Choisir une filière universitaire, c'est un peu comme monter dans un wagon qui dessinera la trajectoire de notre vie entière... Ou en tout cas, c'est l'idée grandiloquente qui nous submerge, au moment de finaliser une inscription à l'université.
Qu'on ait laissé la décision mijoter et mûrir pendant des semaines ou qu'on se soit simplement lancé avec l'impulsivité de la passion, les semaines suivant la rentrée soulèvent forcément une série de questions: ai-je choisi la bonne voie? Vais-je réussir la session d'examens? Ce domaine me passionne-t-il vraiment? Suis-je à la hauteur?
Comme le confirme Karin Hehlen, responsable du Service d'orientation et carrières (SOC) de l'Université de Lausanne, ce cas de figure est très commun: accueillir et guider les étudiants submergés de doutes est même l'une des missions principales du service.
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D'où viennent ces doutes?
«Nous recevons typiquement des étudiants ayant opté pour une voie qui ne leur correspond pas, soit parce qu’ils imaginaient autre chose, soit en raison d’un souci d’adaptation au rythme des études», précise la conseillère en orientation, qui recommande alors des entretiens individuels, afin de déterminer la source du problème et si un changement de filière pourrait résoudre cet inconfort.
En effet, dans de nombreux cas, il peut s'agir d'une difficulté d'adaptation temporaire au rythme universitaire lui-même: «Il faut dire que la première année est toujours un peu spéciale, car on découvre tous les nouveaux cours en vrac, sans forcément comprendre d’emblée comment faire des liens entre les matières, ajoute notre intervenante. Il peut arriver qu’on ne se soit pas trompé de voie, mais que l’acclimatation à l’université soit un peu difficile. Dans ce cas, on propose des cours d’appui et on empêche les étudiants de décrocher, en leur rappelant que tout ira mieux lorsqu’ils se seront habitués à leur nouveau rythme.»
Quelles sont les solutions concrètes?
Si l'entretien détermine une irrémédiable envie de changer de voie au tout début du cursus, Karin Hehlen rappelle que cela est uniquement possible jusqu'au 30 septembre. Si vous avez loupé ce délai, sachez que les étudiants peuvent demander de quitter l'université, sans que le semestre en cours soit compté dans le cursus, jusqu'à mi-octobre.
«Cette option peut être saisie pour une personne qui se serait trompée de filière, aurait loupé le délai du 30 septembre et ne se sentirait pas capable d’atteindre la session d’examens, précise la conseillère en orientation. On peut manquer de confiance sur son choix lors des premières semaines après la rentrée, mais il faudra parfois envisager de quitter l'université, plutôt que de s'acharner dans une voie qui ne convient pas, afin de ne pas trop endommager nos chances de pouvoir recommencer un autre cursus ailleurs. C’est particulièrement important pour les étudiants qui ont déjà essuyé un échec dans une autre haute école.»
Pour rappel, l'échec définitif survient après deux tentatives d'examens, suite auxquelles l'étudiant ne pourra plus s'inscrire dans le même domaine, dans aucune école universitaire suisse.
Que faire, si l'échec définitif nous guette?
Ainsi, la situation devient plus compliquée après un premier échec ou une session de rattrapages estivale ratée. Dans ces cas-là, notre intervenante souligne que le service d'orientation peut aider à élaborer un plan B, «pour autant que les étudiants soient ouverts à l'idée de réfléchir à une autre option.»
En cas d'échec ou de grandes difficultés d'adaptation à la structure universitaire, d'autres options peuvent être envisagées: «Face au décrochage ou lorsqu'il serait plus pertinent pour la personne d’envisager une orientation en dehors d’un cursus universitaire, on essaie d’ouvrir les horizons des étudiants concernés, de leur parler par exemple de la voie des CFC avec des formations professionnelles accélérées, celle des formations supérieures ou encore des HES», explique Karin Hehlen, qui observe toutefois que les cursus universitaires ont toujours autant de succès.
Si vous vous reconnaissez dans ces cas de figure et que la situation vous angoisse, voici quelques outils pour dédramatiser... et rebondir avec un maximum d'optimisme:
Relativiser l'incertitude et les doutes
Sur le plan émotionnel, rappelons que les doutes ne sont pas catastrophiques – loin de là! «Il est important de garder à l'esprit qu'être vraiment sûr de son choix est plutôt le résultat d'un processus évolutif que d'une décision inéluctable à un instant T», souligne le Dr Michaël Mettraux, chef de clinique au Département de psychiatrie du CHUV et chef de clinique de la Consultation psychothérapeutique pour étudiants UNIL.
De même, le fait de ne pas être complètement sûr s'avère également sain et normal: «Les besoins et aspirations d'un individu peuvent en effet changer avec le temps ou suite à des évènements de vie, poursuit le psychiatre. L'orientation professionnelle peut donc évoluer aussi. La crainte ou le sentiment d'anormalité ressentis par la personne vivant cette 'crise d'orientation' doivent donc être accueillis, légitimés et normalisés.»
Se rappeler que la situation est fréquente
Sachez par ailleurs que vous êtes très loin d'être la seule personne à traverser ce type de bouleversement! Nos deux intervenants affirment en effet que les changements de trajectoire universitaires sont très fréquents, bien que ces doutes soient souvent cachés, tus ou refoulés:
«Dans une société actuellement ultra-compétitive, il est difficile d’admettre sa vulnérabilité, ses doutes ou des hésitations dans certains choix de vie, analyse le Dr Mettraux. Nous vivons dans une culture où il faut rester fort, faire face à l’adversité, se montrer sûr et déterminé, 'montrer qu'on en veut'.»
Notre expert rappelle en outre que les jeunes sont souvent tiraillés entre l'envie d'exister par eux-mêmes, en prenant leurs propres décisions pour satisfaire leurs aspirations propres, et le besoin d'être reconnu et valorisé par ses proches et la société. Tant de dilemmes existentiels (absolument normaux) qui justifient d'autant plus les changements d'avis ou les doutes!
Ne jamais hésiter à demander de l'aide
Même si vos difficultés vous semblent insignifiantes ou honteuses (spoiler: ce n'est jamais le cas), il est toujours bénéfique de prendre contact avec les services d'orientation ou de psychothérapie de votre université. Karin Hehlen remarque en effet que les consultations sont ouvertes à tous les étudiants, peu importe leur situation, même pour répondre à un simple besoin d'être rassuré, de valider son choix, de prendre conscience de ses compétence ou de mettre en évidence les prochaines étapes du parcours.
En présence de certains signes pouvant refléter une souffrance, le soutien et le dialogue deviennent même essentiels. Parmi les indices à ne jamais ignorer, le Dr Mettraux liste notamment une baisse de motivation ou d'intérêt pour ses études, des difficultés à investir les cours, de l'absentéisme, des difficultés de concentration, de la procrastination, une baisse de moral, des troubles du sommeil et de l'appétit, un sentiment de culpabilité, une baisse d'estime de soi ou des idées noires.
Regarder devant soi
«Lorsque que l'étudiant prend conscience que ce type de doute fait justement partie d'une étape développementale normale et nécessaire, il pourra s'autoriser à y réfléchir sereinement et les symptômes diminueront rapidement», assure le Dr Mettraux.
Pour notre expert, le simple fait d'aborder ses craintes avec son entourage peut amener à découvrir que notre idée des attentes de nos proches ne correspondait pas à la réalité. Voilà une réalisation très libératrice! «La possibilité de penser par soi-même ouvre de plus larges horizons et donne accès à des représentations plus nuancées, conclut le Dr Mettraux. Comme le disait Albert Jacquard, chercheur et philosophe, 'les plus beaux parcours sont souvent en zigzag'».