«Le vin est un produit naturel qui subit des fermentations et différents processus biologiques au cours de son élaboration et de sa maturation. Automatiquement, de nombreuses déviations organoleptiques sont possibles (ndlr: c’est-à-dire que de nombreux facteurs peuvent donner un mauvais goût au vin)», résume l’œnologue Daniel Dufaux, chef des opérations du groupe Schenk.
Parmi ces désagréments, le goût de bouchon est sans doute le plus fréquent et, assurément, le plus reconnaissable. Au nez pour commencer: il se dégage une odeur de moisi, comme celle d’une cave humide ou d’un carton mouillé. En bouche, pas de doute non plus: un goût désagréable masque d’emblée les arômes du vin. Le verre passe de main en main, chacun le renifle et en prélève une gorgée. Les timides, les trop polis et ceux qui ont le nez bouché se taisent, mais le verdict est sans appel: zut, le vin est bouchonné!
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Mais d'où vient ce goût?
Pourtant, à la base, le liège dont on fait les bouchons est inodore. «En réalité, ça ne sent pas le liège, mais la moisissure. D’ailleurs, c’est parfaitement logique, car le goût de bouchon est lié à la présence de champignons microscopiques qui ont été emprisonnés dans l’écorce du chêne-liège pendant sa croissance», explique l’œnologue. Plus précisément, l’origine exacte du goût de bouchon a été identifiée au début des années 1980 par Hans Tanner, un chercheur suisse. Et c’est la faute au 2,4,6-trichloroanisole, ou TCA. Sa formule chimique est C6H2-Cl3-O-CH3 et, pour faire (très) simple, il s’agit d’une molécule dérivée du chlore.
Dans la plupart des cas, le TCA contenu dans le vin provient effectivement du bouchon. Il est synthétisé sous l’action des moisissures qu’il contient, à partir du chlore présent dans l’air ou provenant d’un traitement phytosanitaire du chêne-liège, des produits utilisés pour laver les bouchons lors de leur fabrication ou encore de ceux utilisés pour désinfecter les cuves et les locaux du vigneron.
Reste qu’aujourd’hui, on n’est pas capable de dire au moment de la mise en bouteille s’il y aura ou non présence de moisissures et développement de TCA. «Il faut tout de même savoir que la contamination ne concerne qu’un tout petit pourcentage de la production de vin. Mais c’est toujours très fâcheux quand plusieurs bouteilles bouchonnées arrivent chez un même client», ajoute Daniel Dufaux. Heureusement, le goût de bouchon ne présente aucun risque pour la santé. Il est de toute façon si désagréable qu’un vin vraiment bouchonné finira le plus souvent dans l’évier plutôt que dans notre gosier.
On n’a toujours pas fait mieux que le liège
Pas de chance, la bouteille que vous venez d’ouvrir a le goût de bouchon. Est-ce rattrapable? «Il n’est pas impossible qu’un très léger goût de bouchon disparaisse au bout de quelques minutes en s’éventant. Mais en général, il persiste», répond-il. Il précise aussi que plus le vin est puissant, plus on a de chances de passer à côté de ce désagrément: «Vous sentirez moins le goût de bouchon dans un vin d’Espagne à 16% Vol. très foncé et très tannique que dans un chasselas fin et délicat. C’est d’ailleurs pourquoi on parle plus souvent de goût de bouchon dans les vins plus discrets des régions du Nord, dans lesquels la moindre contamination sera perceptible.»
Une question vous taraude sans doute encore: pourquoi continue-t-on d’utiliser des bouchons en liège? En effet, pas de liège, pas de moisissure. Pas de moisissure, pas de TCA. Pas de TCA, pas de goût de bouchon! «Le liège est une matière extraordinaire qui laisse passer ce qu’il faut d’oxygène pour un vieillissement optimal du vin, tout en étant parfaitement étanche afin de ne pas laisser sortir le liquide», affirme Daniel Dufaux.
Il existe toutefois des alternatives, notamment les obturateurs à base de liège recomposé. «Il est alors facile d’analyser les éléments broyés pour révéler l’éventuelle présence de moisissures. Mais les propriétés ne sont pas aussi bonnes que celles d’un bouchon classique.» Idem pour les bouchons en matière synthétique comme le silicone. «On n’a pas encore fait mieux que le liège pour assurer une bonne maturation du vin», conclut-il. Et tant pis si le prix à payer est parfois la déception de devoir jeter une bouteille. A défaut de nous régaler, un vin bouchonné alimentera au moins le débat à table entre les «beurk, il sent vraiment le bouchon!» et les «bof, ça passe, non?». Santé!