Expatriés suisses
Comment se délocaliser et dire bye bye aux impôts

Partir travailler à l'étranger pour payer moins d’impôts et profiter d’un coût de vie inférieur? C’est tentant, mais gare aux tracasseries légales et administratives.
Publié: 14.09.2023 à 08:02 heures
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Dernière mise à jour: 20.09.2023 à 15:33 heures
Assurances, retraites, double imposition… Les tracas qui suivent un départ de Suisse peuvent être nombreux… et ne valent pas forcément la peine.
Photo: Shutterstock
Julien Crevoisier

Un monde qui se numérise et une pandémie mondiale qui envoie tout le monde à la maison: il n’en aura pas fallu plus pour donner un coup d’accélérateur au nomadisme digital. Saisissant cette potentielle manne financière aussi inattendue que bienvenue, certains pays ont redoublé d’inventivité pour attirer les profils en quête d’une existence plus paisible au soleil. Mais également ceux qui souhaitent déménager à l'étranger pour payer moins d’impôt. 

Les deux scénarios sont possibles, mais demandent une bonne préparation. En effet, partir télétravailler à l’étranger pour une période prolongée ne revient pas à s’expatrier en soi, mais peut donner lieu à un casse-tête juridique si les éléments liés à la fiscalité et aux assurances sociales ne sont pas pris en compte.

S’expatrier, oui mais…

L’expatriation suppose un déménagement durable. Les autorités suisses sont averties du départ de la personne et plus aucune obligation en matière d’assurance ou d’imposition sur le revenu ne s’applique à elle en Suisse. Pour les plus désireux d’alléger leur charge fiscale, plusieurs pays proposent une imposition nettement plus basse que chez nous. Et, au total, 14 États ne prélèvent même aucun impôt sur le revenu des particuliers. C’est le cas, par exemple, des monarchies pétrolières du Golfe, comme les Émirats arabes unis, le Qatar, Bahrain et Koweït, mais aussi des îles caribéennes comme les Bahamas.

Dans certains cas, toutefois, il est nécessaire d’investir une somme minimale dans le pays pour obtenir un permis de résidence et prétendre à la fiscalité zéro qu'il pratique. Aux Bahamas, par exemple, il vous en coûtera 750’000 dollars! De quoi en exclure plus d’un.

«Pour les retraités, il ne s’agit désormais plus uniquement de se rendre à l’étranger parce que la vie y est moins chère, certains États offrent de vrais avantages fiscaux», explique Christine Ledure, experte en fiscalité internationale et associée gérante du bureau d’expertise Taxadvice à Nyon (VD). En Europe, c’est notamment le cas du Portugal, avec son impôt forfaitaire à 10% pendant dix ans. Autre pays attirant: la Thaïlande et son visa spécial pour les plus de 50 ans. Cette contrée aux plages paradisiaques ne prélève aucun impôt sur le capital. Une fois atteint l’âge légal, retirer son deuxième pilier sous forme de capital et s’envoler pour l’Asie du Sud-Est devient donc une solution aux multiples atouts, surtout pour ceux qui souhaitent mettre un terme à leur vie active avant l’heure.

L’attrait du nomadisme numérique

Pour ceux qui aspirent juste à quitter le pays quelque temps pour échapper à l’hiver, ou pour passer du bon temps dans une résidence secondaire ou dans un appartement de vacances, le paradigme est un peu différent. Sitôt qu’un salarié séjourne plus de 183 jours par an dans un autre pays (soit la majeure partie de l’année), il risque de voir son salaire imposé non pas en Suisse, mais dans le pays où il a décidé de vivre temporairement. «Cela peut aussi avoir des implications non seulement pour l’employé en question, mais aussi pour l’employeur», rappelle Christine Ledure.

Les visas accordés aux nomades numériques ne constituent donc pas une attestation de résidence à l’étranger, mais une simple autorisation d’exercer sur le territoire pendant un certain temps. «Chaque pays a ses modalités, mais la Suisse possède un vaste réseau de conventions visant à éviter la double imposition. Aujourd’hui, elle bénéficie d’accords de ce type signés avec la grande majorité des autres pays du monde.»

En outre, les assurances sociales entrent aussi en ligne de compte. Par exemple, sitôt qu’un employé passe plus de 25% de son temps de travail dans un État tiers de l’Union européenne (certains, notamment la France, ont revu ce taux à la hausse à 50%), il a l’obligation de s’affilier au système d’assurances sociales locales. Or, les cotisations peuvent se révéler plus élevées à l’étranger.

Attention à l’appât du gain

Une fiscalité plus basse ne rime pas forcément avec bonheur accru. Le statut de résident fiscal à l’étranger n’étant reconnu par la Suisse qu’à des conditions bien précises, avec notamment un nouveau foyer d’habitation permanent à l’étranger et un déplacement de ses intérêts vitaux, il convient de rappeler que déménager «pour de bon» peut être difficile à assumer.

Même sans changer de pays, la démarche peut se révéler difficile. «Certains quittent leur lieu de résidence pour des cantons où la pression fiscale est moindre, comme Schwytz ou Zoug, puis se rendent compte qu’ils ont du mal à s’intégrer socialement et à trouver leurs repères.» Pour ceux qui partent pour l’étranger, la dimension de l’intégration sociale et du mode de vie se pose d’autant plus. En effet, le mal du pays n’est pas le seul risque qui guette les expatriés.

S’installer à l’étranger, c’est aussi renoncer aux prestations sociales et aux services publics offerts en Suisse. «Beaucoup de personnes qui cherchent à s’expatrier après l’âge de la retraite se posent la question du retour en cas de problème de santé», reconnaît Christine Ledure.

Pour les salariés, changer de système fiscal signifie dans certains cas aussi renoncer à la prévoyance vieillesse professionnelle et à l’assurance chômage.

Casse-tête juridique

Lorsqu’elles existent, ces conventions de double imposition précisent presque toutes que le domicile fiscal se situe là où la personne a «le centre de ses intérêts vitaux», comprenez sa famille, ses relations sociales, ses activités, etc. «Dans les cas où le centre ne peut être établi via ces critères, on recourt à la nationalité et, seulement en dernier recours, les deux États doivent trouver une solution à l’amiable.»

Et pour renoncer à son statut de résident fiscal suisse, encore faut-il que les autorités helvétiques vous laissent partir. «Il faudra alors fournir la preuve formelle qu’on est établi dans un pays tiers et inscrit auprès des autorités fiscales locales. Ce n’est qu’une fois ce nouveau statut confirmé que la Suisse considérera la personne comme ayant quitté le territoire et n’étant plus de son ressort.»

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