Cobra et transpi
J'ai testé le hot yoga et j'ai eu beaucoup plus mal que prévu

Le hot yoga, trend sportif arrivé en Suisse il y a plusieurs années, est en plein boom auprès de la population romande. Mais la version chauffée de cette pratique méditative a-t-elle de réels bienfaits additionnels? Je suis allée tester.
Publié: 09.02.2024 à 14:43 heures
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Dernière mise à jour: 10.07.2024 à 20:03 heures
Le studio YogaFlame, situé à Grancy à Lausanne, accueille chaque semaine des centaines d'adeptes du hot yoga.
Camille Bertholet

Adepte des sports dynamiques et ayant de la peine à méditer ou à me concentrer plus de quelques secondes sur ma respiration, le yoga «classique» ne m’a jamais semblé attractif. Je l’avoue, le sport est une échappatoire qui me distrait du flot constant de mes pensées. Enchaîner des postures compliquées sur des tapis (mal)odorants au milieu d’un groupe semblant y trouver du plaisir tout en étant confrontée à ma conscience? Très peu pour moi. 

Pourtant, selon l’Observatoire suisse du Sport (SportObs) en 2022, plus de 14% des Suisses se disent adeptes du yoga ou d’une discipline sportive similaire telle que le pilates ou le stretching. Décliné en plusieurs versions selon les pratiques (Hatha, Vinyasa, Ashtanga etc.), ce sport existe donc également dans une version encore plus intense: le hot yoga, ou yoga bikram, du nom de son inventeur Bikram Choudury. Popularisés dans les années 1970, ces enchaînements de poses dans une salle chauffée à 40 degrés visent à reproduire l’effort effectué par les yogis en Inde, pays d’origine de la discipline. 

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Quand j’ai découvert cette pratique il y a quelques semaines, par le redoutable bouche-à-oreille lausannois — en ayant l’impression d’avoir vécu dans une grotte toute ma vie, vu la popularité de la discipline — ma curiosité a été piquée: cette pratique pourrait-elle s'avérer assez intense pour me faire oublier le calme alarmant de mes BPM? La chaleur a-t-elle des effets bénéfiques sur la santé? Il me fallait tester.

Premiers pas sur le tapis

Je ne suis pas la seule à être motivée par la perspective de suer pendant 90 minutes aux côtés d’inconnus. Carole Chappuis, cofondatrice de Yoga Flame, un studio spécialisé dans les cours chauffés entre 32 et 38 degrés à Lausanne et à Genève, a importé le concept avec Pascal Reymond en Suisse en 2017. Elle a rapidement pu constater l’enthousiasme des Romands pour la discipline: «Nous avons au total environ 1000 membres actifs entre nos deux studios et avons enregistré une fréquentation de 1344 personnes rien que la semaine dernière. Les gens viennent pour se challenger, il y a un côté survivor qui est très populaire.» 

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J’imite donc ces adeptes et prends le chemin de mon premier cours avec deux questions en tête: la session sera-t-elle accessible aux débutants n’ayant jamais pratiqué et vais-je pouvoir garder une allure potable jusqu’à la fin (histoire de pouvoir retourner au bureau après)? Selon Carole Chappuis, le hot yoga est spécialement indiqué pour les gens ayant peu d’expérience: «Grâce à la température de la salle, les muscles sont chauds tout de suite et les débutants se sentent à l’aise dans les postures plus rapidement.» 

Le docteur Mathieu Saubade, médecin du sport au CHUV et à Unisanté, nuance et avertit: «Pour les individus qui pratiquent déjà, la chaleur doit pouvoir aider à aller plus loin. Pour les débutants, il faut toujours prendre ses précautions et être bien échauffé, car le risque de blessure musculaire ou tendineuse est plus élevé. Je conseille également, pour les personnes à risques, de demander l’avis de leur médecin.» Bien s’échauffer, c’est noté. Pour la dégaine, je n’ai pas osé demander.

La salle chauffée du studio de YogaFlame.

Lorsque je pousse la porte, je n’ai en guise d’équipement que des leggings, une brassière, une gourde que j’oublierai de remplir (ma plus grossière erreur, même si, vous verrez, il y en aura d’autres) et toute la motivation de quelqu’un qui ignore ce qui l’attend. Après un rapide passage dans les vestiaires, j'entre enfin dans le studio: une grande pièce qui contient une trentaine de tapis alignés face à un miroir. L’air chaud, craché par une bouche béante dans un coin de la salle, paraît tout de suite écrasant pour ce cours qui n’est pourtant chauffé «qu’à» 32 degrés. Intitulé «Deep Flow», celui-ci favorise «la flexibilité, la mobilité, l'équilibre et la force». Soit. C’est parti.

Premières gouttes de transpi

La lumière est tamisée, les poses s’enchaînent et mon corps se détend rapidement grâce à la chaleur. C’est finalement assez agréable, même si ça me demande beaucoup d’efforts. Au bout d’une dizaine de minutes, je transpire déjà à grosses gouttes. «L’activité physique en milieu chaud et humide fait augmenter la température corporelle et donc les tentatives de refroidissement du corps», explique Mathieu Saubade.

Et en cas de forte transpiration, la règle d’or est la même qu’en plein été: boire, boire et encore boire. «Il faut absolument s’hydrater avant, pendant et après la séance. Pour vérifier que vous buvez assez, regardez la couleur de votre urine: elle doit être jaune clair», recommande le médecin. Pour veiller à ne pas perdre trop d’eau, il conseille de boire régulièrement et par petites gorgées. Il ajoute: «Pour une séance de sport ‘normale’, le débit sudoral se situe entre 0,8 et 1,5 litre par heure, alors que lorsqu’on fait du sport en milieu chaud, il peut aller au-delà de 1,5 litre par heure.»

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Au bout de trente minutes, je suis trempée. «L’humidité ambiante élevée ne permet pas à la sueur de s’évaporer et donc au corps de perdre de la chaleur. Il faut faire attention, comme en été, à ne pas prendre un coup de chaud. La perte de sels dans la sueur peut être notable dans les efforts supérieurs à deux heures» avertit Mathieu Saubade. La séance dure une heure et demie, presque sans pause, avec quelques postures de l’enfant disséminées au long du cours pour offrir un peu de répit au corps. Le cours terminé, c’est avec bonheur que je retrouve l’air frais de l’extérieur du studio, en ayant la sensation (plutôt plaisante) et l'apparence (plutôt terrible) de celle qui a couru un semi-marathon. 

Je réitère l’expérience quelques jours après, avec un cours de «Yoga Sculpt», pratique venue des États-Unis, censée allier le yoga traditionnel à un entraînement plus intense pour «stimuler le métabolisme et développer la masse musculaire» et qui me donne l’impression de faire un HIIT workout sous la chaleur des tropiques. Si le «Deep Flow» m’avait presque fait ressentir l’effet méditatif du yoga, le «Yoga Sculpt», lui, me laisse au bord de l’apoplexie, reconnaissante que le cours ne dure qu’une heure.

Plus souple et plus concentrée

Je retourne au studio quatre fois au cours des deux semaines comprises dans mon abonnement d’essai. Combiné avec d’autres sports qui me défoulent, le hot yoga représente une bulle tiède et agréable, dont je sors immanquablement l’esprit vide et le corps las. «Les bénéfices que les clients rapportent le plus souvent sont l’augmentation de leur flexibilité et de leur concentration. Ils prennent les cours comme une parenthèse à eux et sont concentrés sur le moment présent», m’explique la cofondatrice du studio. 

«On peut en effet obtenir une meilleure détente et donc une sensation de bien-être accrue grâce au chaud, confirme le docteur Saubade. Enseignée par des professeurs experts, cette pratique paraît positive, car elle augmente le nombre d’offres sportives disponibles en faisant adhérer des individus qui n’aimeraient pas le yoga classique.» L’expert précise que, comme dans toute pratique sportive, la régularité est un élément clé pour en tirer le maximum de bénéfices: «Le corps va s’habituer à perdre autant d’eau et réduire les pertes de sels et de minéraux. Si on pratique deux fois par semaine, idéalement à côté d’une activité plus cardio, alors on entraîne son corps de la bonne façon.»

Non, vous ne perdrez pas de poids tout de suite

Attention cependant aux idées reçues. Le hot yoga ne favorise pas particulièrement la perte de poids: «Il est dangereux de penser qu’on peut perdre du poids en une séance grâce à ce sport, explique le spécialiste. Si on pèse un kilo de moins après le cours, c’est surtout parce qu’on a perdu un kilo d’eau et qu’on est en état de déshydratation. Comme dans chaque sport, s’il y a une perte de poids, elle ne peut se faire que sur le long terme.»

De mon côté, je me suis rendu compte que je n’étais pas vraiment concentrée sur mes pensées lorsque je pratiquais le hot yoga, mais plutôt sur la satisfaction d’avoir un moment rien qu’à moi, guidée par les respirations des élèves qui m’entourent et les encouragements des professeurs. Je ne dis pas que ça m’a rendue complètement adepte de la pleine conscience, mais je ne dis pas non plus que je ne retournerai pas cuire en position du lotus en attendant l'été. Namaste.

Yoga Flame, Bd de Grancy 1, 1006 Lausanne ou Gal. Jean-Malbuisson 15, 1204 Genève
Cours recommandés pour les débutants: Yin, Barkan, Deep flow, Bikram.

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