C'est une bien mauvaise nouvelle. Enfin, peut-être pas pour ceux qui surexpriment le gène qui donne un goût de savon à la coriandre. L'herbe aromatique a vu ses prix multipliés par 10 au Mexique en raison des conditions climatiques. De quoi peser sur les tacos, plat emblématique du pays.
Les touristes qui se régalent de ce monument de la street food ne le remarquent probablement pas, mais le dessus de leurs tacos est beaucoup moins vert depuis quelques mois. La raison? Les taqueros parsèment leurs préparations avec beaucoup moins de coriandre hachée qu'à l'accoutumée.
Depuis le début de l'année, la sécheresse et les températures élevées ont fait exploser les prix de la coriandre, l'herbe star qui coiffe les tacos et de nombreux autres plats mexicains. De 150 pesos (7.50 CHF) habituellement demandés pour 5 kilos, la coriandre se monnaie désormais 300 pesos pour un seul kilo! En quelques mois, «elle est devenue un produit de luxe qui pèse sur le budget des entreprises», du petit stand de rue aux grands restaurants, écrit le site Eater dans un article sur le sujet.
On ne peut pas remplacer la coriandre
N'allez pas croire qu'on remplace facilement la coriandre. L'absence de la cilantro, comme l'appellent les Mexicains, menace l'identité du taco mexicain. Ce plat, une petite galette de farine de maïs garnie de viande grillée, d'oignons et de coriandre, est l'emblème de la scène gourmande du Mexique, dont la gastronomie est inscrite au patrimoine immatériel de l'Unesco depuis 2010.
A Mexico City, on mange des tacos dans la rue, partout, à toute heure du jour et de la nuit. Pour les Mexicains, un taco sans coriandre, c'est comme une fondue sans fromage: impensable. «Les gens veulent des tacos qui ont du goût, et le goût, c'est la coriandre», confie à Eater Alan García, taquero à Kekas Paco, une taqueria de la ville.
Les raisons de la pénurie de coriandre
Les responsables sont à chercher du côté du ciel. Il n'a presque pas plu depuis mi-mai, début de la saison des pluies, et moment de l'année durant lequel les agriculteurs lancent leurs semailles. Ce type de sécheresse survient depuis plusieurs années consécutives.
A cela s'ajoutent des vagues de chaleur inhabituelles. Depuis octobre 2023, les records de températures s'enchaînent chaque mois. Et la coriandre, comparée au persil ou à d'autres herbes, supporte moins bien le chaud. Résultat de tous ces aléas: les récoltes sont catastrophiques cette année.
La température n'est toutefois pas la seule raison expliquant cette pénurie: elle est aussi le résultat de politiques agricoles discutables. Eater cite en exemple le fait que bon nombre de petits producteurs cultivant moins de 5 hectares ne bénéficient pas ou peu de subventions liées à l'irrigation (dont profitent plus largement les grands producteurs), et s'en remettent donc aux seules précipitations pour arroser leurs cultures. En conséquence, ils sont les premiers à subir les sécheresses, quand bien même ils assurent 39% de la production des denrées alimentaires mexicaines.
Depuis fin juin, la pluie est revenue. Mais bien des cultures, dont la coriandre, ont du mal à s'adapter aux soudains déluges d'eau sur une terre desséchée. Si bien que les récoltes sont modestes, et les restaurants restent prudents avec les quantités allouées.
Reste enfin que les Mexicains ont une histoire particulière avec les sécheresses. Depuis des millénaires, les Mayas et les autres peuples mésoaméricains ont toujours dû faire face aux sécheresses, rappelle Eater.