A Lausanne, le barycentre de l'échiquier gastronomique italien va glisser vers le nord. De mémoire, les bons restos italiens sont orientés plein sud (Calabre chez Amici ou au Saint-Paul, Sicile chez Fratel, Pouilles à La Poesia, et un peu de tout ça à L'Accademia).
Avec Aux Sapeurs Pompiers, nouvelle adresse située tout près de la place de la Riponne, la cuisine tourne le dos au soleil et met le cap vers l'Émilie-Romagne. Tant mieux pour nous: on sera plus vite arrivés.
Manger comme chez Mémé
Ici, on met l'accent sur les recettes des provinces de Parme et de Crémone, deux régions aux influences culinaires à cheval sur la Lombardie et l'Émilie-Romagne.
C'est de là que vient le chef de cuisine, Luca Bussolatti (30 ans), associé dans cette affaire au gérant Giovanni Zata (28 ans). Les deux compères se sont rencontrés à L'Accademia, le restaurant italien du Beau-Rivage Palace. Pour l'anecdote, un incendie provoqué par un dégât des eaux s'est déclaré le soir de l'inauguration, amenant les pompiers à intervenir. L'endroit n'a donc pas volé son nom!
Il occupe les locaux autrefois utilisés par le Sol & Mar, un restaurant espagnol fourre-tout servant aussi bien des tapas que… des fondues. Et encore avant cela, il y avait un café-restaurant, Aux Sapeurs Pompiers, apparemment réputé pour ses pieds de porc au madère et dont le nom et la façade ont été conservés.
La salle est petite (une vingtaine de couverts), mais confortablement équipée, calme et lumineuse. Elle invite à s'y asseoir, du moins si l'on fait abstraction du bric-à-brac décoratif qui mêle des bidules italiens à des gadgets sortis d'un pub. «On voulait un local humble et modeste qui collait bien avec des plats traditionnels, classiques, comme si on allait manger chez sa grand-mère», m'explique Giovanni Zata. La carte propose huit plats (4 assiettes de pâtes fraîches, et 4 recettes de viande ou poisson), plus un plat du jour.
On a opté pour une petite bière blonde lombarde, la Poretti (3,80 francs) ainsi qu'une planchette à partager en entrée. A 40 francs pour deux personnes, c'est pas franchement donné, mais soit. Et au moins, c'est cohérent.
On y trouve en effet du délicieux jambon de Parme généreusement servi, qui fond dans la bouche, du parmesan 27 mois d'affinage coupé en gros morceaux, du gorgonzola et une espèce de grosse frite de polenta bien appétissante, quoique timidement assaisonnée – sans doute en raison des accompagnements bien salés, eux.
Il y a également une petite coupelle de compote de poires et cannelle qui accompagne à merveille tout cela, surtout le gorgonzola, et quelques tranches de pain maison.
On enchaîne avec des tagliatelles fraîches al ragù (28 francs), un plat qu'on aimerait voir un peu plus souvent à la carte à Lausanne. On a droit à une portion respectable, avec une belle sauce bolognaise, un ragù préparé avec trois viandes (bœuf, porc et veau).
La consistance est veloutée, presque sirupeuse, et trahit une longue cuisson. Elle enrobe parfaitement les tagliatelles. Les saveurs sont très puissantes, très tanniques, le sel fort présent, mais l'assiette parvient à rester très gourmande, très généreuse: si on se dit que c'est très comfort food, c'est qu'on est en face d'une bonne bolognaise, non?
En face, on déguste des marubinis (30 francs), sortes de petits raviolis originaires de la région de Crémone, province voisine de Parme. Farcis avec de la viande, ils barbotent dans un bouillon de parmesan légèrement laiteux qui a laissé mon convive sur sa faim, déplorant «un petit manque de gourmandise». À noter que les mozzarellas, burratas et ricottas servis dans le restaurant sont fournies par Mozza'fiato, entreprise qui les fabrique avec des matières premières vaudoises.
A côté de ces deux propositions, on pouvait s'essayer, entre autres, à une classique entrecôte et ses pommes de terre au four (44 francs), à un filet de lapin et son jus au chocolat (36 francs) ou à de l'omble chevalier, crème de chou-fleur et épinards (34 francs).
Du côté des boissons, la carte propose des vins en grande majorité italiens, du primitivo au prosecco, ainsi que quelques cocktails dont plusieurs déclinaisons de gin tonic (15 ou 16 francs).
Il ne fait aucun doute que Aux Sapeurs Pompiers va se bonifier une fois ses repères acquis. Elle devrait constituer une sympathique adresse transalpine où déguster une cuisine simple, une cuisine de produits, et un endroit idéal où déjeuner au calme dans le tumulte du centre-ville lausannois.
Aux Sapeurs Pompiers
Rue Neuve 9, Lausanne