Alex Russell dans «Maid»
Succès surprise de Netflix en 2021, «Maid» raconte l’histoire d’Alex, jeune mère qui fuit un conjoint violent et se retrouve seule avec sa fille mais sans argent. Commence alors un parcours kafkaïen pour s’en sortir. Pour obtenir un logement social, la jeune femme doit travailler. Pour travailler, il faut qu’elle parvienne à faire garder son enfant. Pour faire garder son enfant, il faut… qu’elle décroche un emploi. En montrant très justement la spirale de précarité dans laquelle tombent bien des mères célibataires, «Maid» a renvoyé un miroir froid à cette Amérique qui abandonne volontiers ses plus pauvres en rase campagne.
Dans le rôle principal, Margaret Qualley, actrice très prometteuse vue, depuis, dans les films «Stars at noon» et «Drive-away dolls», est un impressionnant alliage de puissance et de fragilité. Toujours sur une ligne de crête, l’actrice porte l’intégralité de la série sur ses épaules. Et reste, trois ans plus tard, le visage quasiment allégorique des mères badass de séries.
Lynette Scavo dans «Desperate Housewives»
La série culte «Desperate Housewives», à (re)voir sur Disney+, ne manque pas de figures maternelles. Les quatre héroïnes, Lynette, Bree, Gabrielle et Susan, sont toutes, chacune dans leur genre, des mères courageuses qui prennent (généralement) soin de leur progéniture. Certes, Bree abandonne son fils sur une aire d’autoroute, Gabrielle passe son temps à faire des commentaires grossophobes à sa fille et Susan est tellement maladroite qu’elle est plus la fille de sa propre fille que l’inverse, mais toutes se plient en quatre pour tenter de concilier leur vie de famille et leurs désirs.
Revoir aujourd’hui «Desperate Housewives», c’est d’ailleurs constater à quel point ces personnages féminins ont parfois été injustement malmenés au moment de sa sortie. L’exemple le plus parlant étant celui de Lynette Scavo (jouée par l’impeccable Felicity Huffman). Celle-ci a souvent été perçue comme une insupportable control-freak qui met des bâtons dans les roues de son mari charmant, Tom. En réalité, avec cinq enfants à charge et un époux toujours absent, Lynette est une incroyable battante, une héroïne de la charge mentale, qui peine à se remettre de la frustration d’avoir abandonné une brillante carrière.
Dans une scène mémorable d’ailleurs, elle rappelle à Tom, qui n’est rien d’autre que son sixième enfant, qu’en restant toute la journée avec la marmaille, elle ne peut que puer le vomi de bébé. Aujourd’hui, les mères débordées en font des posts sur Instagram. Mais à l’époque, Lynette avait déjà tout résumé.
Cersei Lannister dans «Game of Thrones»
Pouvait-on mettre dans un top sur les mères badass une femme incestueuse, meurtrière, assoiffée de pouvoir et qui finit par tuer la moitié de ses concitoyens? Évidemment. Car Cersei Lannister, la sinistre souveraine des Sept Royaumes dans «Game of Thrones», est l’un des meilleurs personnages féminins du petit écran (du moins dans les deux premières saisons, avant que les scénaristes en fassent une alcoolique notoire au bord de la folie).
Mariée jeune à un roi qu’elle méprise, mais qu'elle ne peut quitter dans une société qui ne laisse aucune autre place aux femmes que celle de l’épouse, Cersei Lannister a décidé de prendre sa liberté là où c’était possible, quand c’était possible. Au début de la saga, elle est dotée d’un sens politique aiguisé qui en fait une reine certes cruelle, mais très intelligente. Et, surtout, entièrement dévouée à ses enfants. C’est d’ailleurs là que le bât blesse, lorsqu’elle est incapable de saisir que son fils héritier du trône, Joffrey, est beaucoup trop psychopathe pour le poste.
Ou qu’elle se fait dépasser par la dictature religieuse qu’elle a elle-même installée à Port-Réal. Mais Cersei Lannister a au moins la grande qualité de l’honnêteté, n’ayant jamais caché ses ambitions ni sa fourberie à personne. Notons d’ailleurs que «Game of Thrones», dans sa myriade de personnages, a proposé beaucoup de mères badass. Outre Cersei, on retrouve la valeureuse Catelyn Stark, mère notamment d’Arya, Sansa et Bran, et surtout Lady Olenna Tyrell, grand-mère de Margaery et seule rivale de Cersei sur les terrains de la trahison et de la punchline.
Rebecca Pearson dans «This is us»
«This is us», disponible sur Disney+, est la série familiale par excellence. Difficile donc de faire l’impasse sur la matriarche, Rebecca Pearson, mère de Kate, Kevin et Randall, les trois trentenaires héros de l’histoire. Au début pourtant, c’est bien son époux, Jack, qui tient le haut du pavé. Le père aimant, le mari disponible, le personnage parfait, c’est lui. Il aura fallu un peu de temps avant que le public reconnaisse les qualités de Rebecca, magnifiquement interprétée, elle aussi, par Mandy Moore. Dans ses doutes, ses renoncements, cette mère qui a fait une croix sur une carrière de chanteuse n’ayant jamais décollé, qui n’a jamais cessé de réunir sa famille même sous les quolibets injustes de ses enfants, est magnifique.
Jusqu’à la fin de cette série profondément émouvante, Rebecca Pearson aura incarné la mémoire familiale. Un destin d’autant plus tragique qu’elle finira par perdre la sienne, de mémoire, sous les assauts de la maladie. On se souviendra longtemps de la performance de l’actrice Mandy Moore, qui incarne le personnage à différents âges de la vie, parfois après des heures de maquillage, avec toujours la même sensibilité.
Nora Durst dans «The Leftovers»
Nora Durst n’est pas seulement le plus beau personnage féminin de l’immense série «The Leftovers». Elle est sûrement l’un des plus beaux personnages de tout le petit écran. Dans la fiction imaginée par le prolixe Damon Lindelof (à qui l’on doit aussi «Lost» ou «Watchmen»), Nora fait partie des gens qui, comme tant d’autres, ont perdu subitement des proches au moment où 2% des êtres humains de la planète se sont volatilisés. «The Leftovers» raconte l’histoire de celles et ceux qui, comme Nora, doivent refaire leur vie par la suite. Mais Nora, elle, a perdu d’un seul coup son mari et ses deux enfants, attablés l’instant d’avant à la table du petit-déjeuner.
Rarement femme hantée par la mort n’aura paru plus vivante, tantôt sur le point de s’écrouler, tantôt auréolée d’une grâce captivante. Dans sa complexité, son insondable souffrance qui ne verse jamais dans le dolorisme, Nora Durst est sûrement le personnage de fiction qui se rapproche le plus de nous. Cette mère-là est tragique, indéniablement, mais aussi badass dans sa façon de se raccrocher à ce qui existe encore et d’accepter les quelques désirs qui lui restent.