Sortez les bérets basques, les tire-bouchons, et puis enlevez un cran de votre ceinture: les bons vivants de Gueuleton ont débarqué à Genève. Ouverte depuis le 1er novembre, la vingtième adresse (et toute première à l'étranger) de l'entreprise française dresse la table avec une cuisine canaille gourmande (mais gastronomique), sérieuse (mais détendue), calorique (mais c'est pas grave). Le resto des bâfreurs en tout genre tient-il ses promesses? Pour Blick, c'est un grand oui, et puis tiens, remets-nous la petite sœur!
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Si Gueuleton ne vous dit rien, un rapide rappel s'impose. Le concept est né de la rencontre d'Arthur Edange et Vincent Bernard-Comparat, deux copains d'études bordelais du genre épicuriens. Après avoir fondé un site de vente de produits du terroir en 2011, un embryon de Gueuleton (un simple bar à vin, charcuterie et fromages) voit le jour à Agen deux ans plus tard.
La fusée décolle grâce à Youtube: leur chaîne «Gueuleton des bons vivants» cumule aujourd'hui des millions de vues et plus de 200'000 abonnés. Avec, au programme, des pérégrinations à la découverte des produits les plus gourmands de chaque région de France - et même en Suisse.
Aujourd'hui, la petite entreprise est à la tête de 20 restaurants, vend des braseros, des tournebroches, édite un magazine, élève des porcs gascons, distille du gin… et célèbre la bonne grosse bouffe sous son leitmotiv «un esprit sain dans un porcin».
Ça écluse vite, ça parle fort, ça mange trop
Sise à Carouge, l'enseigne suisse reprend les codes de l'univers des deux loustics: une salle d'une quarantaine de couverts, à la déco chaleureuse avec beaucoup de bois, des tables jusqu'au comptoir, de la pierre et du métal. C'est rustique, mais c'est chic, et convivial, surtout si vous réservez la «table des copains» pour 8 à 10 goinfres.
Vous ne serez pas dépaysé si vous avez déjà fait bombance dans un Gueuleton français. Mais «il s'agit d'une affiliation, et non d'une franchise», précise le gérant Rémy Brogniart. Autrement dit, pas de carte ni de plat imposé: «chaque resto doit se fournir avec les produits de son terroir». De fait, on ne mange pas la même chose à Lille ou à Genève, mais les lieux savent rester fidèles à l'esprit des deux copains aux bérets.
Ça écluse vite et bien, ça parle fort, ça oublie les calories. Et les femmes, aussi, un peu, avec une clientèle tout de même largement masculine.
Ici, c'est le royaume de la cuisine canaille, un genre popularisé par le chef lyonnais Joseph Viola. Du pâté en croûte aux sauces et bouillons, toute la canaillerie est fait maison ou presque, avec des produits les plus locaux possibles, de préférence dénichés dans un rayon de 100 kilomètres.
«Le concept, c'est le produit avant tout», ajoute Anthony Amoyel en inspectant un cageot de chanterelles grises tout juste cueillies. Originaire de la région de Pau, ce jeune chef à l'accent ensoleillé est auparavant passé par l'Auberge du Père Bise à Talloires (deux étoiles Michelin), et au Beau-Rivage à Genève (Le chat botté, une étoile), sous la houlette de Dominique Gauthier. Un bien joli pedigree.
Une cuisine de partage, des portions gargantuesques
La philosophie de Gueuleton, c'est «la cuisine de partage». Côte de bœuf, pâté en croûte, reblochon rôti…les plats sont copieux, pour ne pas dire gargantuesques, et arrivent au fur et mesure dans des casseroles et des marmites, et non dans les assiettes.
Le repas prend tout de suite des proportions titanesques. Oubliez les portions parfois rikiki de certains gastros: ici, on est plutôt comme chez Mannekenpix dans «Les douze travaux d'Astérix». Les agapes s'éternisent, on commande, et on recommande encore, même si c'est peu recommandable. Il n'y a d'ailleurs qu'un seul service: on prend son temps. «On ne presse personne, ici on vient pour se faire plaisir, assure Rémy Brogniart. Certains clients terminent leur pause déjeuner à l'heure du goûter, glisse-t-il.
Allez, on s'assoit, et c'est parti pour le pâté en croûte du chef (17 francs), servi en une tranche hyper généreuse. La croûte est bien feuilletée, la gelée fondante: c'est oui, on a envie de se resservir, mais on s'en prive, car il y a du sérieux qui attend.
Si vous pensiez passer au plat de résistance, c'est raté, car il y a avant cela un excellent os à moelle (enfin deux, pour 25 francs) sans doute débités sur une carcasse de brontosaure et servis avec les petits toasts de rigueur et quelques abats avec des pickles, pour ne rien gâcher. On regrette de ne pas goûter le cromesquis de tête de cochon ou les traditionnels poireaux vinaigrette, mais à ce stade, on s'en fout un peu, on se dit déjà qu'on reviendra.
Une fois ces hors-d'œuvre validés, on lorgne le coffre de canette des Dombes (62 francs à partager), puis le reblochon fermier rôti (39 francs, à manger comme un Mont-d'or). On hésite, pour finir par se laisser tenter par une côte de bœuf Angus (172 francs le kilo). Cuite dans un four Josper, elle présente de belles marques de grill et de puissantes notes charbonnées. La cuisson est impeccable, et les patates servies en quantités ridiculement élevées. C'est l'opulence, il ne manque plus que nos pantoufles et on serait vraiment chez mémé.
On ajoute à cela un obligatoire «embeurré de pommes de terre» - comprenez une purée avec autant de patates que de beurre, un plat complètement addictif qui sera probablement interdit par les Conventions de Genève. Une belle carte des vins, forte de quelque 200 références, est là pour faire passer tout ça avec les très bons conseils du sommelier.
Avec cette première adresse suisse, les bons vivants de Gueuleton réussissent haut-la-main leur incursion en dehors de l'Hexagone. En proposant une authentique cuisine canaille qui célèbre les terroirs savoyard et genevois, ce Gueuleton convainc totalement, une adresse de choix qui jamais ne tombe dans les travers des restaurants franchisés: vous savez ce qu'il vous reste à faire, les bons vivants!
Gueuleton Genève
Rue de la Filature 13, Carouge