Un tiers des hommes et un quart des femmes continuent de travailler après l’âge de la retraite en Suisse, selon les plus récents chiffres publiés par la compagnie d’assurances Swiss Life dans son étude Vivre plus longtemps – travailler plus longtemps? Soit quelque 190'000 personnes, ce qui représente une hausse d’environ 75% par rapport à l’aube du millénaire.
Parmi les sondés, âgés de 55 à 70 ans, 49% envisageaient de continuer à travailler à la retraite ou le faisaient déjà. Les travailleurs indépendants, les agriculteurs, les personnes exerçant des professions libérales et les gérants d’entreprise sont les plus représentés, mais on trouve des seniors actifs à peu près dans tous les domaines puisqu’ils s’inscrivent dans plus de 400 des 660 types de professions répertoriés.
La retraite c'est un quart de l'existence
La tendance n'est pas près de ralentir: avec une espérance de vie qui s’allonge, la période de la retraite constitue aujourd'hui près d’un quart de l’existence. Mais surtout, les séniors sont en meilleure forme qu’avant: en 2018, on estimait qu’ils restaient en bonne santé en moyenne jusqu’à 65,8 ans, contre 63,5 ans en 2010, selon l’Office fédéral de la statistique (OFS). Avec l'arrivée de la génération des baby-boomers (nés entre 1945 et 1965 environ) au 3e âge, les retraités sont aussi plus nombreux qu'auparavant.
Un service d’accompagnement au retour à l’emploi s’adressant spécifiquement à cette catégorie de population a même été créé l’automne dernier: Activis, proposé par le groupe de placement Interiman, leader du recrutement et solutions RH en Suisse. Cette prestation permet de mettre en relation les retraités et les entreprises cherchant de la main-d’œuvre qualifiée.
«Depuis la création de notre plateforme, nous dénombrons 600 profils de seniors souhaitant retrouver un job, explique Frédérique Béguin, directrice des opérations. Nous comptons environ 70% d’hommes et 30% de femmes, de tous horizons professionnels: aide aux soins en EMS, ancien manager de PME, directeur en marketing, assistante administrative, professeur de langue, etc. La plupart des candidats se trouve au début de la retraite, âgés de 64 à 66 ans, mais certains ont jusqu’à 78 ans.»
Se sentir utile
De l’expérience d’Activis, les principales motivations à continuer à travailler sont l’envie de se sentir utile, de garder du lien social ou de transmettre ses connaissances. Les raisons financières sont, dans la plupart des cas, secondaires.
Mais ces intentions ne sont pas toujours évidentes à concrétiser. Selon Frédérique Béguin, un pourcentage très important des personnes retraitées restent actives dans leur ancienne entreprise, pour autant que le règlement interne le permette. Elles n’entrent donc pas dans les statistiques des demandeurs d’emploi retraités. En revanche, le fait de chercher un nouvel emploi à un âge avancé semble plus difficile à mettre en œuvre.
«Les retraités veulent généralement travailler à temps partiel, entre 20 et 50%, ou envisagent un 100% uniquement s’il s’agit d’un mandat à durée déterminée. Ils ne veulent pas non plus travailler de nuit, par exemple. Certains pensent qu’avec leur expérience, ils seront engagés très facilement. Mais du côté des employeurs, on craint qu'ils aient de la peine à s’intégrer ou à se former aux processus mis en place dans l’entreprise», précise-t-elle.
La spécialiste observe que le recrutement des seniors est encore frileux en Suisse romande, notamment dans l’arc lémanique où le marché de l’emploi est passablement tendu, alors qu'il est bien plus courant outre-Sarine. Plusieurs concurrents d’Activis y sont d'ailleurs déjà implantés.
De plus, parmi les travailleurs âgés, certains ont leur CV parfaitement à jour, alors que ceux qui sont restés longtemps dans la même entreprise connaissent moins les modalités de recrutement actuelles, ou n’ont presque jamais passé d’entretien d’embauche. Tout cela demande alors un solide travail de préparation.
Ajourner ses rentes
Continuer à travailler après l’âge de la retraite peut permettre une amélioration de sa situation financière si l’on effectue les bons choix. Pour cela, se faire conseiller sur ce qu’il convient de faire par rapport à sa situation personnelle est utile. Car il existe beaucoup de subtilités en matière de prévoyance.
Pour le 1er pilier par exemple, avant la votation de l’AVS 21 (réforme acceptée par la population en automne 2022 et entrée en vigueur le 1er janvier 2024), les personnes poursuivant leur activité lucrative au-delà de l’âge légal bénéficiaient d’une franchise de 1400 CHF par mois sur laquelle aucune cotisation AVS n’était prélevée. Cette franchise permettait d’alléger les charges AVS, qui n’apportaient aucune bonification de la rente AVS.
«Depuis le début de l’année, le contribuable a le choix d’appliquer ou non cette franchise, explique Paul Dao, cofondateur et directeur du développement commercial chez Planifique, un bureau genevois spécialisé dans la planification retraite. En renonçant à la franchise, le contribuable cotise sur l’entièreté de son revenu, ce qui lui permet d’améliorer sa rente existante.» La suppression de la franchise doit être demandée auprès de l’employeur au plus tard jusqu’au paiement du premier salaire après avoir atteint l’âge de référence.
Il est aussi possible d’ajourner sa rente AVS, si on ne ressent pas le besoin de la percevoir immédiatement. Cette démarche doit être réalisée au plus tard dans l’année qui suit l’accomplissement de l’âge de référence, au minimum pour 12 mois et au maximum pour 5 ans. L’ajournement permet de bénéficier d’un supplément de rente, se situant entre 5,2% (ajournement de 12 mois) et 31,5% (ajournement de 5 ans).
Le deuxième pilier offre également une flexibilité sur l’âge de départ en retraite, jusqu’à 70 ans. Cependant, des différences s’observent entre les caisses de prévoyance: certaines n'acceptent plus de cotisations au-delà de l’âge légal, d’autres oui. Certaines permettent d’ajourner la sortie des prestations de prévoyance et, ainsi, de bénéficier d’un taux de conversion plus avantageux.
«Nous conseillons en général à nos clients de poursuivre les cotisations épargnes, déductibles du revenu imposable, au-delà de l’âge légal de la retraite, si cela est permis par le règlement de prévoyance», explique Cédric Teppati, cofondateur et directeur technique chez Planifique. À savoir que les cotisations pour le risque ne sont en principe plus dues, tout comme les cotisations à l’assurance chômage. Point important: la majorité des caisses de pensions ne prennent pas de nouvelle affiliation au-delà de l’âge de référence.
Enfin, les cotisations et la déductibilité des cotisations sur un 3e pilier lié A sont possibles tant qu’une activité lucrative soumise à l’AVS est exercée. De ce fait, le contribuable peut épargner et bénéficier d’un avantage fiscal au-delà de l’âge de référence pour autant que cette condition soit remplie.