Les faillites se multiplient en Suisse. Mercredi 12 mars, l'entreprise Constantin Isolations SA a Sion a dû fermer ses portes, entraînant la perte de 34 emplois. Et ce cas est loin d'être isolé: en 2024, les faillites ont atteint un nombre record de 11'506, en hausse de 15% par rapport à l'année précédente.
Cette tendance ne se reflète certes pas (encore) dans les statistiques du chômage. Mais chaque faillite ne cache pas moins des destins bouleversés et des personnes qui doivent soudainement chercher un nouvel emploi. Plus généralement, ce phénomène n'envoie pas du tout un bon signal quant à l'état de santé de l'économie suisse.
Moins il y a de barrières à l'entrée, plus le secteur trinque
Selon l'Union suisse des créanciers Creditreform, les faillites ont continué d'augmenter en 2025, avec une hausse de 7,7% au cours des deux premiers mois de l'année. Claude Federer, directeur de Creditreform, précise que les données pour les différentes branches de l'économie ne sont pas encore disponibles.
Mais si l'on part du principe que la tendance des dernières années s'est poursuivie, les secteurs les plus touchés devraient être ceux de la construction, de l'hôtellerie/restauration, du commerce et des services. «Dans ces branches, les barrières à l'entrée sont plutôt faibles. Celui qui veut ouvrir une entreprise de conseil a seulement besoin d'un bureau, d'un ordinateur et d'un téléphone», explique Claude Federer.
Les entreprises zombies ferment
A quoi cette hausse des faillites est-elle due? D'abord à la pandémie de Covid-19. «On a maintenu en vie des entreprises zombies qui, dans des conditions économiques normales, auraient fait faillite bien plus tôt», explique Claude Federer. Aujourd'hui, ces mêmes entreprises sont censées rembourser les prêts Covid, ce qu'elles sont incapables de faire. Résultat: elles disparaissent. C'est notamment ce phénomène qu'on perçoit dans les chiffres de l'année 2024.
Une autre raison est tout simplement le contexte économique difficile que les entreprises traversent actuellement. Dans le secteur de la construction, un recul du chiffre d'affaires est attendu pour les trois premiers mois de l'année. Si l'économie résiste à une forte pression depuis plusieurs années maintenant, plusieurs secteurs commencent à marquer le pas.
«J'ai longtemps été étonné par le peu de traces laissées par les augmentations de coûts et les hausses des taux d'intérêt de ces dernières années dans le secteur de la construction», déclare Fredy Hasenmaile, économiste en chef à la banque Raiffeisen. Mais aujourd'hui de nombreuses entreprises ont épuisé leurs réserves. «Le nombre de faillites dans le secteur de la construction est nettement supérieur à la moyenne», poursuit l'expert.
Faillites d'hôtels malgré des nuitées record
Le secteur de l'hôtellerie est lui fortement affecté par la hausse des coûts, indépendamment des bons chiffres d'affaires réalisés ces derniers temps. «On lit certes que le nombre de nuitées dans l'hôtellerie atteint des records. Mais en même temps, de nombreux établissements font faillite», explique Fredy Hasenmaile.
L'industrie est également à la peine. La faute à la crise qui affecte le secteur au niveau mondial depuis deux ans. L'économie allemande, si importante pour les exportations suisses, connaît en outre un ralentissement. Pour l'heure, la vague de faillites semble épargner le secteur en Suisse. «Mais dans les domaines de la métallurgie, de la production de meubles et de l'impression, on commence à manquer d'oxygène», précise Freddy Hasenmaile.
Dagmar Jenni, de l'association des commerces de détail Swiss Retail Federation, voit les choses plus sereinement pour son secteur: «Les créations d'entreprises et les faillites sont à peu près équilibrées dans le commerce de détail.» Bien sûr, il y a des restructurations, comme celle qui affecte Migros actuellement, et même des faillites retentissantes, comme celle de la chaîne de magasin Depot. Mais d'une façon générale, l'optimisme reste de mise.
Poursuite de la hausse attendue
Pour ce qui est de l'économie dans son ensemble, la vague de faillites devrait s'intensifier au cours des prochains mois, estime Claude Federer. Il rappelle que depuis le début de l'année, les créances de droit public telles que les arriérés d'impôts et les cotisations AVS impayées ne sont plus poursuivies par voie de saisie, mais par voie de faillite.
«Ce changement devrait entraîner, avec un certain retard, une nette augmentation des faillites à partir d'avril ou de mai», explique le responsable associatif. On ne peut pas prédire les conséquences exactes de cette évolution sur le nombre des faillites. Mais même sans cela, la tendance constatée en 2024 devrait perdurer.