Dans un contexte où l’inflation grignote l’épargne, économiser avant 30 ans devient essentiel pour se garantir une sécurité suffisante à la retraite. En effet, le 2ème pilier pourrait ne pas suffire.
Des rentes inférieures de 30% en 30 ans
Les conditions de l’épargne professionnelle se détériorent depuis des années et les rentes reflètent une part toujours moins élevée du dernier salaire. Ceci, parce que le taux d’intérêt minimal de rémunération des avoirs des caisses de pension a baissé, et reste depuis 6 ans fixé au niveau très bas de 1%.
D’autre part, parce que le taux de conversion du capital-retraite en rente baisse aussi. Sur la partie obligatoire des avoirs vieillesse, il est passé de 7,2% à 6,8% depuis 2005, c’est-à-dire qu’un capital de 100'000 francs se traduit par une rente annuelle de 6800 francs.
Mais les assureurs et les caisses de pension réclament actuellement que ce taux soit ramené à 6%, ce qui ferait baisser la rente, dans l’exemple ci-dessus, à 6000 francs par an.
En outre, comme les caisses de pension sont libres de baisser le taux de conversion sur la partie surobligatoire des avoirs, elles ne cessent de le raboter, si bien que le taux pratiqué est désormais inférieur à 6% sur la partie surobligatoire. Pour 2023, la caisse de pension de Swisscom a par exemple fixé son taux de conversion à 5,34%, puis à 5% en 2024. Celle des CFF a même décidé de le réduire à 4,54% dès 2023. Au total, les experts estiment que, comparé à 30 ans en arrière, les rentes des retraités sont inférieures d'environ 30%, à cotisations égales.
Les comptes épargne rapportent trop peu
Il faut donc compléter cette source de revenus. Or, trouver des solutions d’épargne avant 30 ans n’est pas simple. Placer une partie de son salaire sur un compte épargne ne rapporte quasiment rien. Les taux d’épargne proposés par les banques en Suisse romande n’ont pas suivi l’inflation, et restent aux alentours de 0,20% et 0,50%.
Chez Next Bank (Credit Agricole), on peut toucher 1,2% si on bloque son épargne pendant 1 an (taux de 1,25% garanti) ou 5 ans (taux de 1,45% garanti). Avec l’inconvénient que, si pendant cette période les taux du marché montent, on ne pourra pas en profiter.
À la banque Valiant, on peut ouvrir un compte rémunéré à 1,5% la première année, mais ensuite, il est converti en un compte rémunéré à 0,4%. La BCGE offre 0,1% de rémunération, et la BCV 0,2% pour les comptes de moins de 25'000 francs et 0,1% au-delà. Les taux tombent à 0% pour les avoirs à six chiffres.
Le 3ème pilier: un bon complément
Pour un(e) trentenaire, au vu des conditions déclinantes du 2ème pilier, placer un montant chaque mois sur un 3ème pilier s’avère une bonne solution. À la retraite, ce capital vous sera versé. Le montant peut être indolore ou élevé, suivant vos moyens. Vous pouvez verser jusqu’à 7056 francs si vous êtes salarié(e) en Suisse.
Pour estimer quel montant épargner par mois pour toucher la somme que vous souhaitez à terme, il vous suffit de vous rendre sur un simulateur en ligne du 3ème pilier.
Prenons un exemple: vous êtes né(e) en 1993, et vous concluez au 1er mars 2023 un contrat de 3ème pilier. Vous décidez de verser un montant léger pour votre portefeuille, de 150 francs. Cette épargne de 1800 francs par année se transformera en un montant de 50'429 francs à l’échéance du contrat, lors de vos 65 ans (en 2057). Si l’on y ajoute une estimation réaliste des excédents que vous pourriez toucher, à savoir les intérêts que l’assureur vous verserait à la fin de votre contrat (mais qui ne sont pas garantis), vous pourriez recevoir 73'576 francs.
Le simulateur en ligne vous donnera une estimation des excédents. En outre, vous pourrez déduire les 1800 francs de vos impôts, ce qui vous vaudra une économie fiscale de 12'852 francs. Cette solution promet peu de gain de valeur.
Placer une partie en obligations à 10 ans
Autre possibilité: investir dans les obligations de la Confédération à 10 ans. Un placement sans risque, qui rapporte actuellement 1,5%, soit plus que les compte épargne, et qui préserve votre argent sur le très long terme, en le capitalisant.
Si l’on envisage des produits plus risqués, les banques vous proposeront, dès 10'000 francs, la possibilité d’investir dans des fonds de placement équilibrés (en actions, obligations et cash). Elles poussent clairement ce type de solution aux dépens du compte épargne. Par exemple, la BCV explique sur son site qu’un fonds «équipondéré» aurait rapporté bien plus qu’un compte épargne au cours des 8 dernières années
Acheter plutôt que louer
Si l’investissement boursier peut être tentant, il faut se rappeler qu’on ne peut nullement prévoir les aléas boursiers et que placer son épargne de vie sur les marchés, c’est aussi risquer de perdre gros.
Acheter tôt dans sa vie un bien immobilier peut, à cet égard, représenter une solution plus sûre. «Malgré l’augmentation des taux hypothécaires début 2022, qui ont atteint un pic en octobre-novembre 2022 à 3.11 % sur 10 ans, l’achat reste plus intéressant que la location», estime David Padilla, agent immobilier depuis 10 ans et directeur d’Allianceimmo Suisse.
La hausse des taux hypothécaires a ralenti les décisions d’achat, car les acquéreurs attendent une baisse des taux, constate David Padilla. Mais au 3ème trimestre 2022, on a pu observer pour la première fois en 8 ans une diminution du prix des maisons dans plus de 50% des cantons Suisses, les prix ayant baissé de 1.9% à 0.1 % en 3 mois.
Quant aux appartements, sur le dernier trimestre 2022, leurs prix n’ont augmenté que de 0,3%, ce qui signale un ralentissement de la hausse. «Acquérir par exemple une maison à Yverdon de 160 m2 habitables avec une parcelle de 358 m2, représente 1’156'000 francs à l’achat», relève David Padilla. «Cela requiert un apport de 20% de fonds propres, soit 231'200 francs, et une hypothèque de 924'800 francs à 2.7% sur 10 ans, calcule-t-il. Le montant par mois sans l’amortissement est de 2080.80.» Cela représente un avantage par rapport à la location: «la même maison en location pourrait se louer à 3200 francs par mois, estime l’agent immobilier. Une différence de plus de 1'000.- par mois, sans oublier qu’être propriétaire a toujours été un avantage à la revente.»
En outre, le retrait des avoirs de la caisse de pension en faveur d’une épargne immobilière promet un gain de valeur supérieur, d’ici 35 ans, à tout ce que peut, par exemple, rapporter un 3ème pilier.
Une solution n’exclut pas l’autre, évidemment. Un risque, toutefois, sur le front de l’immobilier: si les taux hypothécaires montent encore, la location pourrait redevenir plus intéressante que l’achat. En outre, le risque d’une baisse des prix immobiliers n'est pas à exclure; mais si l’on achète avant 30 ans, dans une perspective de garder le bien 35 ans, on sera très probablement gagnant à l’arrivée. Le long terme est le meilleur ami de l’épargne.