Et si, cette année, vous oubliiez un peu l'ennuyeux et commercial Halloween et ses bonbons dégoûtants au profit du dia de los muertos, la Fête des morts mexicaine?
Contrairement à ce que beaucoup peuvent penser, cette fête n'est pas un Halloween mexicain. Les dates ne sont d'ailleurs pas les mêmes: dernier jour d'octobre pour Halloween, 2 novembre pour la Fête des morts. C'est une fête bien plus ancienne (et bien moins commerciale), riche de sens et de spiritualité. Et de nourriture, qui occupe une place prépondérante dans la culture mexicaine.
Pour la faire découvrir à la population lausannoise, l'association Le Supermarket organise un événement gratuit, le Mercado Santo, les 1ᵉʳ et 2 novembre à l'espace Sev52. L'occasion de flâner au marché de créateurs, d'écouter un concert de musique précolombienne par l'artiste Dan Vera, de se faire un incontournable maquillage de calavera, et bien sûr de se restaurer, avec de bonnes spécialités mexicaines. J'ai discuté avec Ludovic Magnin, co-organisateur de cette première édition et fin connaisseur du Mexique.
Dans les villes et villages du Mexique, les personnes qui participent à cette fête se maquillent et se déguisent, organisent des défilés et des fêtes, chantent et dansent et parent les villes de fleurs, souvent des cempasúchil aux pétales orange. «La fête des morts est l'une des fêtes les plus importantes de l'année pour les Mexicains, explique-t-il. Chaque 1er et 2 novembre, c'est le moment où les esprits des défunts (adultes, enfants, mais aussi animaux domestiques) reviennent voir leur famille. Pour les accueillir, les Mexicains leur préparent des offrandes qui peuvent être de petits objets ou de la nourriture, des boissons, etc.»
Il sera possible de déguster des spécialités mexicaines lors de l'événement, notamment les célèbres tacos et tortas (de généreux sandwichs emblématiques de la street food mexicaine) préparés à la minute par le chef Andrés Balzaretti, le tout arrosé de bières, softs et cafés locaux.
Mais ce ne sont pas les seules denrées de la gastronomie mexicaine, inscrite au patrimoine immatériel de l'Humanité par l'Unesco. À l'occasion de la Fête des morts, voici 5 plats qu'on prépare pour les vivants et les trépassés.
Les tamales
Sans doute l'un des plus anciens mets de la cuisine mexicaine préhispanique, les tamales (prononcez «tamalès») sont une famille de plats en papillotes faites avec des feuilles de maïs, et cuites à la vapeur. Les feuilles ne se mangent pas, mais apportent une saveur particulière à ces plats bon marché et faciles à emporter avec soi, très populaires au Mexique.
À l'intérieur, on trouve toujours une farce à base de pâte de maïs (la masa), puis des garnitures: viande braisée aux épices (généralement du porc ou du poulet), parfois avec des légumes ou du fromage. On trouve aussi des tamales aux fruits, pour une version sucrée. La cuisson à l'étouffée développe bien les saveurs, et ça se sent lorsqu'on retire la première feuille de maïs!
L'un des tamales les plus courants est le tamal de mole, farci de poulet effiloché et d'un mole (une sauce épaisse) de couleur sombre au chocolat, piments et épices.
Le pan de muerto
Comme leur nom l'indique, on trouve ces petits «pains des morts» partout… lors de la Fête des morts. Ce sont de petites boules de pain sucré, assez semblables à des brioches, surmontées d'une plus petite boule et de deux lignes croisées et saupoudrées de sucre. Ces pains sont censés représenter des crânes (les lignes étant les os). On en mange durant les semaines qui précèdent la Fête des morts, en prenant soin d'en laisser sur les autels pour régaler les esprits des proches défunts.
Ce qui leur donne leur saveur particulière? La combinaison de parfums orangés (zeste d'orange, fleur d'oranger) et de graines d'anis. On les associe volontiers avec du chocolat chaud mexicain (le xocolatl, une variante plus amère et épicée). L'origine de ces pains reste débattue. Ils pourraient être un reliquat des pratiques cannibales rituelles des Aztèques.
Les calaveritas de azúcar
Sans doute le plat le plus populaire de la Fête des morts, ces petits crânes, ou calaveritas, peuvent être préparées en sucre ou en pâte à sucre. Pour les fabriquer, on mélange le sucre à de l'eau et de la meringue moulue pour former une pâte malléable, façonnée en forme de crâne. On les mange, mais on s'en sert aussi pour décorer les autels, en ajoutant parfois des éléments non comestibles (paillettes, perles…) ainsi que le nom du défunt à qui on l'offre.
On les appelle aussi parfois dulce de alfeñique lorsqu'ils sont fabriqués à partir de pâte à sucre de canne, bouillie jusqu'à obtenir une consistance malléable, avant d'être moulés dans la forme désirée: crânes, mais aussi animaux ou fleurs sont couramment utilisés. Pour ajouter du contraste et des couleurs chatoyantes, on les décore toujours avec un glaçage en sucre.
Le mole
Le mole (prononcer «molé») est un plat, souvent de poulet ou de dinde, en sauce épaisse à base de chocolat, piment et épices, longuement mijotée. Il en existe plusieurs versions, les plus connues étant le mole poblano de l'état de Puebla, et le mole negro (noir) de l'état de Oaxaca.
Les couleurs sont variables selon les ingrédients utilisés, mais les mole de couleur sombre sont les plus courants. Cette coloration est souvent due à la présence de chocolat, de piments sombres (pasillas, guajillo) ou encore de feuilles d'avocatiers.
Calabaza en tacha
Ce potiron confit remonte également à l'époque préhispanique. Des quartiers sont prélevés, pelés et bouillis avec des épices (cannelle, clous de girofle, sucre de canne brut) dans un ustensile appelé «tacha», d'où le nom. Le potiron en ressort sucré, moelleux et bien caramélisé. La saveur rappelle celle de la patate douce confite, qu'on sert traditionnellement à Thanksgiving aux États-Unis.
Typique de la Fête des morts, ce plat se consomme en fait tout au long de l'automne, aussi bien en dessert, en snack ou au petit-déjeuner, parfois avec une boule de glace.