Il arrive que des paroles fortes se traduisent en images dévastatrices. Tel est le cas en République démocratie du Congo, où la guerre qui fait rage dans le nord du Kivu est le reflet direct de l’insistance actuelle de Donald Trump sur l’importance des terres rares pour les Etats-Unis.
Soyons clairs: Trump n’est pas responsable de la guerre qui, depuis plus de dix ans, oppose dans cette très riche région congolaise, dont le sol regorge de minerai, l’armée de Kinshasa aux rebelles du Mouvement du 23 mars, le M. 23. Mais ce qu’il dit aujourd’hui à la Maison Blanche donne une idée des risques que cette course aux terres rares fait courir à de nombreuses populations et aux organisations humanitaires venues les assister. La preuve funeste vient d’en être apportée par la mort, dans une attaque sur leur convoi, de trois volontaires de l’Entraide Protestante Suisse.
La guerre du Kivu, et la prise ces derniers jours de Goma par le M23, encadré et armé par le Rwanda voisin, est une illustration parfaite de ce que Donald Trump affirme à propos du lointain Groënland, qu’il convoite ouvertement. Notre avenir, celui de nos téléphones portables, de nos équipements électroniques quotidiens, de notre économie numérique et de l’intelligence artificielle sur laquelle nous allons de plus en plus nous reposer, dépend de ces minerais comme le Lithium, le Coltan, le Scandium, le Promethium etc…
Intérêt stratégique
Disposer de mines et de réserves est donc d’un intérêt stratégique majeur pour les puissances mondiales ou régionales. Paul Kagame, l’influent président Rwandais, allié privilégié des Etats-Unis et d’Israël dans l’est de l’Afrique, en a depuis longtemps tiré les conséquences. L’est de la République démocratique du Congo est de facto «sa» colonie. Et les minerais qui en sortent sont l’une des mannes financières de ce «modèle rwandais» si souvent présenté comme la réussite à suivre pour les pays de la région.
Est-ce une préfiguration du monde qui se prépare sous nos yeux? Avec d’un côté des pays aux frontières intenables, héritées de la colonisation ou des convulsions de l’histoire (on pense au Groënland, à l’Ukraine convoitée par la Russie, aux pays d’Asie centrale…). Et de l’autre des puissances prédatrices et voraces qui, soit directement – comme le fait Donald Trump – soit par l’intermédiaire de complices locaux, s’arrogent le contrôle des ressources indispensables à leur industrie.
Recolonisation du monde
Cette recolonisation du monde, en fonction des ressources du sous-sol, s’annonce impitoyable si rien n’est fait pour la réguler. Les jeux économiques sont tels, de l’économie numérique à la conquête spatiale, que les populations civiles prises dans cet étau se retrouvent exposées au pire, sans aucune protection. Plus grave: la fermeture décidée par Trump de l’USAid, l’agence humanitaire américaine, et sa volonté de prendre des sanctions contre la Cour Pénale Internationale (qui a inculpé plusieurs chefs de milices opérant au Congo) ouvre la voie à cette transformation du monde en une jungle où la loi du plus fort reprend le dessus. Avec pour seul objectif la domination technologique et industrielle.
Les humanitaires exposés au pire dans ces zones, et les ONG qui continuent d’y représenter la dernière parcelle d’humanité, se retrouvent tragiquement dans le collimateur. Les collaborateurs de l’Entraide Protestante Suisse tués au Kivu sont la preuve que le cynisme absolu des Etats, et leur volonté d’acquérir le plus possible de ressources, demeurent des fléaux dont nous devons mesurer les conséquences.
Le fait de mourir pour les terres rares dans le nord-est du Congo n’est pas un drame humanitaire, mais la conséquence de notre course effrénée aux ressources possédées par d’autres, plus faibles et plus vulnérables.