Je me suis toujours tenu éloigné du Dry January, me disant que ce mois est bien assez déprimant comme ça pour me passer d'un verre de temps en temps. Mais après une visite à La Sobrerie, une boutique spécialisée dans les boissons sans alcool, je pourrais bien changer d'avis.
Cette petite enseigne éphémère sise jusqu'à mars 2024 rue des Escaliers du Marché à Lausanne, dans un local appartenant à la ville, est la première du genre en Suisse romande à surfer sur la vague des boissons sans alcool pour fins gourmets. Ou, comme on peut le lire en vitrine, «des boissons sans alcool pour adultes». Comprenez qu'ici, vous ne trouverez ni jus ni sodas sucrés, mais des produits autrement plus recherchés, à destination des palais des gourmands et des épicuriens.
«Notre clientèle se compose de chefs et cuisiniers professionnels, mais aussi de clients privés, plutôt des passionnés qui veulent de bonnes boissons pour leurs repas», précise Amélie Dumont, la fondatrice.
Des boissons créées pour les accords avec la nourriture
La jeune femme dit avoir eu l'idée il y a six ans. Avec son compagnon, elle «avait envie de bonnes boissons pour accompagner les repas, sans pour autant avoir particulièrement envie de boire de l'alcool tous les jours, ou du moins en semaine». Le problème, c'est qu'à part de l'eau ou du thé, il n'y a pas grand-chose à se mettre dans le gosier. Bref, on a vite fait le tour et, admettons-le, on s'ennuie un peu.
C'est ainsi qu'elle a fondé La Sobrerie en mai 2023, un site de vente qui lui permet, en plus d'une présence régulière au marché de Lausanne, de faire découvrir ses «boissons de dégustation», comme elle les appelle.
Aux côtés des classiques (des kombuchas ou un kéfir 100% vaudois de la marque Kosmos Drinks), trônent des apéritifs, des bières, des vins sans alcool ou des breuvages plus ou moins bizarres, produits à partir de macération de plantes ou de fruits.
Un client pénètre justement dans la boutique pour s'enquérir sur le sujet. «Vous avez du vin rouge sans alcool?» S'engage alors une conversation qui aurait eu sa place chez n'importe quel caviste: on parle tanins, cépage, récolte ou encore conservation. Le client repart avec trois bouteilles sous le bras, après avoir demandé, sans succès, du pastis non alcoolisé. «On en aura plus tard», lui assure Amélie Dumont, évoquant un super pastis «zéro alcool et zéro calorie» en provenance de Marseille, forcément. Je prends note.
Les grands chefs s'intéressent aux boissons sans alcool
Cette tendance des boissons sans alcool, qui ne touche pas que les bières ou les cocktails, est tout à fait récente et a d'abord séduit les grands chefs. La sommelière d'Anne-Sophie Pic, l'Argentine Paz Levinson, propose depuis peu des accords sans alcool dans les restaurants de la cheffe triplement étoilée. L'une des marques de vin sans alcool sur les étagères, Muri, est d'ailleurs présente sur la carte d'Anne-Sophie Pic, illustre Amélie Dumont.
Elle l'admet elle-même, aujourd'hui encore, dans cet univers balbutiant, trouver du bon vin sans alcool reste compliqué. C'est la raison pour laquelle elle ne propose que quelques références, après un minutieux travail de sélection. «Il faut que ce soit bon, bien sûr, mais aussi que la composition soit 'propre', plaide-t-elle. Mais les choses progressent, car c'est un secteur en plein boom qui investit beaucoup dans la recherche et développement.»
Comme la bière sans alcool qui, il y a quelques années, était à la limite du buvable avant de connaître des progrès fulgurants, les vins et autres boissons sans alcool devraient se bonifier avec l'âge.
La Sobrerie
Rue des Escaliers du Marché 2, Lausanne