L'intelligence artificielle (IA) nous a-t-elle déjà remplacés dans la plupart de nos activités professionnelles? Cette réalité est de plus en plus tangible. «En l'espace de cinq ans, nous allons assister à une révolution du marché du travail», prédit Tino Senoner, directeur de Dynaskills, une plateforme spécialisée dans l'analyse du marché du travail. Une nouvelle évaluation, que Blick s'est procurée en exclusivité, montre que 3 millions d'emplois en Suisse vont être considérablement modifiés par la transformation numérique au cours des cinq prochaines années.
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«L'IA est le superbooster de la transformation du marché du travail», affirme Tino Senoner. Jugez plutôt, la technologie rédige des lettres aux clients, analyse des radiographies et crée des graphiques clairs à partir de textes complexes. Elle peut être très utile pour différents emplois, de gestionnaire de dossiers à médecin, en passant par illustrateurs. Selon l'analyse de Dynaskills, plus d'un travailleur sur deux en Suisse est concerné par ce bouleversement sur les 5,18 millions d'emplois que compte le pays.
Une course aux talents technologiques
Selon les calculs de Dynaskills, 3 milliards d'emplois dans le monde seraient concernés par le virage numérique induit par l'IA. Il n'est donc pas étonnant que celle-ci soit l'un des thèmes principaux du WEF 2024 à Davos (GR), qui s'ouvre ce lundi.
Et pour cause, la course internationale à l'armement est lancée entre les principales nations économiques. En raison du vieillissement de la population, les pays industrialisés sont confrontés à une pénurie de main-d'œuvre qualifiée. La compétition mondiale fait rage pour trouver le meilleur personnel, autrement dit celui qui sait utiliser l'IA.
Selon Dynaskills, les pays bien positionnés sont ceux qui disposent de marchés financiers solides, de bons systèmes de formation professionnelle et de capacités de calcul élevées. La Suisse – avec notamment la chute de Credit Suisse – a vu son rang sensiblement baisser sur les marchés financiers mondiaux. Zurich n'occupe plus que la 18e place du Global Financial Centres Index. Genève parvient tout de même à se hisser dans le top 10. Les marchés financiers américains et asiatiques, dont New York, Hong Kong et Singapour, creuse l'écart en tête.
Nouvel espoir pour les chômeurs?
La Suisse marque tout de même des points en matière de formation professionnelle. Notre système de formation dual est reconnu dans le monde entier et la Suisse remporte régulièrement des médailles lors des championnats du monde des métiers. C'est le signe que les jeunes professionnels, particulièrement dans les métiers manuels, sont effectivement formés en fonction des besoins de l'économie.
Mais le pays ne peut pas se reposer sur ses lauriers. «Le changement arrive, qu'on le veuille ou non», prévient Tino Senoner. Les premiers à être dans la ligne de mire sont ceux qui occupent des emplois classiques dans le commerce: les employés de la comptabilité ou de l'administration, par exemple. Ceux-ci doivent rapidement se mettre à la recherche de possibilités de formation continue. «La responsabilité en incombe à chaque employé», prévient Tino Senoner.
Mais la révolution sur le marché du travail comporte aussi des opportunités. Selon les chiffres officiels, le pays compte 220'000 chômeurs. 240'000 personnes sont en outre sous-employées, c'est-à-dire qu'elles aimeraient travailler davantage si elles le pouvaient. 200'000 autres ne sont pas activement à la recherche d'un emploi parce qu'elles estiment avoir peu de chances sur le marché du travail, notamment les jeunes mères après un long congé maternité. «Pour ces groupes, le changement apporte de nouvelles chances de reprendre pied sur le marché du travail», se réjouit Tino Senoner. Il ne faudra certainement pas attendre bien longtemps avant de savoir si ces prédictions se vérifient.