Pokémon Sleep cartonne
L'avis d'un expert sur les applications du sommeil

Fin août 2023, l’application Pokémon Sleep dépassait les dix millions de téléchargements, moins de deux mois après sa sortie. Esthétique et addictif, ce type d’outil est-il vraiment bénéfique pour le sommeil? Un spécialiste nous éclaire.
Publié: 12.09.2023 à 19:58 heures
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Dernière mise à jour: 13.09.2023 à 09:54 heures
Lancée en juillet 2023, l'application du sommeil Pokémon Sleep a dépassé les dix millions de téléchargements en moins de deux mois.
Photo: Shutterstock
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Ellen De MeesterJournaliste Blick

Ronflex étendu de tout son long dans une prairie, la silhouette de Pikachu endormi sur son ventre: voilà la scénette irrésistible que dépeint l’application Pokémon Sleep, la cousine somnolente du célébrissime Pokémon Go. En ligne depuis le mois de juillet, cette nouveauté vient d’atteindre les 10 millions de téléchargements dans le monde entier, ainsi que l’annonçait The Pokémon Company dans un communiqué

Le gameplay est simple: des Pokémon se baladent sur votre écran, prêts à vous rappeler qu'il est l'heure de vous coucher et à vous fournir des informations sur la qualité de votre sommeil. Il est à la fois possible de nourrir le gourmand Ronflex et d’étudier les habitudes nocturnes des autres petits monstres, en les répertoriant dans votre «Dododex». 

Le design est nostalgique et apaisant, surtout pour les fans de la franchise japonaise. Le concept, lui, n’est absolument pas nouveau, sachant que des dizaines d’autres applications telles que Calm, Sleep Cycle, ShutEye ou encore Pillow proposaient déjà de suivre notre sommeil à la façon de traqueurs nocturnes.

Certaines d’entre elles proposent même des tapis sonores réconfortants, des histoires narrées par des célébrités ou encore des exercices de respiration. D’après une recherche de l’entreprise allemande Statista, 13% de la population française et 16% des Britanniques utilisent régulièrement ce type d’outil, souvent esthétique et créatif. Malgré leur popularité, les spécialistes conseillent de s’en méfier. 

Les données sont imprécises

En 2022, un rapport de l’assurance maladie Sanitas révélait que deux tiers des Suisses et Suissesses déclarent souffrir de troubles du sommeil. On comprend ainsi l’attrait de ces apps: il suffit de lancer un coup d’œil à notre smartphone au réveil pour découvrir une collection de graphiques ou de tableaux sophistiqués, enchaînant les conseils et encouragements à mieux dormir.

Le pourcentage de sommeil profond ainsi que les mouvements survenus durant la nuit sont enregistrés par l’application. Elle regroupe toutes ces informations pour évaluer la qualité de notre repos. Le site officiel de Pokémon précise toutefois que l'app est destinée au divertissement, et non pas à de véritables diagnostics médicaux. 

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Qu'en disent les experts?

Raphaël Heinzer, Professeur associé et médecin-chef au Centre d'investigation et de recherche sur le sommeil (CIRS) du CHUV, indique en effet que les données de ce type d'outil ne sont pas forcément fiables: «Ces applications ne sont pas très précises, puisqu’elles suivent notre sommeil de manière indirecte, indique-t-il. En collectant certaines informations par rapport à notre rythme cardiaque ou nos mouvements, les traqueurs extrapolent à partir de données approximatives en créant des schémas qui paraissent impressionnants. Or, leurs informations sont souvent incorrectes et ne représentent pas la réalité de notre sommeil: nous dormons avec le cerveau, et non pas avec le poignet ou le téléphone.»

Ce surplus d’information peut même s’avérer nocif, surtout lorsqu’on se focalise dessus à longueur de journée: «Nous recevons de plus en plus de personnes qui s'inquiètent de leur pourcentage de sommeil profond, alors qu'elles ne souffrent d’aucun trouble particulier, poursuit notre expert. Les médias véhiculent l’idée qu’il convient de viser huit heures de sommeil, mais tous ces critères dépendent de chaque individu.»

Pour le Professeur Heinzer, tant qu’on se sent bien durant la journée, qu’on est capable de réfléchir clairement et qu’on n’éprouve pas de somnolence, il n’y a pas de quoi s’inquiéter, peu importe ce que suggère la sinusoïde de notre application. On n’a donc pas réellement besoin de Ronflex ou de Pikachu pour nous indiquer notre état de fatigue. 

«Plus on se focalise sur le sommeil, plus il nous échappe»

Malheureusement, plus on dispose d’informations quant à notre santé, plus on est susceptibles de s’en inquiéter. Le spécialiste évoque même un phénomène d’orthosomnie, soit une volonté de perfectionner le sommeil qui peut s’avérer contre-productive: 

«Certaines personnes vont jusqu’à établir des statistiques et se fixer des objectifs de sommeil, sans savoir ce qui est vraiment bénéfique pour elles, constate-t-il. Cela s’ancre dans un véritable problème de société: on a de plus en plus tendance à vouloir améliorer nos performances dans tous les domaines.» En effet, lorsqu’on se démène pour augmenter notre pourcentage de sommeil profond et que les fameuses huit heures deviennent une obsession, on risque plutôt de passer la moitié de la nuit à fixer le plafond: «En ce qui concerne le sommeil, plus on se focalise dessus, plus il nous échappe!»

Alors, que faire si on a déjà téléchargé trois applications et que les graphiques font partie de notre routine matinale? «Je conseillerais de ne plus regarder sa montre ou son app et de profiter de la vie», conclut le Professeur Heinzer.

Attention à la surchauffe

Si vous souhaitez tout de même tester ces applications, ne laissez jamais votre téléphone sur votre matelas ou sous vos draps, afin d’éviter une surchauffe potentiellement dangereuse de l’appareil. 

Si vous souhaitez tout de même tester ces applications, ne laissez jamais votre téléphone sur votre matelas ou sous vos draps, afin d’éviter une surchauffe potentiellement dangereuse de l’appareil. 

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