Ne pas baigner dans le bonheur après la naissance de son bébé est mal vu. Pourtant, 15% des mères souffrent de dépression post-partum et au moins un papa sur dix est concerné. L'année dernière, 89'000 bébés sont nés en Suisse. On peut donc partir du principe qu'environ 13'000 femmes et 10'000 pères ont souffert de dépression post-natale.
Celle-ci est en principe facile à traiter, on a généralement recours à la psychothérapie et à des «inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine», la forme la plus répandue d'antidépresseurs. Mais il faut souvent jusqu'à trois mois pour que ces derniers fassent effet. Ils ne sont même pas efficaces du tout chez certains individus.
Résultats prometteurs
Un comprimé nouvellement autorisé a été spécialement conçu pour les dépressions post-partum. Le Zurzuvae est censé agir plus rapidement et ne doit être pris que pendant deux semaines. «Si l'on a l'impression d'avoir du mal à passer le cap du lendemain, c'est un avantage important», explique Andrea Borzatta, présidente de l'association Dépression Postpartale Suisse.
L'autorité sanitaire étasunienne (FDA) a autorisé la semaine dernière ladite pilule, dont la substance active est nommée zuranolone. Lors d'une phase test menée sur 350 femmes malades, les symptômes ont régressé plus rapidement et plus nettement que dans un groupe de contrôle. Les participantes ont signalé un soulagement en moyenne après trois jours déjà. Après deux semaines, les symptômes s'étaient améliorés de près d'un tiers de plus que dans le groupe ayant reçu un placebo.
34'000 dollars pour une perfusion
La zuranolone repose sur un mécanisme d'action similaire à celui de la substance active brexanolone, qui a également été autorisée aux États-Unis en 2019, mais qui doit être administrée par voie intraveineuse. Coût d'une perfusion: 34'000 dollars.
Le «New York Times» décrit l'arrivée de ce nouveau comprimé sur le marché comme une étape importante. Mais Antje Heck, médecin et spécialiste des médicaments liés à la grossesse et l'allaitement, nuance: «Si c'était aussi simple, nous l'aurions déjà fait.» Le médicament est «tout au plus une pièce du puzzle» parmi de nombreuses possibilités de traitement et en aucun cas un remède miracle pour tout le monde: «Derrière cet engouement se cache la thèse selon laquelle la dépression post-partum serait une simple conséquence du changement hormonal après la grossesse. Or c'est faux – ce type de dépression a une origine multifactorielle et doit être traité de manière globale, c'est-à-dire avec des médicaments, une psychothérapie et des mesures de soutien.»
Pas de date commercialisation en Suisse
Le Zurzuvae sera mis sur le marché étasunien fin 2023, mais avant cela, le produit doit encore faire l'objet de tests supplémentaires. On ne sait pas si et quand il sera disponible en Suisse. Ni Roche ni Novartis ne font actuellement de recherche sur des médicaments efficaces contre la dépression post-partum.
«De nombreuses personnes concernées continuent de rechigner à s'adresser à des spécialistes – au moins la moitié des malades ne sont pas diagnostiqués et souffrent en silence, regrette Andrea Borzatta. Ce n'est que lorsqu'un dépistage généralisé concernera toutes les personnes concernées que le marché deviendra probablement plus intéressant.» Mais l'experte constate un changement, depuis que la pandémie a mis en exergue la santé mentale et les maladies psychiques: «La demande pour nos offres de formation continue à destination des professionnels ne cesse d'augmenter.»
Côté politique, une intervention de la conseillère aux Etats verte Céline Vara est en suspens au Parlement. Elle demande que l'assurance de base prenne entièrement en charge le traitement des dépressions post-partum jusqu'à un an après l'accouchement – y compris la franchise et la quote-part: «Le tabou autour du bien-être psychique des parents s'effrite. Aujourd'hui, il est acceptable pour une maman ou un papa de dire 'je ne me sens pas bien et que j'ai besoin d'aide'.»