Le millésime 2021 avait posé de sérieuses difficultés aux vigneronnes et aux vignerons suisses: les pluies abondantes, le mildiou et les dégâts causés par la grêle avaient entraîné des pertes de récoltes dramatiques en dépit d’un niveau de qualité étonnamment élevé. Aussi étaient-ils unanimes à souhaiter un cru 2022 un peu moins compliqué. D'après notre enquête auprès de personnalités du monde viticole suisse, ce vœu a été exaucé.
Luigi Zanini, Castello Luigi, Besazio (TI)
«2022 est le millésime du siècle! Il aura fallu manifestement beaucoup de patience pour attendre la maturité polyphénolique et aromatique complète, même si la concentration en sucre était élevée dès le début du mois de septembre. La robe, la structure et les tannins sont fabuleux. Nous avons fini les vendanges le 7 octobre avec le cabernet franc et le cabernet-sauvignon. Vive le millésime 2022!»
Martha et Daniel Gantenbein, Fläsch (GR)
«Nous avons récolté les dernières grappes de raisin le 6 octobre. La sécheresse de l’été nous a causé quelques frayeurs, mais la pluie a fini par arriver à temps. Au bout du compte, nous avons connu une excellente année. Comme à l’accoutumée, la présélection dans le vignoble pour l’assurance qualité avant les vendanges nous a donné du fil à retordre. Mais le résultat est plus que satisfaisant, aussi bien en termes de volume que de qualité. Nous avons pu récolter les raisins à bonne maturité, sans avoir pour autant une teneur en sucre trop élevée. Sur le pinot noir et le chardonnay, nous recherchons la puissance, la concentration et l’élégance. Une teneur en alcool trop élevée compromet l’élégance; et pourtant, le raisin doit être mûr. À chaque fois, c’est un exercice d’équilibrisme, mais nous sommes très satisfaits.»
Jean-Pierre Pellegrin, Domaine Grand’Cour, Satigny (GE)
«2022 sera un très joli millésime! Les jeunes pieds de vigne ont malheureusement souffert, parce qu’ils n’ont pas pu étendre leurs racines dans de bonnes conditions. Mais sur les ceps plus anciens, à partir de cinq ans environ, tout a été pour le mieux. Pour certains cépages, nous avons attendu que la courte période de précipitations soit finie pour commencer les vendanges, et le jeu en valait la chandelle. L’année a été chaude, mais pas aussi caniculaire que 2013 ou 2018. Le raisin aime le soleil, il en ira toujours ainsi – comme nous, les humains. En conclusion, les vignerons genevois peuvent s’estimer très heureux quant au cru 2022.»
Catherine Cruchon, Domaine Henri Cruchon, Echichens (VD)
«Il est encore trop tôt pour tirer un bilan définitif, mais tout porte à penser que nous aurons un très beau millésime, bien équilibré, avec beaucoup de chaleur, mais pas aussi extrême que les années précédentes. Sur le chasselas, par exemple, le sucre a plafonné à un niveau largement dépassé en 2018 ou 2019. Les pH sont très bas, de 3,2 à 3,4, ce qui offre des perspectives extrêmement intéressantes pour un millésime plutôt chaud. La teneur en azote était faible, ce qui explique quelques problèmes au lancement de la fermentation. Mais tout s’est bien passé par la suite. L’état sanitaire de la vendange était remarquable et les moûts étaient très denses. Pour nous, le millésime 2022 s’annonce sous les meilleurs auspices.»
Diego Mathier, Adrian & Diego Mathier Nouveau Salquenen AG, Salgesch (VS)
«2022 va être un millésime génial, sensationnel! Les vins qui ont terminé leur fermentation le laissent déjà entrevoir, avec une première impression très prometteuse: une structure tannique remarquable, de la nervosité, une maturité pleine, mais sans excès malgré la chaleur. On est toujours à la recherche du vin parfait. Avec cette base de travail exceptionnelle que nous offrent les vignes, nous avons tous les éléments en main pour élaborer des vins qui confinent à la perfection. Les pieds de vigne étaient encore pleins de sève après les vendanges. Dans une année aussi chaude que celle-ci, il est important de ne pas réduire le rendement à l’excès. Mieux vaut laisser un kilo sur le cep au lieu des 500 à 600 grammes par mètre carré comme c’est souvent le cas. Ainsi, la période de végétation dure plus longtemps et la vendange est plus tardive. Si on réduit comme on le fait d’habitude, on presse de la confiture.»
Markus Ruch, Neunkirch (SH)
«Nous avons commencé la récolte avec les raisins blancs durant la dernière semaine d’août – jamais nous n’avions vendangé aussi tôt – et nous avons fini le 20 septembre avec le pinot noir. Le raisin était en très bon état, juste un peu hétérogène, avec une bonne teneur en sucre et un léger manque d’acidité. Mais après 2021, ce millésime réjouissant nous remet du baume au cœur.»
Urs Zweifel, vigneron de la ville de Zurich, Zweifel 1898, Höngg (ZH)
«Avec un été très chaud et sec, nous avons eu peur d’avoir une fois de plus des grains cuits, de l’alcool en excès et une élégance aux abonnés absents. Ce n’a pas du tout été le cas, la pluie étant arrivée vers la fin de l’été. Cela a permis au raisin de mûrir et de gagner en fruit. Du coup, le sucre n’a pas explosé comme on aurait pu le craindre. Nous allons avoir des vins élégants et fruités. Y compris le pinot noir, car lui non plus n’a pas trop d’alcool. De plus, les volumes sont bons, ce qui ne manque pas de nous réjouir. 2022 est une année exceptionnelle, du niveau de 2011 ou 2015.»