Difficile d'imaginer un monde dans lequel les trains ne seraient pas remplis de zombies, les yeux agrafés à leurs écrans, les pouces en mouvement, le visage fermé. Scroller fait désormais partie de notre quotidien, si bien qu'on passerait, en moyenne, plus de 7,6 années de sa vie à éplucher des plateformes telles qu'Instagram et TikTok.
Ce chiffre glaçant nous vient d'une recherche statistique publiée par le magazine «Forbes» et menée par deux journalistes américaines spécialisées dans l'utilisation des données numériques.
Le phénomène devient d'ailleurs suffisamment alarmant pour inquiéter l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), qui a tiré la sonnette d'alarme le 25 septembre, ainsi que le rapporte l'ATS. Selon son directeur européen, Hans Kluge, il devient urgent d'aider les jeunes à mettre fin à «l'utilisation potentiellement préjudiciable des médias sociaux, dont il a été démontré qu'elle mène à la dépression, au harcèlement, à l'anxiété et à des résultats scolaires médiocres».
Comment retrouver un équilibre
Les adolescents ne sont évidemment pas les seuls concernés, puisque les adultes sont tout aussi susceptibles de sauter à pieds joints dans les pièges vicieux que nous tendent ces plateformes, conçues pour séduire notre cerveau friand de dopamine et addict à la satisfaction immédiate. La différence, ainsi que nous l'expliquait la neuropsychologue Julie Leros-Fuchs, dans un article dédié à la perte de notre capacité attentionnelle, est que les jeunes (surtout entre 12 et 18 ans) y sont plus vulnérables, dans la mesure où leurs circuits cérébraux ne sont pas encore assez matures pour résister à ces mécanismes.
Heureusement, de nombreux experts se penchent désormais sur les stratégies permettant d'endiguer ces comportements pernicieux. Parmi eux et elles, la psychologue Daria Kuss, chercheuse à l'Université britannique de Nottingham-Trent, qui étudie depuis plus de dix ans le côté obscur de l'utilisation d'Internet. Dans le magazine en ligne américain «Psyche», elle explique notemment comment utiliser les médias sociaux à bon escient sans perdre le contrôle ou tomber dans la dépendance:
Fixer des objectifs
Souhaitez-vous passer moins de temps sur les réseaux sociaux afin de pouvoir en consacrer davantage à vos loisirs, vos proches et votre repos? Rêvez-vous d'utiliser les médias sociaux uniquement à des fins professionnelles ou privées, plutôt que par simple ennui? Ou alors préféreriez-vous cesser définitivement de parcourir les actualités du jour, par réflexe, avant d'aller vous coucher?
Si c'est le cas, vous pouvez déjà être fiers d'avoir identifié des objectifs clairs et concrets! En effet, Daria Kuss recommande d'analyser et de noter ses objectifs pour ne pas les oublier. Sachant que tout changement d'habitude demande des efforts conscients, cela vous permettra de rester motivé.
Prévoir des heures de connexion fixes
Pendant la journée, l'experte conseille de réserver quelques créneaux fixes de 15 à 30 minutes pour se consacrer à des activités en ligne telles que scroller sur Instagram. Il convient évidemment de les adapter à votre organisation de la journée et à votre planning, afin qu'ils n'empiètent sur aucune autre tâche.
De cette manière, on peut progressivement déraciner l'habitude de se précipiter sur son smartphone à chaque occasion ou chaque seconde d'oisiveté, en respectant petit à petit les objectifs qu'on s'est fixés. Plus facile à dire qu'à faire... mais ça chaque petit changement peut déjà faire une différence!
Planifier des pauses
En plus de fixer des plages horaires réservées au scrolling, Daria Kuss propose de bannir le smartphone pendant nos temps de pauses, afin de se déconnecter, manger en toute tranquillité, discuter avec d'autres personnes ou pratiquer des activités en plein air.
Dans la même idée, il peut être favorable de définir des zones «sans smartphone», comme la salle à manger par exemple. Pour l'experte, l'habitude de prendre ses repas sans scroller permet de rester connecté à ses sensations, en évitant de manger de manière machinale, sans en ressentir le besoin. De même, en interdisant le téléphone portable dans la chambre à coucher, on évite que la lumière bleue de l'écran n'interfère avec la qualité de notre sommeil.
Réfléchir à ce qu'on recherche
En outre, Daria Kuss recommande de clarifier ce qu'on recherche concrètement, lorsqu'on se met à scroller. Le but est-il de lutter contre l'ennui, de fuir le stress... ou de rester en contact avec nos proches? Cette dernière raison est plutôt raisonnable, d'après la spécialiste:
«C'est à cela que les réseaux sociaux étaient destinés à l'origine», pointe-t-elle. L'envie d'apprendre quelque chose, de rechercher une information ou de discuter avec d'autres sont d'autres bonnes raisons d'utiliser les réseaux sociaux, qui permettent alors de découvrir des communautés de personnes qui partagent vos passions. Résultat: vous passerez moins de temps à vous perdre dans les méandres de TikTok, sans but précis en tête.
Désactiver les notifications inutiles
Plusieurs études auxquelles Daria Kuss a participé soulignent clairement que les notifications d'applications qui apparaissent sous forme de popups et de sons ont une influence négative sur notre humeur. Leur effet est de nous distraire encore et encore, puisque ce type de notification (qui a souvent la bonne idée d'illuminer l'écran, même en mode silencieux), nous donnent constamment l'impression de rater quelque chose.
Pour y remédier, l'experte conseille de reprendre le contrôle en désactivant celles qui ne nous apportent rien, pour ne garder que les popups venant d'applications qu'on trouve intéressantes. Pour trier cela facilement, vous trouverez tous les paramètres nécessaires sous le menu «Notifications» de votre smartphone.
Modifier la couleur de l'écran
Une autre large recherche menée en 2023 montre par ailleurs que nous sommes particulièrement fascinés par les éléments visuels, les couleurs et les designs qui s'agitent à l'écran et happent notre regard à la moindre occasion. Pour diminuer l'attrait du smartphone, il suffit donc d'activer le filtre «Niveaux de gris» dans le menu «Affichages».
Résultat: tous les contenus, y compris les photos, seront affichés en gris, à l'instar d'un vieux film en noir et blanc. Tous les éléments clignotants auront ainsi disparu, rendant l'écran beaucoup moins addictif et plaisant pour le cerveau. Avec le temps, cet effet peut diminuer notre envie (ou même notre besoin) de scroller dès que possible, tout en offrant un repos bien mérité à nos yeux.