Dents parfaites, chirurgie esthétique, montres de luxe, il n’y a plus grand-chose que l’on ne puisse pas s’offrir à crédit aujourd’hui. A l’heure du luxe abordable, nombre de prestataires proposent aux clients de payer par mensualités, voire de contracter un (gros) prêt auprès d’eux.
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Mais gare aux risques du crédit facile lorsqu’on cède à des prestations de luxe au-dessus de nos moyens. En Suisse, environ une personne sur dix est surendettée, c’est-à-dire incapable de rembourser son dû dans les 3 ans, et le nombre de poursuites a doublé entre 1999 et 2019. Une raison de plus pour prendre l’endettement au sérieux. Aperçu des types d’offres et des risques liés.
Chirurgie esthétique à crédit
À l’heure des images Instagram sublimées par les retouches et des filtres bold glamour sur TikTok, qui ont fait des visages parfaits la norme, la chirurgie plastique devient plus tentante que jamais. Seul hic: elle est trop chère. Des prestataires offrent de rendre l’embellissement esthétique abordable pour les personnes qui ne pouvaient y accéder jusqu’ici.
L’offre typique est de pouvoir échelonner des soins à prix élevés sur plusieurs mois. À l’exemple d’un centre esthétique pour hommes situé près de la gare à Genève, qui permet d’échelonner les paiements pour les dépilations à lumière pulsée. Désormais, nombre de cliniques de chirurgie esthétique proposent aussi d’étaler le paiement de soins à plusieurs milliers ou dizaines de milliers de francs sur plusieurs mois.
L’une d’elles, située non loin de Champel, propose même des prêts allant jusqu'à 35’000 dollars pour des opérations esthétiques incluant la chirurgie mammaire et faciale et toute la palette de remodelages du corps et du visage. Le prêt est remboursable sous forme de paiements mensuels «abordables» à «taux d'intérêt compétitifs», voire à 0% de taux. Les taux ne sont généralement pas précisés par écrit, ni les conditions pour le 0%. Or une somme de 35'000 francs, si on l’échelonne en montants de 300 francs par mois, mettra 10 ans à être remboursée (sans les intérêts). S’engager pour 300 francs mensuels sur dix ans n’est pas sans risques. Un tel montant viendra s’ajouter au loyer, à la prime maladie, au bordereau d’impôts, à un éventuel leasing de voiture, à un possible 3ème pilier, à des remboursements de carte de crédit.
Assurer les paiements sur la décennie à venir exige une grande stabilité du côté des revenus sur la durée, et constitue une épée de Damoclès en cas de coup dur (séparation, perte d’emploi, maladie).
Soins dentaires à crédit
De même, avoir des dents blanches et parfaites a également un prix… qui peut être échelonné. Les publicités aux sourires immaculés se multiplient sur Instagram et TikTok, de la part des prestataires proposant des gouttières et des facettes en céramique. Ces dernières, en particulier, représentent un traitement coûteux qui revendique des prix de luxe, et qui n’est pas remboursé par les assurances. D’autant qu’il faudra les remplacer au bout de 10 ans, et que dans l’intervalle, elles peuvent se briser ou se décoller.
Reste alors l’endettement. Et cela tombe bien. Là aussi, des prestataires proposent des paiements mensuels échelonnés sur des années. Chez l’un d’eux, c’est même la mensualité qui est affichée plutôt que le prix plein. Des facettes à 5000 francs vont être proposées «à partir de 100 francs par mois». Pour l’internaute, une impression de prix bas se dégage: soudain, ce qui était à plusieurs milliers de francs semble à portée de mains. Surtout pour les 25-34 ans, qui sont le segment qui y recourt le plus. En réalité, 5000 francs remboursés à 100 francs par mois, c’est plus de 4 années de versements à hauteur de 1200 francs par an qui, pour ce public souvent jeune, peuvent mener au surendettement.
Montres de luxe à crédit
Le phénomène du luxe à crédit se retrouve aussi dans le secteur des montres. Il y a cinq ans, l’entreprise lausannoise Watchdreamer s’était lancée dans la vente de Rolex, Omega, Breguet et autres Jaeger-Le-Coultre en ligne. Sa particularité: l’option d’achat à crédit. Une promesse de faire accéder les personnes à revenus modestes à ces marques iconiques. Mais aussi une incitation à l’emprunt pour les financer, à partir de 3300 francs. Jusqu’à 48 mois de mensualités sont possibles..
Les taux d’intérêt, dans le cas des montres de luxe, atteignent entre 4% et 7%, soit comme les taux de leasing de voitures. Le client finit donc par payer plus que le prix initial. Le risque n’est pas élevé pour les acheteurs de montres qui peuvent se permettre un crédit. Mais il l’est pour les personnes plus précaires, qui sont salariées au moment de contracter le prêt, mais qui peuvent ensuite perdre leur emploi et se retrouver coincées par cette obligation financière. Or ce risque ne peut jamais être ramené à zéro.
Face à ces impayés potentiels, l'entreprise assure qu'elle proposera des facilités de remboursement pour aider les clients. Or les entreprises en général, qui ne se destinent pas à l’action sociale, mais à gagner de l’argent, finissent le plus souvent par recourir à des sociétés de recouvrement de dettes. Leur modèle d’affaires s’autorise de reporter dans le temps le paiement du client en plusieurs mensualités, à condition que celles-ci rentrent chaque mois.
Harcèlement des débiteurs
Signe des temps, face à la multiplication de ces offres alléchantes dans le secteur du luxe, à commencer par les cliniques et instituts de beauté, des agences de crédit se sont positionnées sur le créneau du prêt médical et de la chirurgie esthétique. Un organisme de prêt, Cashflex Multicredit, basé à Fribourg, propose de «financer votre chirurgie ou soin médical à crédit» en prêtant des sommes entre 3000 et 400'000 francs, remboursables entre 12 et 84 mois.
Mais les prêteurs, que ce soient les prestataires eux-mêmes ou les agences de crédit, mettent rarement l’accent sur ce qui se passe en cas de retard de paiement ou d’insolvabilité. Depuis quelques années, les entreprises hésitent de moins en moins à mandater des sociétés de recouvrement afin qu’elles récupèrent leur dû auprès des mauvais payeurs. Si un prestataire décide de lancer une telle procédure contre un client, la méthode peut s’avérer très agressive.
Au point que ce problème occupe les conseillers nationaux à Berne, qui veulent imposer un code de conduite plus éthique aux sociétés de recouvrement. Rappels en rafales, «sommations», menaces de poursuites, et surtout majoration très forte et souvent injustifiée du montant de la facture, font partie des pratiques devenues courantes que doivent subir les débiteurs peu ponctuels. Le gonflement indu des factures réclamées par les sociétés de recouvrement, en particulier, tend à se généraliser. Il est dénoncé par la Fédération romande des consommateurs (FRC), tout comme les procédés agressifs utilisés, qui ne reposent que sur de faibles bases juridiques.
Ainsi, s’endetter peut sembler aisé, mais de l’autre côté, l’intolérance des entreprises aux retards de paiement est élevée et tend à augmenter. D’après un rapport européen de 2019 du groupe suédois de recouvrement Intrum, les Suisses sont parmi les pire payeurs européens, avec 2,9 millions de commandements de payer sont notifiés chaque année.