Vous ne connaissiez pas encore le trend du «Winter Arc»? Alors, hâtez-vous d'endosser un hoodie noir XXL, d'en relever la capuche au maximum pour que son ourlet frôle vos sourcils et d'afficher une moue mi-torturée, mi-déterminée façon Jon Snow: vous êtes déjà en retard sur le programme!
Le concept est simple: il s'agit de créer un planning de 90 jours (idéalement appliqué du 1er octobre au 31 décembre), destiné à vous transformer en une meilleure version de vous-même, en prônant une focalisation totale sur vos objectifs personnels. Concrètement, le programme prend la forme d'une liste de consignes plus ou moins sévères censées perfectionner votre niveau de fitness, votre développement personnel et votre forme physique en général. Ainsi, plutôt que de fixer des bonnes résolutions le 1er janvier, vous aurez déjà constaté certains progrès avant même le début de la nouvelle année.
Jusqu'ici, rien d'étonnant venant d'une plateforme incroyablement propice au déploiement massif de conseils bien-être façon «menu de dopamine». Mais l'effet boule de neige du «Winter Arc» tend désormais vers l'extrême, alors que des millions d'internautes revisitent le concept à leur sauce (fort piquante) et rivalisent de sévérité dans l'élaboration de leurs consignes.
Si vous vous posiez la question, l'«arc» est un terme littéraire désignant l'évolution progressive d'un personnage, qui se développe au fil des épreuves qu'il traverse, au cours du récit. Qui a flairé le petit red flag..?
Oubliez le repos, sortez les haltères!
Tandis que la nature ralentit et qu'une communauté rivale ressort joyeusement ses plus épaisses couvertures cosy, les fans du «winter arc» n'ont absolument pas le temps d'avaler la moindre gorgée de pumpkin spice latte. Au placard, les pyjamas en flanelle, pantoufles fluffy et autres bouillottes douillettes, pourtant symboliques de la saison froide. Ce genre de petit confort devra céder sa place aux haltères, tenues de sport et salades sans sauce.
Car parmi les lois principales du «Winter Arc», on trouve notamment 6 passages au fitness par semaine, l'obligation de prendre de la masse musculaire, l'interdiction de se mettre en couple (trop distrayant), un réveil quotidien à 5h30, un régime alimentaire strict, 8 heures de sommeil par nuit, 10'000 pas par jour, la lecture d'un minimum de quatre livres complets et, dans certains cas, le rasage intégral de la tête, en signe de discipline. D'autres bannissent aussi la masturbation, encore une distraction de trop.
Un tiktokeur britannique nommé Ellis Lowe affirme par ailleurs qu'il est préférable de rompre et d'avoir le cœur brisé durant un «Winter Arc», pour que l'expérience soit plus authentique. («So dramatique», commente une internaute sous le post du tiktokeur Wissam Nabulsii.)
Devenues virales à l'aube du mois d'octobre, les vidéos prônant cette tendance ont été visionnées des millions de fois sur TikTok. Le concept original, popularisé par la créatrice de contenu américaine Carly Berges, a été consulté plus de 4,5 millions de fois depuis le 30 septembre 2024 et rassemble près de 700'000 likes. Certaines marques, dont la célèbre enseigne de vêtements de sport GymShark, ont même tenté de tourner le trend à leur avantage, en contournant évidemment les dérives du concept.
«Pas de p**ain d'excuse, les mecs!»
Depuis le début de l'automne, d'innombrables internautes, souvent de jeunes hommes aux mines très sérieuses et arborant des pulls à capuche sombres, en ont fait une forme de dictature du bien-être.
En effet, l'une des premières caractéristiques de ces nuées de contenus est le ton grave, presque énervé, des tiktokeurs: «Pas de p**ain d'excuse, on ne manque pas le moindre jour de sport, aboie Ellis Lowe dans l'une de ses vidéos, épinglée tout en haut de son profil. Quatre passages au fitness par semaine, c'est le strict minimum. Sinon, vous n'avez qu'à aller faire du pilates avec les mères!»
Une grande part des contenus louant le «Winter Arc» est effectivement adressée aux hommes («Allez les mecs, soyez sérieux!», rage encore le tiktokeur britannique) et dénotent un discours parfois masculiniste.
Dans les commentaires, de nombreux jeunes adolescents s'inquiètent de ne pas pouvoir participer ou «prendre de la masse», n'ayant pas encore obtenu l'autorisation parentale pour se rendre au fitness. Certains se demandent avec un brin d'angoisse si les consignes martelées en vidéo représentent une blague ou une parodie. Or, le hashtag #thisiserious («ceci est sérieux») apparaît ponctuellement dans les légendes des vidéos, ce qui clarifie un peu les choses... On imagine aussi la peine des jeunes qui s'entendent ordonner de quitter leur partenaire, de délaisser les loisirs comme les jeux vidéos et de s'isoler pour rester «focus» sur leur transformation hivernale.
«Pour [les masculinistes], le 'Winter Arc' est plus qu’une simple tendance bien-être, mais un vrai mantra pour explorer leur masculinité, dénonçait la journaliste Manon Mariani au micro de France Inter, fin octobre. Leur 'Winter Arc' démarre avec une action précise: se raser la tête. Pour certains mascus, le fait d'être chauve est un signe de virilité. Leur idée est de ne pas s’afficher avec une calvitie, car c’est un signe de faiblesse et un sujet de moquerie pour les femmes.»
Est-ce vraiment efficace pour s'améliorer?
Notons toutefois que le concept de base n'est pas forcément dangereux, tant qu'il est interprété et appliqué avec une certaine modération: «Je recommande d'utiliser le 'Winter Arc' uniquement comme une source de motivation, qui nous aide à atteindre nos objectifs, mais pas comme un guide pratique destiné à modifier complètement notre régime et notre routine santé, prévient le nutritionniste Joel Totoro auprès du média américain 'Pop Sugar'. Lorsqu'il s'agit des régimes alimentaires, la frontière entre habitudes saines et comportements délétères est mince.»
Hors de question, donc, de se priver des conforts habituels de l'hiver (comme la raclette) ou de tomber dans une spirale extrême qui sape tous les petits bonheurs de la vie, au profit d'un perfectionnement intense et intenable sur le long terme. Comme toujours, l'équilibre est clé, sans oublier la possibilité d'adapter ce trend à notre propre rythme, sans essayer d'appliquer des dizaines de «règles» à la fois.
«Il est important de rappeler que tout le monde est différent, souligne Joel Totoro. Ce qui a l'air de fonctionner pour vos influenceurs préférés pourrait ne pas vous convenir du tout, et c'est encore plus vrai lorsqu'il s'agit de nutrition.» En d'autres termes, avant de vous lancer dans une nouvelle routine plus drastique qu'auparavant, n'hésitez jamais à demander l'avis de votre médecin ou d'un professionnel. Et puis, de temps en temps, mangez du chocolat. Ça aussi, c'est bon pour la santé!