Chaque année, plus de 40’000 personnes sautent le pas et montent leur propre entreprise en Suisse. Mais au défi stratégique de faire tourner son affaire entièrement par soi-même s’ajoute la difficulté de trouver les montants nécessaires pour partir sur de bonnes bases.
En apparence, les moyens de financement ne manquent pourtant pas: prêts bancaires, cautionnement, accompagnement par les incubateurs de startups ou encore crowdfunding, ces mécanismes sont autant d’outils dont il s’agit de tirer le meilleur parti. Toutefois, l’accès à ces outils requiert plus ou moins de préparation, et certains sont presque inaccessibles à la plupart des entrepreneurs.
Le défi du prêt bancaire
En effet, seules 32% des PME suisses bénéficiaient d’un financement bancaire en 2021, selon le Secrétariat d’État à l’économie (Seco). Les banques apparaissent particulièrement frileuses s’agissant de projets en début de course qui n’ont pas encore fait leurs preuves. À partir de 10 employés, les entreprises sont 44% à bénéficier d’un crédit bancaire, et le taux monte jusqu’à 54% pour les PME de plus de 50 employés.
«Les banques ne font pas d’investissement en capital-risque. Pour accéder à un prêt, il faut bénéficier d’un modèle d’affaire et d’une stratégie commerciale très solide, appuyée par des études de marché, explique Renato Sottile, directeur général du cabinet de conseil Infogestion-consulting à Lausanne. Ce processus peut prendre énormément de temps et donc d’argent.»
Cautionner son emprunt
Pour accéder plus rapidement et facilement à un prêt bancaire, il est possible de faire appel à des services de cautionnement. Ces derniers s’engagent à rembourser votre prêt à votre place en cas de défaut de paiement.
«Cette solution ne dispense pas d’apporter un dossier solide, corroboré par des analyses de marché. Les institutions de cautionnement aussi demandent un bon modèle d’affaire, prévient Renato Sottile. Le processus n’est peut-être pas aussi chronophage que pour les banques, mais il faudra tout de même y consacrer du temps.»
Pour la plupart des entrepreneurs, il conviendra donc de se constituer des fonds propres assez robustes pour se passer des banques, en tout cas dans un premier temps. Pour ce faire, on n’est jamais mieux servi que par soi-même: «La plupart des entrepreneurs débutent avec, pour seuls fonds propres, leurs économies personnelles ou en continuant à travailler à temps partiel pour se financer.» Ainsi, ils évitent de s’obliger auprès d’une tierce personne et jouiront d’une plus grande liberté.
Mais pour ceux qui se lancent dans l’aventure très jeunes ou pour ceux dont le projet est tout simplement plus cher à mettre en place, d’autres solutions existent pour alimenter les fonds propres ou mettre en place une stratégie pérenne à faibles coûts.
Se financer grâce à ses proches
C’est ce que les Anglo-Saxons appellent affectueusement Love Money. Cela peut paraître surprenant, mais de nombreuses entreprises sont créées via ce canal de financement: les proches parents ou les amis de l’entrepreneur lui accordent les fonds nécessaires.
Mais qu’on ne s’y méprenne pas: il ne s’agit pas forcément d’un financement à fonds perdu qui n’est octroyé que par amour ou amitié. «Dans ce modèle, les proches peuvent être considérés comme des investisseurs qui, en cas de succès, auront droit à leur part, par exemple, sous forme de dividendes, de paiements d’intérêt ou de revente d'actions.»
Se financer sur les réseaux
Depuis quelques années, le financement participatif ou crowdfunding s’est popularisé un peu partout dans le monde, y compris en Suisse, où le service est proposé par des plateformes comme wemakeit ou c-crowd. Dépassant le simple intérêt financier, les investisseurs peuvent participer à la réussite d’un projet qui les intéressent particulièrement.
«La première fonction du financement participatif est bien sûr la collecte de fonds, mais elle a aussi une utilité marketing, voire de pré-ventes. En s’affichant sur des plateformes de financement participatif, l’entreprise s’affiche déjà sur le front d’Internet et pourra s’agréger une clientèle acquise dès le lancement de son produit ou service.»
Tout comme le financement par des proches, le financement participatif peut donner lieu à des retours sur investissement: le crowdinvesting sous forme d’actions et, en cas de bénéfices, de dividendes, et le crowdlending sous forme de remboursement d’intérêt.
Ce mécanisme de financement est en plein essor à l’échelle suisse, avec près de 750 millions de francs levés en 2021, soit une hausse de près de 35% par rapport à 2020, selon la Haute école de Lucerne (HSLU).
Les incubateurs
Reconnus d’utilité publique, les incubateurs, comme FriUp ou Fongit, sont une solution très intéressante pour les entrepreneurs novices. Au-delà du financement en termes monétaires, ils apportent un capital de connaissances afin d’orienter au mieux la création d’entreprises et les jeunes pousses.
Ce mécanisme a pour principal avantage de ne rien coûter à l’entreprise, mais cette dernière devra répondre à plusieurs critères et passer par un processus de sélection avant de pouvoir en bénéficier. «Il faut avant toute chose que le concept soit particulièrement innovant et crée des emplois localement. Par ailleurs, les incubateurs sont aussi connus pour décerner des prix de l’innovation avec, à la clé, des sommes d’argent à investir dans le capital de l’entreprise.»
Le micro-crédit
À petite entreprise, petit prêt. Les organismes de micro-crédit permettent d’obtenir des montants relativement modestes, qui vont de quelques milliers à quelques dizaines de milliers de francs, sans avoir à passer par des établissements bancaires. «Là encore, le mécanisme s’adresse en particulier aux petites entreprises dont le dossier n’est pas recevable par les établissements bancaires ou les investisseurs, mais qui répondent à d’autres critères comme la création d’emplois dans une certaine zone géographique», précise Renato Sottile.
Les taux d’intérêt sont souvent fixes et les échéances peuvent s’étendre sur plusieurs années. En outre, les organismes de micro-crédit proposent un accompagnement par un professionnel afin de maximiser les chances de réussite. «Toutefois, cette solution ne conviendra peut-être pas à ceux qui souhaitent lancer leur entreprise dans l’immédiat, car les processus peuvent prendre plusieurs semaines.»