La riposte n’a pas tardé, lundi au Palais fédéral. Quelques heures après la publication par un consortium de journalistes d’investigation de «Suisse Secrets», une vaste enquête fiscale sur les comptes bancaires de clients de Credit Suisse de 1940 à 2010, le Parti socialiste (PS) avait envoyé ses meilleurs atouts devant la presse: trois membres de la commission d’économie du National et le coprésident Cédric Wermuth.
Récupération politique? Les socialistes s’en défendent, et ils ont des arguments: voilà plusieurs années qu’ils engagent beaucoup de forces pour faire bouger les lignes dans ce dossier. Et même si elle amène de l’eau au moulin à la rose, cette nouvelle fuite n’est pas du goût de Samuel Bendahan. «À peine avons-nous terminé de venir au secours des PME pendant la pandémie, voilà que nous devons sauver les meubles de la place financière suisse», soupire le conseiller national vaudois, remonté contre le dégât d’image de Credit Suisse pour le pays.
La fuite de données de Credit Suisse ébranle la Berne fédérale. Et c'est justement ce mardi qu'une proposition visant à responsabiliser les dirigeants des banques doit être traitée. Le Conseil fédéral soutient l'examen d'une proposition en ce sens du conseiller national fribourgeois Gerhard Andrey.
Des représentants de plusieurs groupes parlementaires soutiennent le projet de l'élu vert, même l'UDC. Seul le PLR n'est pas présent parmi les signataires. Le Centre s'exprime avec plus de retenue que la gauche. «Il faut d'abord faire un état des lieux», temporise le conseiller national grison Martin Landolt.
Pour la socialiste Samira Marti, présente lundi en conférence de presse, pas la peine d'attendre: les révélations montrent déjà que le cadre législatif doit être amélioré. Dans son intervention, Gerhard Andrey prend en exemple le Royaume-Uni, où une évolution des règles a fait ses preuves.
Trois questions principales se posent: Credit Suisse a-t-il enfreint des lois, ou simplement fait ce qui n'est (était?) pas encore interdit? Moralement, il est évident qu'il n'est pas permis de cacher l'argent des potentats et du trafic de drogue, comme le révèle notamment la «Süddeutsche Zeitung».
Deuxièmement, il y a la «muselière médiatique» que représente l'article 47 de la Loi sur les banques. Et puis, enfin, la question de savoir si la sécurité des données des clients est garantie chez Credit Suisse.
La fuite de données de Credit Suisse ébranle la Berne fédérale. Et c'est justement ce mardi qu'une proposition visant à responsabiliser les dirigeants des banques doit être traitée. Le Conseil fédéral soutient l'examen d'une proposition en ce sens du conseiller national fribourgeois Gerhard Andrey.
Des représentants de plusieurs groupes parlementaires soutiennent le projet de l'élu vert, même l'UDC. Seul le PLR n'est pas présent parmi les signataires. Le Centre s'exprime avec plus de retenue que la gauche. «Il faut d'abord faire un état des lieux», temporise le conseiller national grison Martin Landolt.
Pour la socialiste Samira Marti, présente lundi en conférence de presse, pas la peine d'attendre: les révélations montrent déjà que le cadre législatif doit être amélioré. Dans son intervention, Gerhard Andrey prend en exemple le Royaume-Uni, où une évolution des règles a fait ses preuves.
Trois questions principales se posent: Credit Suisse a-t-il enfreint des lois, ou simplement fait ce qui n'est (était?) pas encore interdit? Moralement, il est évident qu'il n'est pas permis de cacher l'argent des potentats et du trafic de drogue, comme le révèle notamment la «Süddeutsche Zeitung».
Deuxièmement, il y a la «muselière médiatique» que représente l'article 47 de la Loi sur les banques. Et puis, enfin, la question de savoir si la sécurité des données des clients est garantie chez Credit Suisse.
Mettre la responsabilité en jeu
Le PS ne compte pas rester les bras croisés. La Session de printemps du Parlement, qui commence lundi prochain, devrait coïncider avec un feu nourri de la gauche en la matière. Un postulat demande que des sanctions «efficaces» soient émises par l’autorité de surveillance des marchés financiers (FINMA) contre les banques fautives. En commission de l’économie du National (CER-N), le PS a demandé une audition du Credit Suisse, de la FINMA et des autorités de luttes contre blanchiment d’argent pour faire la lumière sur cette nouvelle affaire.
La gauche veut surtout que les banquiers mettent leur responsabilité en jeu. «L’idée, c’est que si un cadre bancaire ordonne de faire le plus d’argent possible, ils subissent les conséquences éventuelles. Surtout s’ils sont très bien payés», avance Samuel Bendahan. Le Vaudois se défend de tout opportunisme politique, même si ce sont des journalistes qui sont à la base des révélations.
Le Parti socialiste n’a qu’un mot à la bouche: la transparence. De la part des banques, d’une part, mais aussi et surtout des parlementaires. «À chaque fois que nous sommes arrivés avec des revendications par le passé, on nous a rabâché le même discours: il n’y a pas besoin de tels instruments, explique Samuel Bendahan. Est-ce que ces parlementaires, dont les partis sont financés à coup de centaines de milliers de francs par les banques, croient vraiment à ce qu’ils défendent?» Une question rhétorique de la part de l’économiste qui enseigne à l’EPFL et à l’UNIL: «Cela me paraît peu probable, vu ce qu’ils défendent.»
Les journalistes muselés
Voilà pour le volet bancaire, qui ressemble à un énième épisode d’une situation où les fronts semblent établis. La nouveauté de «Suisse Secrets», c’est que l’indignation fiscale s’est doublée d’une couche de débat sur la liberté de la presse, puisqu'aucun média helvétique n’a pu exploiter les données. En cause: l’article 47 de la Loi sur les banques, un changement législatif voulu par la majorité bourgeoise de l’ancien Parlement et entré en vigueur en 2015. Conçu pour éviter le vol de données bancaires, cet article fait planer au-dessus des journalistes une peine allant jusqu’à trois ans de prison.
L’enjeu est si central que le PS a axé sa communication autour de ces «Suisse Secrets» sur les droits des médias. «Attaquer la liberté de la presse, c’est attaquer la démocratie. Ce sont les pires attaques que l’on puisse faire. C’est un domaine dans lequel on ne peut pas rester les bras croisés», poursuit Samuel Bendahan.
L’opposition à cet article 47 n’est pas nouvelle: en 2014 déjà, Ada Marra s’était émue du danger potentiel pour la liberté de la presse. La Vaudoise s’était alors heurtée à un mur. «Si le sujet n’était pas grave, j’oserais dire que ça fait mal d’avoir été en avance sur son temps», a ironisé la conseillère nationale sur Twitter, assurant son soutien en la matière à Samira Marti et Samuel Bendahan.
Un «effet Streisand»
Pourquoi le Vaudois pense-t-il que, cette fois, l’issue sera différente? «En rédigeant un article pour éviter que quelque chose ne se fasse, à savoir que des données bancaires sont exploitées par la presse, la droite a précisément mis cette thématique en lumière. C’est une sorte d’effet Streisand, image Samuel Bendahan. En allant au bulldozer, elle a fait deux gros dégâts simultanés: à la place financière suisse et à la liberté de la presse.»
Quid du fait de lancer des investigations à partir de données volées? «C’est un problème qui touche de nombreuses entreprises dans de nombreux secteurs. Mais ici, il ne s’agit pas de pirates crapuleux qui volent des données pour s’enrichir. Il s’agit, en tout cas en partie, de personnes qui ont pris un immense risque pour dénoncer ce qu’ils percevaient comme une profonde injustice et des pratiques problématiques. Il ne faut donc pas confondre whistleblower et pirate.»
Pour Samuel Bendahan, c’est précisément le fait qu'il ne s'agisse que de journalistes, donc motivés par «l’intérêt public des informations», qui fait toute la différence. «On parle ici de personnes qui prennent des risques massifs pour une cause noble. Certes, ici, les données ont été envoyées anonymement, mais ce n'est pas la seule source. C’est la base pour une enquête qui va bien plus loin que cela.» Et à laquelle pourront se joindre des médias suisses à l’avenir? Le vice-président du PS espère résoudre la situation autour de l’article 47 en mars déjà. Pour le volet bancaire, le combat s’annonce un peu plus compliqué.