Une majorité d’employeurs semblent tourner le dos au modèle du télétravail intégral. Assimilé à une situation de crise et posant parfois des problèmes de communication, voire de productivité, le modèle de l’employé à distance s’est attiré quelques critiques.
Pourtant, le principe du «bureau à domicile» (ou «home office») est loin d’avoir disparu. Confrontées aux problèmes de recrutement ainsi qu’à une demande croissante de la population active pour plus de flexibilité, les entreprises qui le peuvent favorisent désormais un modèle hybride et flexible qui associe travail à domicile et en présentiel.
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En mars 2021, alors que la pandémie faisait rage et que le télétravail était obligatoire lorsqu'il était possible, le cabinet de conseil Deloitte avait révélé que la majorité des employés désiraient «retourner au bureau, mais pas systématiquement». Pour certains, le vœu semble avoir été exaucé. Même les emplois dont la nature ne permet pas de travailler à domicile, comme les métiers «d’extérieur», n’échappent pas à l’assouplissement de l’organisation du travail.
Travail hybride et bureaux flexibles
Au Lignon, les Services industriels de Genève (SIG) font figure d’avant-gardistes en la matière. Déjà bien avant la crise sanitaire, entre 2011 et 2018, l’entreprise avait décidé de repenser la façon de travailler de ses collaborateurs. Fini les bureaux attitrés et le travail entièrement en présentiel, l’entreprise propose des bureaux itinérants et des horaires flexibles. Tout le monde est logé à la même enseigne: mêmes les cadres supérieurs ne disposent plus de bureau personnel. «Dans un premier temps, les membres du personnel ont eu le choix d’adhérer ou non au nouveau système», explique Robert Monin, directeur des relations humaines à SIG.
En plus de réorganiser les bureaux pour faciliter les rencontres et estomper les marqueurs hiérarchiques, la démarche a aussi poussé près de deux tiers des employés (soit près de 1’000 personnes) vers le travail hybride. Cette flexibilité accrue a fait de nombreux heureux, mais a également généré quelques frustrations.
«Certains ont eu un peu de mal à trouver leurs repères au sein du nouvel agencement des locaux. Nous avons donc décidé de garder les bureaux pour ces personnes-là, dans un premier temps. Par ailleurs, quelques-uns de nos cadres ont déploré que des collègues devenaient injoignables une fois en poste à domicile, alors que des employés ressentaient un manque de confiance de la part de leurs supérieurs. Il a alors fallu rappeler quelques normes à respecter durant le télétravail», précise le DRH.
Une solution consensuelle
Avec le recul, la mutation, certes très progressive, a été un succès: «Environ 20% du personnel se dit encore partiellement sceptique, mais seuls 5% souhaiteraient revenir à l’ancien système.» Les professions d’extérieur pourraient, elles aussi, être éligibles au télétravail et à fortiori à la flexibilisation des horaires. Selon une étude de l’Université de Saint-Gall, même le secteur de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche présente un potentiel de télétravail du fait des tâches administratives.
Du côté de SIG, on souhaite en effet proposer davantage de flexibilité aux emplois d’extérieur, ou ceux dont la nature même exige une présence. Pour le personnel travaillant sur les ouvrages ou sur les sites industriels, le télétravail n’est souvent pas possible. «Nous leur proposons une flexibilité non pas personnelle, mais de groupe. Cela leur permet d’aménager leur semaine de travail avec davantage de liberté. Nous en sommes encore aux phases pilotes, mais les premiers résultats sont encourageants», assure Robert Monin.
Mais si le télétravail et l’organisation libre des activités fonctionnent aussi bien, pourquoi exiger une présence au bureau deux à trois jours par semaine? «Il y a deux raisons principales. D’abord, la cohésion des équipes, et, ensuite le maintien des échanges informels qui ont une importance considérable dans le bon fonctionnement des équipes.» Au sein du personnel de SIG, les confinements sanitaires ont mis ce besoin en évidence. «On s’est vite aperçu que les rapports entre collègues manquaient de fluidité.»
Précurseur lors du lancement de son projet de flexibilisation de l’espace et du temps de travail au début des années 2010, l'établissement genevois est aujourd’hui loin d’être un cas isolé. De nombreuses entreprises, comme Nestlé à Vevey ou le Groupe Mutuel à Sion, s’organisent de façon semblable.
Pour d’autres, les espaces de coworking
Bien que plus rares, les entreprises qui choisissent tout simplement de se passer de locaux propres se multiplient en Suisse depuis plusieurs années. Loin de s’en remettre au travail à domicile, les employeurs s’installent dans des espaces de coworking dédiés, qui se comptent par dizaines en Suisse romande.
À travers cinq espaces répartis à Lausanne et en Valais, Gotham accueille par exemple des travailleurs itinérants, mais aussi des entreprises domiciliées sur son site. À Genève et à Neuchâtel, l’entreprise Voisins offre les mêmes services à travers ses cinq locaux. Mobilier, salles closes, imprimantes, et même cafétéria, tous les services sont inclus dans la location, dont le prix peut se négocier de plusieurs centaines à plusieurs milliers de francs par mois.
Stimuler les échanges entre les membres
Pour Julien Abegglen, responsable de la communauté et des activités à Impact Hub Genève, un espace de coworking associatif qui joue le rôle d'incubateur d'entreprises à vocation durable et inclusive, les sociétés établies au sein des espaces de coworking viennent avant tout chercher un cadre propice à la diversité et aux échanges.
«Réunir différents domaines de compétence sous le même toit donne lieu à des synergies constructives. Les entreprises s’épaulent notamment sur des aspects spécialisés comme la circularité, la finance ou l’informatique.» L’association dénombre environ 250 membres entre Genève et Lausanne, parmi lesquels des start-up, des associations à but non lucratif et des travailleurs indépendants.
«En plus des échanges et du réseautage, ces espaces permettent également aux personnes qui travaillent principalement à domicile de profiter d’un lieu spécialement dédié au travail ou aux réunions. Cela permet de réguler et de tracer une limite plus nette entre vie privée et vie professionnelle, et d’accéder à des locaux suffisamment grands et équipés pour organiser des événements.»
Déjà avant la pandémie, les espaces de coworking connaissaient un essor en Suisse romande. Mais chez Impact Hub, la crise sanitaire a bel et bien joué un rôle déterminant. «Depuis la deuxième vague en 2021, certaines entreprises se sont tournées vers nous par mesure d’économie. C’est notamment le cas de celles qui pratiquent un régime hybride avec un ou deux jours de travail en présentiel et pour qui disposer de locaux propres n’a donc plus beaucoup de sens», explique Julien Abegglen.
En collaboration avec Large Network