Qu’est-ce qu’ont en commun un sauvignon blanc aromatique de Styrie, un Grüner Veltliner rafraîchissant de Wachau et un blaufränkisch épicé du Burgenland? Ils viennent tous d’Autriche et sont des vins qui peuvent être remarquables, au point d’obtenir la note maximale dans les revues spécialisées ou des prix réputés lors de concours internationaux.
Avec ses 4000 domaines, l’Autriche compte aujourd’hui parmi les producteurs de vin recherchés. Environ 20% des vins produits sont exportés et la Suisse figure parmi les principaux acheteurs, après l’Allemagne. Mais le livre d’histoire viticole de notre voisin renferme également un chapitre plus sombre. Car il y a bientôt 40 ans, le secteur viticole autrichien a bien failli sombrer du jour au lendemain.
L’antigel comme édulcorant
Lorsqu'il fait trop froid pendant la phase de végétation, le raisin n’arrive pas à maturation et contient trop peu de sucre. Or, il y a 40 ans, les vins contenant un peu de sucre résiduel avaient la cote, à l’image du vin allemand Liebfrauenmilch. Des vignerons autrichiens ont donc eu l'idée de rendre le vin artificiellement plus sucré en utilisant un édulcorant, du diéthylène glycol, un produit antigel.
Le mot «glycol» vient du grec et signifie «sucre». L’ajout de diéthylène glycol visait donc à transformer frauduleusement un vin de table quelconque en nectar de qualité supérieure doux, vendu à meilleur prix. Mais ce n’est pas tout: le diéthylène glycol permettait de produire un vin de synthèse qui avait l’aspect, l’odeur et le goût du vin, sans contenir un gramme de raisin.
L’escroquerie est longtemps passée inaperçue, jusqu’au jour où l’un des vignerons impliqués a voulu repousser les limites de l’optimisation fiscale en déclarant des volumes anormalement élevés d’antigel. Or, il ne possédait en tout et pour tout qu’un tracteur, pour lequel les quantités de diéthylène glycol indiquées étaient irréalistes.
Les premières traces d'antigel dans un vin autrichien furent identifiées en janvier 1985 et pourtant, plusieurs mois s’écoulèrent encore avant que le Ministère de l’Agriculture autrichien n’informe le public. Du jour au lendemain, la quasi-totalité des vins autrichiens furent retirés de la vente dans le pays et à l’étranger et les exportations s’effondrèrent. Aucune preuve n’a jamais été établie d’une répercussion sur la santé des consommateurs.
Après le choc, la rémission
Après quelques milliers de perquisitions et plusieurs peines d’emprisonnement pour les vignerons impliqués dans le scandale, le secteur viticole autrichien n’avait d’autre choix que de repartir de zéro. Aujourd’hui, le pays s’est doté d’une des législations les plus sévères en matière de viticulture et défend sa place dans le classement des vins haut de gamme.
Durant ces 20 dernières années, les exportations de vin de qualité mis en bouteille en Autriche ont considérablement augmenté, tandis que les exportations de vin bon marché transporté en conteneurs et embouteillé dans le pays de destination ont reculé. Il semblerait que notre voisin ait définitivement réglé le scandale de l’antigel dans le vin.