Lorsqu'on opte pour un «déca» au lieu d'un vrai café, c'est souvent par souci pour sa santé, ou tout du moins pour éviter toute excitation provoquée par la caféine présente dans les grains. Mais le remède pourrait être plus néfaste que le mal: certaines méthodes de production du décaféiné reposent sur des molécules cancérigènes dans le collimateur des associations de consommateurs. Aux États-Unis, plusieurs d'entre elles ont récemment exigé l'interdiction du dichlorométhane, un solvant fréquemment utilisé pour extraire la caféine.
Le café contient de la caféine, comme chacun le sait. Selon la méthode de préparation du café (expresso, filtre, etc.) on trouve de 30 à 180 milligrammes de caféine dans une tasse d'une vingtaine de centilitres. Cette molécule stimulante n'est cependant pas du goût d'un nombre croissant de consommateurs qui se tournent vers les cafés décaféinés. Sur ce point, toutes les méthodes de fabrication ne se valent pas.
Des solvants toxiques
Parfois appelé «méthode européenne», le procédé le plus répandu (et le moins onéreux) repose sur des solvants chimiques. Les grains sont soumis à un bain de vapeur pour ouvrir leurs pores, puis sont trempés à plusieurs reprises dans un solvant chimique (généralement du chlorure de méthylène, aussi appelé dichlorométhane, ou de l'acétate d'éthyle) qui se lie à la caféine et l'extrait des grains. Ces derniers reprennent ensuite un bain de vapeur afin d'éliminer tout résidu de solvant.
Si on les rince à la vapeur, c'est parce que les solvants sont généralement toxiques. Il a beau être dit «naturel» en raison de sa présence dans les bananes ou la canne à sucre, l'acétate d'éthyle n'en est pas moins suspecté d'engendrer des effets néfastes sur la reproduction humaine. Quant au dichlorométhane, il est classé cancérigène «probable» par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).
L'Europe (et la Suisse) ont pratiquement interdit le dichlorométhane dans les décapants pour peintures et autres applications (dissolvants pour vernis à ongles…) depuis 2009. Mais puisqu'il est censé être éliminé lors de l'extraction de la caféine, celui-ci reste autorisé pour le café. Seules quelques traces résiduelles sont admises, en principe sans présenter de risque particulier pour la santé. En Europe, le seuil est fixé à 2 parties par millions (mg/kg) dans le café torréfié.
Pour certains, une telle méfiance est infondée. «Ce procédé présente, au contraire, plusieurs aspects positifs par rapport aux autres systèmes de décaféination puisqu'il élimine les paraffines, irritantes pour la muqueuse gastrique, l'ochratoxine A, un mycosique cancérigène, ainsi que certains arômes négatifs», défend l'entreprise spécialisée Demus à Trieste, en Italie.
Des méthodes alternatives existent
Comme souvent, c'est la dose qui fait le poison. Dans le cadre d'une consommation raisonnable, un tel seuil limite fortement les risques pour la santé. Ce qui peut tout de même inquiéter, c'est que les consommateurs qui se tournent en général vers le déca sont souvent déjà vulnérables et le font pour des raisons de santé. C'est le cas de nombreuses femmes enceintes ou des personnes souffrant de maladies cardiovasculaires. Celles-ci auraient tout intérêt à chercher des alternatives. Et il en existe: des fabricants se sont déjà tournés vers d'autres méthodes.
Parmi les plus récemment développés, l'extraction au CO2 liquide ressemble au procédé avec solvants chimiques, remplacés par du dioxyde de carbone liquéfié sous une forte pression de 250 bars. Une autre méthode repose sur l'eau. Parfois appelée «méthode à l'eau suisse», elle est, comme tout ce qui touche à la Suisse, la plus chère. Celle-ci consiste à extraire naturellement la caféine, sans aucun solvant, au fil d'un procédé complexe d'extraction et filtration au charbon actif pour séparer la caféine des composés aromatiques extraits en même temps.
Rarement indiqué sur les paquets
Ces deux procédés offrent l'avantage d'être beaucoup plus saines, plus respectueuses de l'environnement, et de moins dénaturer les saveurs du café. Mais rien n'oblige les fabricants à le préciser sur les paquets. Exemple, sur Migipedia, site d'information sur les produits vendus par Migros, par ailleurs propriétaire, un internaute se plaint sur la page du déca Exquisito vendu par le géant orange: «Pourquoi le procédé de décaféination n'est-il pas communiqué de manière transparente?!». Ce à quoi un porte-parole répond que ce café est bien décaféiné au dichlorométhane. Peu de clients le sauront…
Les méthodes saines étant aussi plus chères, les fabricants en font généralement la publicité. Sur son site, Nespresso affirme ainsi fabriquer son déca par extraction à l'eau ou au CO2, et pas à l'aide de solvants chimiques. Même chose chez la Semeuse qui assure que son café «est décaféiné par un procédé physique sans utilisation d’aucun solvant chimique (acétate de méthyle ou dichlorométhane)». D'autres affichent parfois un logo, tel que le Swiss Water, assurant une méthode d'extraction à l'eau. Comme souvent, il faut privilégier les cafés pour lesquels le fabricant est transparent sur la culture et la préparation.