Planification, rôle du père…
Congé maternité prolongé: pensez à vos finances!

Au moment du premier enfant, les jeunes mères, entre congé prolongé, arrêt de travail ou temps partiel, tendent à négliger l’impact financier de ces décisions. Nous vous livrons quelques pistes pour éviter d’être pénalisée financièrement.
Publié: 19.12.2022 à 05:59 heures
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Dernière mise à jour: 23.03.2023 à 11:02 heures
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Environ 25% à 30% des femmes en Suisse arrêtent de travailler après le premier enfant et presque une femme sur deux continue à travailler à moins de 50%.
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Myret ZakiJournaliste spécialisée économie

Avec le bonheur d’être mère, trop souvent les femmes perdent de vue leur situation financière immédiate et future et c’est à ce moment que leurs finances et leur prévoyance se détériorent.

  • Lorsqu’elles arrêtent de travailler, renonçant à toucher un revenu et à alimenter leur 2ème pilier.
  • Lorsqu’elles prennent un congé maternité prolongé: au-delà de 14 semaines, elles doivent prendre un congé non payé et perdent l’allocation maternité qui couvrait 80% de leur salaire.
  • Lorsqu’elles réduisent leur temps de travail. Là aussi, cela implique une baisse de revenu et des cotisations sur leur capital de retraite, qui impacte leur sécurité financière future.
  • Lorsqu’elles renoncent au salariat pour un statut d’indépendantes en raison individuelle: cela a aussi des conséquences sur leur prévoyance.

Comment éviter d’être pénalisée en tant que jeune mère? Nous avons interrogé trois expertes.

Planification financière indispensable

«La maternité n’est pas juste un bonheur absolu, elle doit aussi s’accompagner d’une planification financière», souligne Manuela Honegger, mentor et coach en matière de questions économiques pour les femmes. Constat partagé par Françoise Piron, ingénieure EPFL et directrice de la Fondation Pacte qui promeut les femmes dans l’économie. «Les jeunes mères sont pénalisées au niveau de leurs finances d’abord parce qu’elles ne s’en préoccupent pas. Elles n’ont pas conscience de l’impact financier, car elles sont prises dans l’euphorie de la maternité.»

Manuela Honegger encourage les jeunes mères qui sont en congé maternité prolongé à garder la tête froide par rapport à leur situation financière. «Les femmes ont tendance à penser qu’elles doivent renoncer à un travail payé pour être à 100% avec leur enfant, poursuit-elle. Elles oublient que ce sont seulement quelques années durant lesquelles les enfants sont en bas âge et qu’elles opèrent des choix cruciaux pour leur carrière. Je leur conseille de prendre leur planification financière en main le plus tôt possible.»

Françoise Piron préconise de chercher, dès la naissance de l’enfant, du conseil pour savoir comment gérer au mieux son libre passage, s’il y a moyen de le placer plus avantageusement. «Si on s’arrête de travailler 2 ans à 30 ans, ce n’est pas trop grave. Mais si on s’arrête 15 ans, il faut s’informer sur ce qu’il y a de mieux à faire avec ce capital en libre passage qu’on a typiquement accumulé jusqu’au premier enfant à 32 ans. Il faut aussi noter qu’un libre passage vous fait perdre le droit à des assurances sociales telles que la rente d’orphelin si vous êtes indépendante en raison individuelle. Mieux vaut payer 20’000 francs et créer une Sàrl pour avoir droit à toutes les rentes.» En parallèle, s’il est possible d’épargner, il importe de cotiser au 3ème pilier assez tôt pour combler les manques du 2ème pilier.

Rôle essentiel des pères

Pour Manuela Honegger, la solution passe par une égalité de fait entre père et mère face à la garde des enfants et un partage des responsabilités au sein du ménage. «On devient parents à deux et pas toute seule. Cela est à négocier avant la naissance du premier enfant», estime cette docteure en sciences politiques qui lutte pour une meilleure représentativité des femmes en politique. Elle avait notamment fondé le mouvement féminin «Laliste» en 2018.

«Le partenaire peut baisser son temps de travail, c’est aussi une option. Certes, les hommes doivent négocier actuellement plus avec leur employeur, mais l’on sait qu’atteindre l’égalité n’est pas facile», ajoute-t-elle.

À noter que la durée du congé paternité (avec une allocation de paternité qui se monte à 80% du revenu) est de deux semaines en Suisse, et peut être prise en une fois, ou en jours individuels. Les pères n’ont pas le droit de prolonger leur congé paternité et doivent négocier dans ce cas avec leur employeur.

Sophie Rodari, professeure HES associée à la Haute école de travail social (HETS) à Genève note également que ce n’est pas simple. Les pères sont peu demandeurs de réductions du temps de travail. Mais elle constate que le standard du 100% se déplace vers le standard du 80%. «Il reste un gros effort à faire dans les entreprises pour offrir de meilleures conditions pour des congés parentaux, même si ce n’est pas tant en termes de baisse du temps de travail, que de flexibilisation des modes de travail.»

Plus de solutions de garde flexibles

«Il faut examiner les motifs de demandes de congé prolongé, estime Sophie Rodari. Il y a d’abord un motif lié à la logistique de la garde de l’enfant, explique la sociologue. Cela a trait aux difficultés qu’ont les parents, et en particulier les mères, à trouver des solutions de garde satisfaisantes.» Elle observe qu’il est non seulement compliqué de trouver des places de garde, mais que les mères doivent souvent jongler entre plusieurs modes de garde, ce qui est encore plus difficile à organiser.

En effet, même une crèche bien organisée a ses limites horaires. Et les mères doivent souvent articuler plusieurs modes de garde entre eux, ce qui en décourage plus d’une.

Mieux adapter le cadre de travail

Ensuite, l’allaitement est un autre motif souvent évoqué par les bureaux de l’égalité pour expliquer les demandes de congé maternité prolongé. À cet égard, Sophie Rodari constate que les lieux manquent pour faciliter la poursuite de l’allaitement, incitant les mères à prolonger leur congé.

Parmi les autres motifs, il y a celui des femmes occupant des postes à responsabilités, très qualifiés: celles-ci peuvent souhaiter des prolongations pour éviter un surmenage quand elles reprennent le poste. Là aussi, les entreprises doivent faire plus pour ces profils. «Même si les entreprises sont plus sensibles à la question de faciliter le retour des femmes et de retenir les talents, les solutions proposées sont peu nombreuses dans les entreprises privées.»

Prolongation par cumul des vacances

Dans le meilleur des cas, les employeurs proposent de cumuler les vacances ou les heures supplémentaires, ce qui permet des congés avec prolongation financière. Mais dans les autres cas, il ne reste que l’option du congé sans solde, qui crée un trou dans les finances de la mère et dans son capital de retraite. «C’est moins coûteux pour les entreprises et les institutions publiques, mais ce n’est pas satisfaisant financièrement», constate Sophie Rodari.

Le piège du temps partiel

«Le temps partiel est trop souvent lié à une précarité financière: assurances sociales réduites et salaire inférieur, met en garde Manuela Honegger. Je suggère aux jeunes mères qu’elles se posent ces questions plus précocement, et ne tombent pas automatiquement dans l’équation 'après avoir accouché, je réduis mon temps de travail'. Que cette jeune génération se batte plutôt au sein du couple pour plus d’égalité.»

«Le processus typique qui se met en place chez une jeune mère est qu’elle arrête de travailler ou passe à 60%, note Françoise Piron. Environ 25% à 30% des femmes en Suisse arrêtent de travailler après le premier enfant.» C’est beaucoup, estime cette spécialiste vaudoise en égalité et mixité en entreprise.

«Si elles continuent à travailler, elles se disent automatiquement qu’il faut se mettre à 60%, plutôt qu’à 80%. Cela dépend du niveau de formation. Une femme ingénieure aura plus tendance à demander un 80%. Une femme sur deux ou presque baisse son temps de travail à moins de 50%. Cela a un impact financier non négligeable. Plus vous baissez votre taux de travail, plus vous réduisez votre salaire et la part cotisée sur votre 2ème pilier. Or il n’y a pas de cotisation sous les premiers 2000 francs de salaire. Le salaire moyen d’une femme à Lausanne est de 6000. Si on gagne 3000 bruts, on ne cotise donc que sur 1000. Déjà là, mathématiquement, la plupart des femmes se sabotent elles-mêmes d’entrée de jeu.»

L’impact de 10 ans ou 15 ans de temps partiel dans une vie, ajoute la directrice de Pacte, c’est une prévoyance divisée par 2 ou par 3. «La perte est très rapide.»

Sophie Rodari estime aussi que le vrai problème en Suisse est que la majorité des femmes poursuivent une carrière, rencontrent des difficultés de garde, puis s’orientent vers le temps partiel, avec le risque que cela pose dans la construction de leur future retraite AVS/LPP. «Tant qu’il n’y a pas de réformes en termes de politiques publiques autour de la question du temps partiel et du niveau des rentes, cela péjore la situation des femmes, en particulier en cas de divorce, selon la professeure qui est aussi coresponsable de la filière Travail Social à la HETS. Le principal problème c’est l’égalité des salaires: on n’y est pas encore. Les mesures sont essentiellement incitatives, pas plus.»

Plus de télétravail pour les 2 parents

Le rôle des ressources humaines (RH) est central à cet égard pour faire évoluer la situation et faciliter le maitien des femmes à leur poste après la maternité. Pour Sophie Rodari, cela passe par des aménagements en termes de télétravail. «Il faut permettre un retour des femmes au marché du travail avec une certaine autonomie, liberté et flexibilité d’organisation.»

Organisation d’un temps de travail à domicile, d’un temps de travail décalé, et de toutes mesures permettant de soutenir la conciliation entre travail et maternité: c’est ce qu’il faut favoriser pour répondre aux besoins des femmes actives et mères. «En attendant des réformes des politiques sociales beaucoup plus volontaristes», ajoute Sophie Rodari. En Suisse, famille et réalisation professionnelle restent des affaires privées et cela a des conséquences, souligne la sociologue genevoise.

Payer les femmes pour rester à la maison?

«À Genève, rappelle Françoise Piron, l’UDC veut payer les femmes pour rester à la maison: 30’000 francs par année. Mais ce n’est rien! Il y a 52% des Masters qui sont délivrés à des femmes. 5 ans de formation jusqu’au Master coûte un demi-million par tête d’habitant, donc la perte est énorme pour l’économie quand la personne diplômée ne travaille pas par la suite.» Une femme formée, médecin, ingénieure, architecte, sciences po, psy, qui s’arrête de travailler, constitue donc un investissement gaspillé selon Françoise Piron, sachant l’argent engagé.

En Suisse, plus de femmes sont formées que d’hommes, souligne-t-elle. Au niveau Master, les femmes sont majoritaires dans toutes les facultés. «Puis, entre 30 et 40 ans, le rapport s’inverse, les hommes font carrière, beaucoup de femmes s’arrêtent, et on perd une bonne partie de l’investissement dans la formation des filles». Dans l’expérience de Françoise Piron, qui conseille des femmes pour leur planification financière, la préoccupation financière ne survient que tard dans la vie des mères.

«Au début, elles ne font pas de calcul financier. Mais 15 ans après, elles en parlent et regrettent d’avoir été sur un petit nuage, surtout quand elles divorcent. Or combien de fois des femmes de 25 ans, qui ont juré de faire carrière, s’arrêtent dès qu’elles ont un enfant. À cet âge-là, si on leur demande où en est leur 3ème pilier, elles ne s’y intéressent pas.» La résolution 2023? Planifier ses finances!

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