Avez-vous déjà eu l’impression, lors d’une réunion de votre entreprise, que les points de vue féminins étaient moins valorisés que les points de vue masculins? Que les femmes n'étaient pas écoutées de la même manière que les hommes? Que les blagues lourdes étaient souvent (tout le temps) dirigées contre des collègues féminines? Si oui, votre boîte est peut-être coupable de sexisme ordinaire.
Plus subtil que ses variantes plus «frontales» et encore souvent banalisé sous couvert d’une certaine normalité, ce type de sexisme n’en demeure pas moins discriminatoire et peut même, dans certains cas, être considéré par les tribunaux comme une forme de harcèlement sexuel.
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Mais de quoi parle-t-on au juste? Pour vous aider à y voir plus clair, Blick liste six comportements à repérer sur votre lieu de travail.
Remarques ou blagues
Selon Valérie Huber, co-responsable du Centre de compétences en matière de souffrance et harcèlement au travail au sein de l'association Le deuxième Observatoire, l’humour constitue un moyen très efficace de perpétuer et de diffuser des préjugés sexistes tout en permettant à leurs auteurs, en cas de réception négative, de se dédouaner, voire même d’en remettre une couche («Roooh mais c’est pour rire, t’as tes règles ou quoi?»). «Il s'agit de formes de rappels à l'ordre en vue de réassigner les personnes à certaines normes de genre», ajoute la spécialiste.
Familiarité excessive
«Ma belle», «ma petite», «belle plante»: si, pour certains, ces surnoms sont insignifiants, voire même amusants, selon Valérie Huber, leur usage, sous couvert de bienveillance, a pour effet de marquer une hiérarchie, une différence. Selon la spécialiste, ces familiarités imposées révèlent également une forme de condescendance, voire d’infantilisation.
Incivilités basées sur le genre
«Mansplaining», «Manterrupting», «Manspreading», ces dernières années ont vu éclore toute une série de termes permettant de mettre le doigt sur certains comportements hostiles vis-à-vis des femmes: se faire interrompre sans cesse en réunion, se voir expliquer par un collègue un sujet que l’on maîtrise pourtant très bien ou encore voir ses idées pompées sans vergogne par ce même collègue constituent autant de comportements qui, selon Valérie Huber, renvoient à une socialisation différenciée en termes de genre et d’occupation de l'espace: «Qui prend la parole? Qui est ou n'est pas interrompu? Qui se sent légitime à parler? Qui est écouté?»
Objectification
«Salut, bombe sexuelle!», «J’adore ce jeans, il te fait un super cul». Ce type de remarques ouvertement sexistes – reproduites en l’occurrence par le compte Instagram swissmediatoo – sont parfois encore banalisées («Bah quoi, on a plus de droit de faire des compliments maintenant?», «On ne peut plus rien dire!») «Renvoyer à l'apparence, au physique, n'est pas adéquat dans un contexte professionnel et peut avoir pour effet de déstabiliser la personne, discréditer son travail ou son expertise, mais aussi de la renvoyer à un statut d’objet et non de sujet», dénonce Valérie Huber.
Les propos sexistes sur la maternité et les charges familiales
Selon le baromètre 2021 de l’initiative #StOpE de l’Association Française des Managers de la Diversité, 75% des femmes ont déjà entendu des préjugés associés à la maternité ou au temps partiel sur leur lieu de travail et, dans 23% des cas, ceux-ci les visaient directement. Une statistique qui ne surprend pas Valérie Huber, pour qui le chemin vers l’égalité est encore long: «Le travail domestique et familial repose encore majoritairement sur les femmes, en lien avec une division sexuelle du travail qui reste très marquée».
Si les remarques du type «Tu sais, je ne serais pas surpris que tu n’aies plus les mêmes ambitions pro après avoir eu un enfant» touchent avant tout les femmes, 29% des hommes déclarent également avoir déjà entendu des propos stigmatisants, principalement sur le fait que le temps partiel n’est pas fait pour les hommes (19%) ou qu’il ne leur est pas utile de prendre leur congé paternité (16%).
Attribution de caractéristiques liées au genre
«T’as deux minutes? J’aurais besoin d’un point de vue féminin sur ce dossier», «Vous les femmes, vous avez naturellement tendance à materner vos équipes». Si elles peuvent sembler anodines, voire valorisantes, les remarques quant à des qualités présentées comme intrinsèquement «masculines» ou «féminines» constituent bel et bien une forme de sexisme: «Généralement, le recours à l'argument de la «nature» sert à invisibiliser des discriminations, des rapports de pouvoir, voire à les légitimer», argumente Valérie Huber.