Révolution dans le monde du travail
Tout le monde parle de la semaine de quatre jours, mais... c'est quoi?

Existe-t-il plusieurs variantes de la semaine de quatre jours? D'où ça vient? Qui est-ce que ça concerne? Si ce sujet est parfois débattu au coin d'une table dans un café, il est en réalité souvent «survolé». Creusons ensemble pour y voir plus clair.
Publié: 31.10.2023 à 17:45 heures
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Dernière mise à jour: 31.10.2023 à 17:57 heures
La semaine de quatre jours a commencé à faire parler d'elle pendant, mais surtout après la pandémie de Covid-19 en Suisse.
Photo: Shutterstock
Tiffany Terreaux

Imaginez un matin, vous débarquez au travail, votre employeur vous convoque vous et toute votre équipe pour vous annoncer l'introduction de la semaine de quatre jours. Bam... Bosser à 80% tout en restant payé à 100. Un rêve éveillé? La parfaite balance entre travail et vie privée? Et dans le fond, c'est quoi au juste, la semaine de quatre jours? Blick répond à toutes ces questions.

La semaine de 4 jours, c'est quoi en vrai?

Commençons par le commencement. La semaine de quatre jours comprend trois modèles différents:

  • Un 100% réparti sur quatre jours. On travaille plus longtemps chaque jour pour compenser le 5e jour. On répartit les 40h, soit 10h par jour. Il n'y a pas de gain de productivité.
  • Un 80% payé à 100%. On augmente la productivité sur quatre jours en partant du principe que les collaborateurs vont pouvoir modifier leur manière de fonctionner, devenir plus efficients afin de compenser cette perte financière du 5e jour.
  • Un entre-deux. Les collaborateurs travaillent plus de 8h par jour (15 ou 30 minutes de plus par exemple) et durant la saison estivale, ils peuvent plus facilement prendre des congés, une journée par semaine ou deux demi-journées par semaine.

Qu'importe la forme privilégiée, la semaine de quatre jours est une nouvelle approche sur le marché de l'emploi. Anny Wahlen, psychologue du travail et des organisations, la considère «comme un mode d’organisation du travail, au même titre que le télétravail. C'est une option parmi d’autres».

Et ça vient d'où?

La semaine de quatre jours a commencé à faire parler d'elle pendant, mais surtout après la pandémie de Covid-19. Son inspiration même vient de l'étranger où le concept fait son bout de chemin depuis un bon moment déjà. Beaucoup d'organisations internationales, notamment au Canada, pratiquent ce mode de travail depuis des décennies. Salvatore, cadre supérieur en ressources humaines, a cumulé plusieurs expériences dans des organisations de ce type.

«En 1999, lorsque je suis arrivé dans l'entreprise qui m'emploie au Canada, ce concept était déjà en place. Le gouvernement canadien négociait des journées de compensation avec les syndicats. Les employés, avec l’accord de leur manager, avaient le droit de travailler 30 minutes de plus par jour afin de prendre un jour de congé dans la semaine. C'est la première fois que ce genre de flexibilité était mis en place», affirme-t-il. Le but? Attirer des jeunes talents, notamment dans le secteur des télécommunications où la concurrence était ardue.

Aux États-Unis, la notion d'équilibre entre vie professionnelle et vie privée a aussi rapidement gagné du terrain. Dans les années 1990-2000, de nombreux experts RH ont essayé de redéfinir ce concept et ont opté pour une intégration entre vie professionnelle et vie privée spécialement conçue pour attirer les femmes. «Les managers s'adressaient à la gent féminine en leur disant 'Travaillez quand vous voulez, du lundi au vendredi. Du moment que vous faites vos heures, vous pouvez vous organiser comme vous l'entendez'», souligne Salvatore.

Ces nouvelles formes de travail sont également expérimentées au Royaume-Uni. D'après le cadre supérieur en ressources humaines, «c'est certainement le pays où le concept de la semaine de quatre jours est le plus largement démocratisé».

Dans quel but?

Pour recruter les meilleurs. Tout est bon pour faire la chasse aux talents et les façons de les attirer se multiplient. Les employeurs se montrent très créatifs et explorent sans cesse de nouvelles pistes afin de se démarquer: télétravail et politique de vacances plus flexible notamment. La semaine de quatre jours suit cette logique et répond aux ambitions de la nouvelle génération: plus de flexibilité, une vie moins axée sur le travail et davantage sur le bien-être et des prétentions salariales parfois moindres. Les secteurs en pénurie de main-d'œuvre sont donc les plus enclins à sauter le pas.

Ça s'applique à quelles professions?

Parmi les domaines les plus enclins à cette transition, le service à la clientèle téléphonique ainsi que les secteurs de l'IT, de la programmation et de la fabrication de produits spécialisés reviennent sans cesse. En cause justement: la pénurie de main-d'œuvre.

A contrario, cette option est moins évidente dans le secteur de la construction et les domaines qui demandent beaucoup de contacts personnels: les magasins, les commerces de service (coiffeur, manucure, ...), ainsi que les prestations de service (plombier, électricien, ...) pour lesquelles une «optimisation» du travail est plus difficile.

Est-ce que c'est juste une mode?

Ici, les avis divergent. Certains experts estiment que la semaine de quatre jours deviendra la norme, tôt ou tard. C'est le cas de Rafael Lalive, professeur d’économie à l’Université de Lausanne. «La semaine de quatre jours finira par être instaurée dans le code des obligations, ce n'est qu'une question de temps. Elle sera obligatoire pour toutes les entreprises en Suisse, même si elle représentera de gros coûts pour les PME», affirme-t-il.

Selon lui, il s'agit simplement d'une révolution comme une autre dans le monde du travail. Si on prend un peu de recul, à l'époque la semaine entière était consacrée au travail. Les employés avaient éventuellement congé le dimanche matin pour se rendre à l'église. «Au même titre qu'on est passé de la semaine de six à cinq jours, on passera de la semaine de cinq à quatre jours», affirme-t-il. Une transition en phase avec l'évolution des perspectives professionnelles sur le marché du travail: se concentrer davantage sur son bien-être et s'accorder plus de temps pour soi.

D'autres en revanche, se montrent nettement plus pessimistes. «Ce que je constate, c'est qu’on a encore peu de recul, relève Anny Wahlen. La plupart des entreprises suisses qui l'ont instauré ne tente l'expérience que depuis peu de temps. Je me demande quels critères sont pris en compte pour permettre à ces entreprises de dire que ce concept est un succès.»

Au-delà de ça, la psychologue du travail se questionne également sur la pérennité de ce concept. «Est-ce une approche véritablement intéressante à terme ou un coup marketing pour pallier la pénurie de main d'oeuvre? L'avenir nous le dira.»

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