept du stress bragging, soit l'habitude de se vanter de l'anxiété qu'on ressent face à la montagne de responsabilités et de tâches urgentes qui patientent sur notre clavier. Chez certaines personnes, cette attitude ne serait donc pas un moyen d'extérioriser leurs émotions, mais plutôt de se vanter d'être excessivement occupées.
«Nous souhaitons évidemment que les autres nous apprécient et nous trouvent intelligents, explique la chercheuse auprès du Huffington Post. Mais si nous exprimons ce besoin de manière frontale et directe, on peut être sûr cela ne fonctionnera pas.» En effet, Jessica Rodell considère le stress bragging comme une tentative indirecte de signifier aux autres qu'on est un collaborateur inestimable et qu'on travaille extrêmement dur: «Mais cela ne marche pas», pointe-t-elle. Pire, on risque plutôt d'obtenir l'effet inverse.
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Moins appréciés et peu admirés
Pour aboutir à ces résultats, Jessica Rodell a sondé un total de 360 participants, priés de se prononcer quant à l'attitude d'un collègue fictif pratiquant le stress bragging. Parmi les phrases souvent prononcées par ce personnage imaginaire, on trouvait notamment des propos de type: «Vous ne pouvez pas imaginer à quel point je suis stressé!» ou encore «Cette réunion était une goutte de plus dans un vase déjà prêt à déborder».
Résultat: les participants ont estimé cette personne fictive bien moins appréciable et compétente qu'un collaborateur qui se limiterait à répondre sobrement que «la réunion était intéressante, mais quand même un peu stressante». Aussi se sentaient-ils beaucoup moins motivés à aider ou soutenir une personne donnant l'impression de se vanter.
«Même si on peut facilement s'imaginer qu'une description détaillée de notre stress peut souligner qu'on a beaucoup de travail et que notre poste est important, les autres interprètent cela différemment, ajoute la chercheuse, toujours auprès du Huffington Post. L'entourage aura plutôt tendance à se dire qu'on n'est pas suffisamment compétent pour gérer notre charge de travail. Cette manière explicite d'en parler, comme s'il s'agissait d'une fierté, peut nous rendre moins appréciés.» Jessica Rodell souligne en effet que l'humilité et la proximité aux autres sont beaucoup plus valorisées, dans un tel contexte.
Comment gérer son stress au travail
Mais qu'en est-il des personnes qui décrivent leur charge de travail sans arrière-pensée, simplement parce qu'elles se sentent vraiment débordées? Bien sûr, ce cas de figure est possible aussi... et beaucoup plus fréquent! Une autre étude américaine confirme effectivement que l'apparition fréquente des mots «stress» dans le discours quotidien peut indiquer qu'une personne se sent sincèrement stressée, et surtout lorsqu'elle y appose des adverbes tels que «tellement» ou «très». La recherche en a même conclu que le choix des mots des participants révélait davantage d'informations sur leur niveau de stress que leur propre description de leur état mental.
Il n'y a donc aucune raison de s'autoflageller ou de craindre le courroux des collègues, si on évoque parfois notre stress! La science a même démontré que le fait d'accepter et exprimer ses émotions négatives peut nous aider à les gérer (ainsi que le note également cet article du «New York Times»). Il peut toutefois être urgent d'agir, afin d'endiguer les potentielles conséquences du stress chronique (et les pics de cortisol) sur la santé physique et mentale.
Dans un article publié ce printemps, le magazine santé de l'Université de Berkeley, «Greater Good Magazine», détaille plusieurs stratégies pour gérer le stress au travail. Parmi ces conseils, qu'on vous détaillait plus précisément il y a quelques mois, on trouve le fait de prendre conscience de son stress, d'identifier les manifestations physiques de cette réaction, puis de recharger ses batteries grâce à la pleine conscience et la mise en place de limites saines.
Si vous vous sentez déjà éreinté, alors que vous venez juste de rentrer de vacances, une psychologue spécialisée en santé du travail nous a également donné plusieurs recommandations pour se préserver. Et si rien ne vous soulage, n'hésitez jamais à demander de l'aide, auprès de vos proches ou d'un thérapeute. Car, en soi, le stress est tellement épuisant qu'on n'a même pas le temps de s'en vanter!