La BNS sue face à Trump
Malgré l'instabilité mondiale, le franc suisse recule face à l'euro

Dire que le président américain Donald Trump a bien secoué les marchés depuis son entrée en fonction est un doux euphémisme. Mais qu'est-ce que cela signifie pour concrètement pour les investisseurs? Réponse avec les chefs de placement de deux banques suisses.
Publié: 11:22 heures
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Dernière mise à jour: 13:16 heures
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Les turbulences sur les marchés boursiers américains…
Photo: Getty Images
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Christian Kolbe

Donald Trump met les marchés à rude épreuve: le président américain a décrété mardi 4 mars des droits de douane contre la Chine et contre ses voisins du Canada et du Mexique, épargnant toutefois le secteur de l'automobile pendant au moins un mois dans ces deux derniers cas. Les pays visés n'ont pas tardé à répliquer en annonçant à leur tour des hausses de droits de douane sur les importations en provenance des Etats-Unis.

Mais qu'est-ce que cela signifie concrètement pour les crypto-monnaies, l'or, les actions suisses ou encore les matières premières? Le chaos qui règne aux Etats-Unis incite-t-il les investisseurs suisses à restructurer leur portefeuille en profondeur? Pourquoi, dans ce tumulte généralisé, le franc suisse ne se renforce-t-il pas? Réponse avec les chefs de placement de deux banques cantonales suisses.

Pas de raisons de paniquer

«L'effet Trump s'essouffle», explique Fabienne Hockenjos, responsable des placements à la Banque cantonale de Bâle-Campagne (BLKB). L'experte fait ici référence à la hausse des cours constatée depuis l'élection de Trump. «En tant que responsable des placements, je ne passe pas de nuits blanches à cause de Trump.»

Thomas Stucki, chef des placements de la Banque cantonale de Saint-Gall (SGKB), abonde dans le même sens. «Je suis surpris que les marchés aient observé cette dérive pendant aussi longtemps. Il serait déplacé de céder à la panique maintenant.» 

Les entreprises suisses bien positionnées

Aujourd'hui, les bourses européennes se portent nettement mieux. Depuis le début de l'année, elles ont même progressé. Le SMI a ainsi pris 13% et le DAX allemand environ 15%. «C'est le bon moment pour miser sur des actions suisses avec un bon dividende», explique Thomas Stucki. Fabienne Hockenjos ajoute: «L'industrie pharmaceutique ou encore le cimentier Holcim ont de nombreux sites de production aux Etats-Unis. Pour eux, les dommages causés par les droits de douane seront limités.»

Les spécialistes en investissement considèrent ainsi les actions suisses comme une valeur refuge dans ce contexte incertain. Habituellement, une telle situation favoriserait également une appréciation du franc suisse. Pourtant, il n’en est rien: si le dollar s’est légèrement affaibli, le franc a même perdu de la valeur face à l’euro depuis le début de l’année. «Attendons de voir», tempère Thomas Stucki. Selon lui, «le franc, valeur refuge, devrait bientôt faire son retour» et donc s'apprécier à nouveau.

Mais pour l'heure, le franc suisse reste stable. Fabienne Hockenjos suspecte une intervention de la Banque nationale suisse (BNS): «Les achats de devises ont repris. Nous pensons que la BNS abaissera ses taux à zéro d'ici au milieu de l’année. Pour éviter des taux négatifs, elle n’aura alors d’autre choix que de puiser dans son dernier recours.»

Autrement dit, pour affaiblir le franc, la BNS devra procéder à d’importants achats de devises étrangères. Un risque qui pourrait exposer la Suisse à des accusations de manipulation monétaire de la part de Donald Trump, avec des conséquences – on l'a vu dans d'autres pays – imprévisibles.

L'or brille toujours

Pour ce qui est des crypto-monnaies aussi, l'effet Trump semble s'être estompé. Si les cours fluctuent fortement, une tendance générale à la baisse est constatée. Thomas Stucki appelle à la prudence: «Dans un contexte aussi incertain, je ne toucherais pas aux cryptos, mais je miserais plutôt sur l'or.» La raison? Les banques centrales de nombreux pays émergents sont en train d'augmenter leurs stocks d'or afin de réduire leur dépendance vis-à-vis des Etats-Unis.

Résultat des courses: l'or a pris environ 9% depuis le début de l'année. Tout le contraire du pétrole, dont la valeur a baissé depuis janvier. Ce qui n'est pas sans risque: si Trump parvient réellement à relancer l'économie américaine comme il le promet, la demande en pétrole augmentera, le prix de l'or noir prendra logiquement l'ascenseur.

Or, c’est tout le contraire qui se produit. «L’inquiétude économique grandit aux Etats-Unis, les taux d’intérêt baissent, de nombreux fonctionnaires craignent pour leur emploi et la politique de Trump alimente l’inflation. Tout cela pèse sur la confiance des consommateurs», explique Fabienne Hockenjos.

Des perspectives peu réjouissantes pour l’économie américaine. Reste à espérer que l’Europe parvienne à poursuivre sa trajectoire sans être trop influencée par la situation outre-Atlantique.

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